Homélie du 3 mai 1998 - 4e DP
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        Frères et sœurs, l’Église nous invite aujourd’hui à prier pour les vocations religieuses et sacerdotales, et à méditer sur les questions que posent ces vocations. Mais dans la mesure où le terme même d’Église, selon l’étymologie grecque, évoque la communauté de ceux qui sont appelés et qui contribuent précisément à former l’Église, je ne crois pas être forcément hors sujet en vous parlant plus généralement de l’Église elle-même. Je le ferai à partir des lectures qui nous livrent trois dimensions importantes de l’Église, trois traits qui doivent caractériser sa vie pour qu’elle grandisse et soit un véritable témoignage rendu à la résurrection du Christ.

        Ce qui caractérise l’Église dès son origine, l’évangile est là pour nous le rappeler, c’est d’abord, l’appel de Dieu, la voix du Christ. L’Église n’est pas n’importe quel groupement humain, né de la seule volonté de ses membres, mais une communauté rassemblée par un appel, celui de Dieu ou celui du Christ:  » mes brebis écoutent ma voix, moi je les connais « , nous dit Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. La conséquence est importante – les appelés doivent être sans cesse à l’écoute de cette voix, au risque d’être arrachés à l’Église. Paul le dit aux Juifs:  » Puisque vous avez rejeté la parole de Dieu, nous nous tournons vers les païens « . Bien sûr, cette parole ne résonne pas toujours haut et fort, et elle n’est pas en outre toujours d’interprétation facile: raison de plus pour être à l’écoute et pour se familiariser avec elle. Il n’y a donc pas d’Église sans une fidélité attentive et juste à la parole de Dieu.

        Le deuxième élément que je voudrais signaler, et qui va nous reconduire à la question des vocations, est l’exigence de communion. En répondant à l’appel de Dieu, les chrétiens rassemblés ne forment pas un groupe quelconque, mais le corps vivant du Christ ressuscité. Dans ce corps, nous le savons, la main ne peut dire au pied  » tu es inutile « , ni d’ailleurs l’inverse; et il n’est pas de membre qui n’ait une fonction à remplir, ou mieux un service à rendre pour le corps entier. Il faut que donc tous les membres de l’Église soient à l’écoute les uns des autres, et ne se lassent jamais de faire grandir la communion qui existe entre eux dans l’unique Corps du Christ, Si l’on réfléchit à la question des vocations religieuses et sacerdotales dans cette optique de communion, il est clair tout à la fois que le problème de leur raréfaction n’est pas seulement le problème des religieux ou des prêtres, mais le problème de l’Église dans son ensemble: la qualité de vie des communautés chrétiennes, et je ne parle pas seulement des communautés paroissiales, est le terreau sur lequel naissent les vocations en question; inversement, disons-le aussi, la vocation des religieux ou prêtres n’est pas une affaire seulement personnelle, mais elle doit viser sans cesse le service de la communauté dans son ensemble et s’épanouir dans et pour l’Église.

        Le troisième élément enfin qui contribue à façonner l’Église, élément fortement souligné dans la deuxième lecture et repris dans l’évangile, c’est l’espérance. On n’entreprend de grandes choses que si l’on a un grand but et l’Église a précisément un grand but qui lui est propre: celui de rejoindre le Christ dans la vie éternelle. Je sais que parler de l’au-delà fait un peu ringard aux yeux de beaucoup de nos contemporains qui n’y croient plus guère, mais la réalité est peut-être moins loin d’eux qu’ils ne le pensent: en courant sans cesse après toutes sortes d’idoles, ils manifestent bien qu’ils sont en attente d’une réalité plus haute, et il ne faut pas renoncer à la leur présenter, à souligner pour eux combien la vie en Christ, qui peut d’ailleurs se vivre dès cette terre mais qui s’accomplit dans le Royaume à venir, représente la seule réalité apte à combler les désirs humains les plus profonds.

        Fidélité à la parole, communion, espérance: j’aurais pu dire tout aussi bien, vous l’avez sans doute senti, foi charité, espérance. Si nos communautés chrétiennes vivent de ces trois vertus avec profondeur, il est infiniment probable d’une part qu’elles auront fait tout ce qui est essentiel pour attirer de nouveaux aspirants à la vie religieuse ou sacerdotale, pour façonner l’Église mais elles auront aussi certainement contribué à la rendre plus attrayante pour ceux qui ne la connaissent que mal ou pas du tout, et à la faire grandir: et c’est là le service auquel tout appel de Dieu doit conduire en priorité.