Homélie du 18 mai 2003 - 5e DP
fr. Philippe-Marie Margelidon

Le Christ est vivant à jamais, ressuscité dans la gloire, il apparaîtra à la fin des temps pour un ultime jugement et la transformation de toutes choses. Actuellement, nous sommes dans une sorte d’entre deux, le temps de l’Alliance nouvelle où le Christ glorieux demeure présent en nous intimement bien qu’invisiblement, Lui comme la vigne et nous comme les sarments ou pour le dire à la manière de s. Paul, Lui comme la Tête à son Corps qui est l’Église.

En effet, c’est de Lui seul que nous recevons et la grâce et la vie des Fils de Dieu. «De Lui nous avons tous reçu et grâce pour grâce» dira le même s. Jean dans son prologue. La vigne est dans les sarments pour leur communiquer sa sève vivifiante. C’est la Tête qui fait vivre le Corps et ses membres par son Esprit qui donne la Vie. Et nous qui appartenons au Christ par la foi et le baptême, nous demeurons en Lui par la grâce en laquelle et par laquelle Il se donne avec le Père et le Saint-Esprit. Car il s’agit bien de «demeurer» en Dieu, de faire en Lui d’une manière stable, totale et définitive, notre demeure. Il nous donne sa vie, il nous rend participant de la nature divine pour faire en Lui et par Lui notre résidence, notre demeure, pour habiter avec Lui dans l’amour.

Pour demeurer en Dieu, dans l’amour de Dieu et dans la grâce des saints, il nous faut persévérer dans la confession de la vraie foi au Fils de Dieu qui nous a aimé et s’est livré pour nous, persévérer dans la prière et dans l’exercice de la charité. Si nous ne demeurons pas greffés sur la vigne, c’est-à-dire si nous altérons cette vie de la grâce par le péché, nous deviendrons des membres morts, nous lui appartiendrons de corps mais non plus de cœur. Nous serons ses sarments desséchés dont Jésus nous dit que le vigneron son Père les ramasse et les brûle.

Demeurer, c’est par conséquent produire des fruits de grâce , ces fruits de l’Esprit qui est vie dans le Christ. L’Esprit Saint est la sève qui irrigue et donne vie aux sarments sur la vigne du Christ. C’est l’amour répandu dans nos cœurs par l’Esprit du Christ ressuscité qui nous fera porter ce fruit de l’Esprit qui est «charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi». Car par nous-mêmes nous ne pouvons rien.

«Que ce soit peu ou beaucoup, dit s. Augustin, on ne peut rien faire en dehors de lui». D’ailleurs si le sarment porte peu, le vigneron l’émondera pour qu’il porte davantage, c’est tout le sens de l’ascèse et de la pénitence dans la vie chrétienne. Quand bien même le péché aurait fait son œuvre mortifère, et que notre cœur nous condamnerait, nous savons que Dieu est plus grand que notre pauvre cœur. Il est venu pour que nous ayons la Vie en abondance afin que demeurions avec Lui et en Lui dans cette communion intime avec le Père et l’Esprit Saint pour une vie éternelle qui commence dès ici-bas dans son Église. Plus nous garderons fidèlement ses commandements, plus nous persévérerons dans l’état de grâce, plus nous croîtrons dans la communion avec le Christ Jésus. Voilà qui autorise les sarments à demander tout ce qu’ils voudront car ils l’obtiendront. Mais lorsqu’on demeure dans le Christ, que peut-on demander, sinon ce qui convient au Christ, ce qui lui est conforme et digne de ce Nom.

Nul ne sait d’une certitude fondée sur l’évidence qu’il demeure dans le Christ; du moins, en avons-nous des signes qui ne mentent pas quand nous cherchons humblement à faire sa volonté, à observer sa parole et à mettre en pratique ses commandements. Demeurer dans le Christ, c’est vivre selon l’Esprit du Christ.

Or nous avons part à son Esprit lorsque nous approchant de l’autel du Seigneur, nous associant de cœur et d’âme au sacrifice eucharistique, nous recevons avec foi le fruit de la vigne, son corps livré et son sang répandu. L’efficacité salvifique du sacrifice de la messe se réalise en plénitude dans la communion, quand nous recevons le corps et le sang du Seigneur. Par la communion au pain de Vie et au vin de son Royaume, le Christ demeure en nous et nous vivifie par son Esprit qui nous transforme spirituellement. Lorsque nous mangeons le sacrement de son corps et de son sang, nous sommes remplis de son Esprit, comme la sève pour les sarments. C’est ainsi que croît le Corps du christ et le royaume de Dieu. «Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous». Chacun de nous reçoit le Christ et le Christ reçoit chacun de nous. Le Christ et son disciple demeure l’un dans l’autre: «Demeurez en moi, comme moi en vous». Par le don du Christ eucharistique et par l’Esprit se réalise cette communion de tous les hommes avec le Christ et en Lui avec le Père et l’Esprit Saint, qui est la fin et le but du sacrement de l’autel.

Que les sarments «émondés» par la parole du Verbe fait chair, soient trouvés dignes d’avoir part au fruit de la vigne et au festin de son Royaume. Amen.