Homélie du 14 avril 2006 - Vendredi Saint
fr. Olivier de Saint Martin

Si vous avez été attentifs, hier soir au moment de la prière eucharistique, vous aurez compris que nous étions vraiment présents au soir de la Cène. Nous disions en effet La veille du jour où il devait souffrir pour nous, c’est-à-dire aujourd’hui… Aujourd’hui, Vendredi saint, nous ne célébrons pas la messe car la liturgie nous transporte véritablement au pied de la Croix avec Marie, Jean et les saintes Femmes. Nous sommes là pour nous associer à l’offrande de Jésus. C’est l’évangile qui va nous faire entrer dans la communion au mystère de notre rédemption, et plus particulièrement à travers trois paroles. Trois paroles qui sont propres à saint Jean. Trois paroles qui nous disent le mystère de l’agneau immolé et de l’Église naissante qui communie au don de son Époux. Puis nous vénèrerons la croix: ce que nous aurons entendu, nous manifesterons que nous voulons en vivre. Enfin, par la communion sacramentelle, nous recevrons en nous le mystère de notre rédemption, pour le faire nôtre totalement. Afin de compléter en notre chair la passion du Seigneur, pour son corps qui est l’Église.

 

Femme, voici ton fils.

Femme. C’est ainsi que Jésus avait appelé Marie aux Noces de Cana, ce jour où il avait annoncé son Heure. L’Heure de la glorification est arrivée et c’est maintenant. Et c’est à partir de cette même heure-là que le disciple la prit chez lui. Jean, le disciple bien-aimé, a écrit des pages magnifiques pour que nous nous sachions enfants de ce Dieu qui a tant aimé le monde. Aujourd’hui, Jean est là en notre nom à tous et à travers lui, c’est de nous que Marie devient la mère. Elle avait engendré le Verbe fait chair. Elle est là pour nous engendrer, prémisses de l’Église, et que nous devenions fils dans le Fils, que nous donnions à son divin Fils comme une humanité de surcroît. Marie est la première église qui engendre déjà des enfants. L’eau de l’Esprit et le sang de la Passion vont bientôt couler du côté transpercé. Ce sont l’eau du baptême et le sang de l’Eucharistie. L’Église naît du côté transpercé de Jésus comme Ève était née du côté d’Adam.

 

J’ai soif !

L’Église est au pied de la Croix mais Jésus est seul. Seul sur la croix, seul en face du monde, seul en face du Père. J’ai soif! Les crucifiés souffrent atrocement de la soif mais aujourd’hui cette soif du Christ est le signe d’une autre soif. Comme autrefois avec la Samaritaine lorsqu’il mendiait un peu d’eau au bord du puits: Donne-moi à boire. C’est la soif du désir de Dieu, ce désir qu’à Dieu de nous rendre participants de sa nature divine c’est-à-dire au mystère même de son Amour: Père, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi. Voilà le désir de Dieu… qui a pris le risque que nous nous fermions à ce bonheur car Il nous veut libres. Dieu a pris le risque du péché de l’homme et face à ce péché, le désir de Dieu est devenu un cri sur la croix. J’ai soif! C’est le cri de l’amour de Dieu qui ne peut se résoudre au gâchis de notre péché.

 

Tout est accompli.

Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Oui, Tout est accompli! Les prophéties sont accomplies. Et tout est fini. Scandale pour les Juifs, Folie pour les païens que cet accomplissement. Jésus, qui était de condition divine, s’est anéanti, Il a accepté de tout perdre ou plus exactement de tout donner. Il a donné ses vêtements, il a donné Marie. Crucifié avec des malfaiteurs, Il a donné son honneur. Défiguré par la douleur, Il a donné sa beauté. Il a donné son Corps et son sang à travers les crachats, les coups et les blessures. Il a donné sa vie: Ma vie nul ne la prend mais c’est moi qui la donne. Au moment même où Il remet son Esprit au Père, il commence à le donner à son Église: Inclinant la tête, Il livra son Esprit. Il a donné sa mort et il remet son corps sans vie entre nos mains. Dépouillé de tout, Jésus n’est qu’amour : amour du Père et amour de ses frères les hommes pour qui Il a tout donné. Déjà, de cet amour commence à jaillir la vie de l’Esprit qu’il donne. C’est une vie nouvelle, une vie jusque-là inimaginable à laquelle nous allons communier en recevant son corps martyrisé. Nous allons alors entrer totalement, avec toute notre personne, dans le mystère de notre rédemption. Tout est accompli. C’est aussi un cri de victoire prononcé par Jésus dans l’abîme de la douleur. Tout est accompli. C’est déjà le murmure de la victoire de l’amour de Dieu.