Homélie du 26 novembre 2006 - Solennité du Christ Roi
fr. Jean-Hugo Tisin

Lorsque la fête du Christ-Roi fut créée par Pie XI il y a 75 ans, certains éprouvèrent un malaise à cause des implications sociales et politiques qui paraissaient associées à la création d’une telle célébration. De plus, l’Église latine n’avait pas coutume de célébrer liturgiquement un titre du Christ – nous célébrions les Évènements liés à la vie du Christ que sont les Mystères de sa Nativité, de sa Mort et de sa Résurrection -. Mais la liturgie de la Parole, qui fut proposée, suffit à dissiper les ambiguïtés et les incompréhensions. La Parole de Dieu d’aujourd’hui nous enracine au cœur même de la Révélation et méditer sur la Réalité du Règne et de la Royauté de Jésus, à partir de Jean nous invite à réfléchir à notre condition de sujet du Royaume: «Je suis né, je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la Vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix».

Si le titre de Roi est ambigu, la parole de Jésus ne suffit pas à nous orienter vers son propre Mystère et le sens même de notre destinée. Il y a d’abord les apparences du monde, ses illusions, sa fausse cohérence déguisée en réalité. Tout y est fluant et cependant assuré dans sa force et son pouvoir, sa capacité à se donner comme sacré: les empires, César, les rois, les maîtres et les seigneurs. Mais Jésus, lors de la dernière Cène, où l’Eucharistie fut célébrée, est descendu en nous, s’est abaissé en nous: «Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien car je le suis». Le Maître-Serviteur, lavant les pieds de ses disciples, révèle en nous une autre région, bien au-delà des apparences.

Mais aujourd’hui, dans sa scène du prétoire, les apparences recouvrent tout de leur voile de violence, de mensonge et finalement de mort. A l’extérieur, la foule haineuse qui vocifère et fournit de faux prétextes. A l’intérieur, le fonctionnaire de César. Il doit tenir Jésus pour un visionnaire, pour un illuminé plutôt que comme un prétendant à la Royauté.

Mais qu’est-ce qu’un roi? Que peut être ce règne? Les basileus, les maîtres qui font ressentir leur pouvoir, la puissance de la Bête? Écoutez le Roi, le seul Roi qui fut et qui ouvre le seul Royaume de la Présence éternelle de l’Amour qui est son Père: «Tu le dis… Je suis Roi et je ne suis né, je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la Vérité». Parole stupéfiante; la Parole est entrée dans le monde pour témoigner de la Vérité, c’est-à-dire la Présence fidèle, éternelle du Père. En vertu de l’Alliance, Dieu ne cesse de se donner en Alliance d’amour, à chacun de nous.

Qu’est-ce que le témoignage de la Vérité? Ce sera l’élévation de Jésus, sa gloire, la disparition du monde illusoire, la manifestation du principe, le seul principe qui soit: «J’ai dit: l’Amour est bâti à jamais, aux cieux tu as fondé ta Vérité. Il m’appellera, lui, le Messie, Toi, mon Père, Mon Dieu et le Rocher de mon Salut». Le Père a retenu le fils au bord du Shéol pour lui donner la vie parfaite, dans la Lumière de la Gloire. Qu’est-ce que la Vérité disait celui-là… La Vérité de Dieu ne fait jamais défaut à l’homme. La fin de notre vie, chaque instant de vie, nous fait passer des portes de la mort vers Sa Lumière.