Homélie du 24 décembre 2006 - Nuit de Noël
fr. Olivier de Saint Martin

J’ai lu quelque part: Dieu existe, je l’ai rencontré! Ça alors! ça m’étonne! Que Dieu existe, la question ne se pose pas! Mais que quelqu’un l’ai rencontré avant moi, voilà qui me surprend! Parce que j’ai eu le privilège de rencontrer Dieu juste à un moment où je doutais de lui! Dans un petit village de Lozère abandonné des hommes, il n’y avait plus personne. Et en passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis entré… Et, là, j’ai été ébloui… par une lumière intense… insoutenable! C’était Dieu… Dieu en personne, Dieu qui priait! Je me suis dit: Qui prie-t-il? Il ne se prie pas lui-même? Pas lui? Pas Dieu! Non! Il priait l’homme! Il me priait, moi! Il doutait de moi comme j’avais douté de lui! Il disait: Ô homme! si tu existes, un signe de toi! J’ai dit: Mon Dieu, je suis là! Il a dit: Miracle! Une humaine apparition! Je lui ai dit: Mais mon Dieu… comment pouvez-vous douter de l’existence de l’homme, puisque c’est vous qui l’avez créé? Il m’a dit: Oui… mais il y a si longtemps que je n’en ai pas vu un dans mon église… que je me demandais si ce n’était pas une vue de l’esprit! Je lui ai dit:Vous voilà rassuré, mon Dieu! Il m’a dit: Oui! Je vais pouvoir leur dire là-haut: L’homme existe, je l’ai rencontré!

Rappelez-vous, c’était il y a bien longtemps, bien avant que Raymond Devos n’écrive cette petite histoire. Oui, c’était dans le jardin d’Éden, au paradis, le lendemain du péché originel. Dieu se promenait à la recherche de l’homme. Il disait: Adam, où es-tu? Et Adam avait répondu: Je me suis caché, parce que je suis nu et que j’ai eu peur . Et de siècle en siècle, l’homme a continué à avoir peur: Éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur. Mais Dieu ne s’est jamais avoué vaincu. Il n’a cessé de partir à la recherche de l’homme: Tu es fait pour le bonheur, voilà le sens de ta vie . Il l’a fait à bien des reprises de bien des manières: Il a envoyé ses prophètes à son peuple pour lui enseigner la Loi. Il a envoyé ses anges aussi. Mais voilà, l’homme n’a pas compris, il a eu peur que la Loi ne l’empêche de s’épanouir et il s’est bricolé des raisons de vivre. Il tournait parfois, sans le savoir, le dos à Dieu, attaché qu’il était à ses constructions humaines. L’homme n’était pas trop heureux, et c’est normal puisque son cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Dieu. L’homme sans Dieu n’est pas heureux! Et réciproquement, si j’ose dire, Dieu n’était pas pleinement heureux. Parce que Dieu voulait tout partager avec l’homme. Dieu voulait, de toute éternité, que l’homme partage son bonheur à Lui qui est celui d’une communion plénière, une communion d’amour, celle qui unit le Père et le Fils par l’Esprit. Alors, les prophètes et les anges, c’était bien, mais c’était encore un peu extérieur pour un Dieu qui voulait donner sa vie la plus intime en partage à l’homme.

C’est pour cela qu’en ces temps qui sont les derniers, Dieu est revenu à la charge, pour enfin trouver l’homme, et a chanté un nouveau refrain: N’aie pas peur Zacharie, le Seigneur a entendu ta supplication! Sois sans crainte, Marie, tu as trouvé grâce auprès de Dieu! Ne crains pas Joseph de prendre chez toi Marie ton épouse. Après cette ultime préparation, Dieu a trouvé l’homme. Dieu s’est fait homme. En Jésus l’homme s’est trouvé réconcilié avec Dieu, l’homme a commencé à partager la communion d’Amour qui n’est qu’en Dieu. Dieu peut partager son bonheur avec l’homme, Il peut faire vivre l’homme au sens le plus plénier du terme! On comprend qu’il y ait de la joie au ciel! et que sonnent les trompettes angéliques!

Mais il y avait un autre enjeu. C’était que l’homme se laisse désarmer. Qu’il se laisse trouver. Bien sûr, il y avait un risque, celui que l’homme refuse et ferme son cœur. Il y a des Hérode partout et à toutes les époques. Mais, il fallait le courir ce risque. Car, peut-être qu’Harpagon partagerait un peu de son or avec cet Enfant démuni. Celui qui avait peur que Dieu ne l’empêche de s’épanouir comprendrait peut-être qu’Il veut que l’homme vive! Celui qui était effrayé par son propre péché, celui qui craignait le regard de Celui qui sonde les reins et les cœurs, se prendrait-il à vouloir prendre l’Enfant Roi dans ses bras pour simplement L’aimer? Celui qui avait peur de la Toute-Puissance divine ne serait-il pas ému devant tant de fragilité et ne voudrait-il pas Le protéger? Oui, peut-être le miracle aurait-il lieu? Et l’homme a commencé à s’approcher. Sans tambour ni trompettes. Sans bruit. Mais il est venu. L’homme, à travers les bergers, s’est à nouveau rapproché de Dieu. Et l’appel continue de retentir: Éveille-toi, ô toi qui dors, éveille-toi d’entre les morts. Voici que Dieu s’est souvenu de ta détresse, voici que le Seigneur est venu dans ta nuit! Éveille-toi, ô toi qui dors et le Christ t’illuminera!

Dieu a pris la fragilité de notre condition humaine. Il a voulu avoir besoin d’un père et d’une mère et de la compagnie des bergers. Il s’est choisi des disciples. Le Fils de l’homme, qui n’avait pas de lieu où reposer la tête, a frappé aux portes des maisons, il s’est reposé sur les saintes femmes qui l’aidaient de leurs biens. Et puis, il y eut cette autre nuit, à Gethsémani, où il demanda à Pierre, Jacques et Jean de veiller avec Lui. Aujourd’hui, Il nous demande notre compagnie même si nous nous sentons bien maladroits et que nous ne savons pas trop comment nous comporter en face de l’Enfant Dieu. Voici qu’Il nous dit: Aime-moi tel que tu es. Je connais ta misère, les combats et les tribulations de ton âme… je te dis quand même: Donne-moi ton cœur, aime-moi tel que tu es. Nous sommes ce soir les bergers et, émerveillés, nous découvrons le visage de notre Sauveur et nous l’adorons. Dieu a pris la condition de l’esclave pour que nous n’ayons pas peur de nous approcher et d’être pardonnés. Il va se donner à nous sous les apparences du pain et du vin, dans la crèche de notre cœur, pour que nous goûtions la joie de la communion parfaite. Oui, Éveille-toi, ô toi qui dors!

Alors, Seigneur, je suis là, en cette nuit, avec mes interrogations, mes angoisses et mes doutes, mes misères et mes tribulations. J’avais peur de me laisser aimer. J’avais peur de ne pouvoir t’aimer. Tu t’es fait plus petit que moi et tu as vaincu mes peurs. Tu n’as pas retenu le rang qui t’égalait à Dieu. Viens Seigneur, viens en moi et fais-moi connaître la joie du salut. Fais-moi connaître la douceur de la communion d’Amour qui est en Toi, Dieu, qui est Père, Fils et Esprit Saint.