Homélie du 7 octobre 2007 - Solennité de Notre-Dame du Rosaire
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Mission impossible, frères et sœurs; il me faut, en moins de dix minutes, vous parler du Rosaire! Et d’ailleurs, par quoi commencer? Un frère, juste avant la messe, m’a dit: «Surtout, n’attribue pas la victoire d’hier soir à Notre-Dame du Rosaire». Alors je m’abstiens… et attendrai que le miracle soit officiellement reconnu! Je pourrais vous parler du chapelet, de son histoire, de l’attachement parfois si discret de notre Ordre à cette prière… mais vous savez déjà tout cela par cœur puisque vous allez, comme vous le dites souvent, à la messe «chez les Dominicains»… et en plus la paroisse s’appelle Notre-Dame du Rosaire!… II serait possible également de dresser une galerie de portraits de ceux qui ont tant aimé Notre-Dame et qui en ont propagé la dévotion, qu’il s’agisse du bienheureux Alain de la Roche, de saint Pie V – associé à la fameuse victoire de Lépante contre la flotte turque, en 1571, grâce à l’intercession de Notre-Dame du Rosaire – ou bien de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, pour ne citer qu’eux. Cela aussi, vous te connaissez bien car le Secret admirable du Très Saint Rosaire fait partie de vos livres de chevet!… J’aurais tout aussi bien pu choisir de vous emmener au Rosaire, au Pèlerinage du Rosaire. La plupart d’entre nous, un peu fatigués, viennent de passer cette semaine à Lourdes, au service des pèlerins malades et bien-portants. Une semaine bien spéciale où les rencontres sont souvent bouleversantes, où une vie peut s’ouvrir à la miséricorde de Dieu, sous le regard aimant de la Vierge Marie. Parce qu’en définitive, c’est ça le Rosaire: aller à Jésus par Marie! Finalement, j’ai décidé de vous lancer une invitation qui se décline selon trois formules: priez le Rosaire, prêchez le Rosaire, vivez le Rosaire!

Priez le Rosaire! Je n’aime pas trop entendre qu’il s’agit de la prière des pauvres. Le Rosaire est bien plutôt la prière des riches, de ceux qui ont trouvé ce Trésor, de ceux qui ont compris que l’ensemble des mystères médités embrasse toute l’histoire du salut. Priez le Rosaire! C’est la prière des saints. Je garde toujours à l’esprit la réaction immédiate de Bernadette lorsque Notre-Dame lui apparaît pour la première fois: elle met la main à sa poche et y trouve son chapelet. Priez le Rosaire! C’est la prière de la paix et de la famille. C’est une prière puissante sur le cœur de Dieu. Prenons un exemple: avez-vous constaté, chers frères, que les provinces dominicaines qui recrutent le plus sont celles qui sont les plus fidèles à la prière du Rosaire, récitée communautairement d’ailleurs? Mais il doit s’agir d’une simple coïncidence.

Prêchez le Rosaire! Il a été confié à notre Ordre. Il serait dommage qu’il nous soit enlevé pour des ouvriers plus zélés. N’avez-vous d’ailleurs pas remarqué que dans la dernière lettre sur le Rosaire, celle du pape Jean-Paul II, les Dominicains ne sont même pas cités! Le Rosaire fait partie du trésor de notre Ordre… à nous de le faire fructifier! Ou peut-être avons-nous enterré notre talent, parce que nous avions peur? Prêchez le Rosaire, non pas forcément par de longs discours, mais tout simplement par la prière constante et aimante. Ne gardons-nous pas tous à l’esprit l’image du Père Lagrange, le fondateur de l’École Biblique, qui, fidèlement, disait son Rosaire chaque jour? Prêchez le Rosaire!… A ceux que le Seigneur mettra sur votre chemin.

Tenez par exemple, le 16 août dernier, entre deux avions, je priais mon office, dans la zone de transit de l’aéroport de Marseille. Une femme de ménage me regardait avec insistance. Elle s’approche, me demande pourquoi je suis habillé à la mode du XIIIème siècle! Je commence mon explication. Elle m’interrompt: «Mais dites-moi, je peux vous poser une question? Pour vous, Marie, qu’est-ce qu’elle représente?» J’ai regardé s’il n’y avait pas de caméra cachée… et je me suis lancé!

Vivez le Rosaire! Vous pouvez vous attacher à un mystère, à celui qui parlera le plus à votre cœur, qui vous rappellera l’amour de Dieu pour vous. Il pourra s’agir de l’Annonciation, merveilleux récit où Dieu vient faire une déclaration d’amour à l’humanité. Vivez le Rosaire! Chaque instant de notre vie peut être mis en lien avec un mystère du Rosaire. Parmi tant d’autres exemples, si vous êtes dans la joie, unissez-vous au Magnificat de Marie à la Visitation, si vous êtes dans la peine et la souffrance, contemplez l’Agonie de Jésus à Gethsémani… Vivez le Rosaire! Voilà un programme qui nous permet d’être toujours plus configuré au Christ, sous le regard de Marie. A force de les prendre pour exemple, nous finirons bien par leur ressembler… ne serait-ce qu’un peu!

Alors, frères et sœurs, priez le Rosaire, prêchez le Rosaire, vivez le Rosaire! En un mot, aimez le Rosaire!… parce que c’est une histoire d’amour, avec!a Mère du Bel Amour. Et vous entendrez Dieu murmurer à votre cœur, comme il a su le faire si délicatement avec Notre-Dame: «Ma plus belle histoire d’amour, c’est toi». Et vous en pleurerez. Si jamais cela vous arrive, pas de panique. Il suffit de suivre trois conseils: Le conseil de Marie. Répondez, de tout votre cœur: «je suis la servante, le serviteur du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole», Le conseil de Bernadette. Ayez toujours un chapelet dans votre poche. En cas d’émotion forte, c’est toujours utile… en plus, Satan déteste ça. Le conseil de Louis-Marie, de frère Louis-Marie, pas de saint Louis-Marie! On ne vous croira jamais. On ricanera même, sûrement. Ce n’est pas vraiment grave, après tout. Cachez-vous alors dans le Cœur Immaculé de Marie et dites au Seigneur: «Mais Seigneur, ma plus belle histoire d’amour, c’est Vous. Oui, Seigneur, c’est Vous!»

Le mot de la fin? Je le laisserai à notre bienheureux frère Hyacinthe-Marie Cormier. Il s’agit d’un extrait de retraites qu’il avait prêchées à Rome en 1896. Ces mots, je les fais miens… et je vous invite à faire de même! «Je Vous remercie, ô mon Dieu, de m’avoir donné, par Marie, un moyen de sanctification aussi excellent, chaîne aimable pour guider mes pas dans la vie active; ombrage délicieux pour abriter mon cœur dans la vie contemplative. Je ne quitterai jamais mon trésor; toute ma vie, au contraire, je l’emploierai avec foi, ardeur, persévérance. Et, à la fin de mes jours, quand je ne pourrai plus me consacrer aux œuvres extérieures, quand il me sera impossible de prêcher, d’enseigner, de psalmodier même, je dirai encore le Rosaire; et si je ne puis plus, je le tiendrai du moins entre mes mains ou devant mes yeux. Il sera, sous des formes diverses, l’aliment perpétuel de ma contemplation, ma récréation de toutes mes heures, ma patience pour souffrir, ma préparation à mourir.»
Amen.