Homélie du 10 janvier 2010 - Baptême du Christ
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Au jour de son baptême, le Christ a environ trente ans. Trente années, ce n’est pas rien dans une vie d’homme. Jésus a trente ans et jusqu’à présent, aux yeux du monde, il n’a encore rien dit, ni réalisé de notable. La preuve en est que jusqu’à son baptême inclu, l’évangéliste Luc ne mentionne qu’une seule parole de Jésus, prononcée 18 ans auparavant, celle qu’il adressa à Joseph et Marie au jour de son recouvrement au temple : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Une seule parole de notable en trente ans, et qui plus est destinée seulement à ses proches ! Il y a de quoi s’interroger sur les raisons de ce long silence.

Par contraste, après l’évènement du baptême, la vie de Jésus prend résolument une tout autre tournure. Jésus sort de l’anonymat. Lui qui vivait inconnu au milieu des hommes, sans faire d’histoire, sort tout-à-coup du rang. Il devient un personnage public. Lui qui a vécu comme caché aux yeux des hommes pendant trente ans, se met à proclamer publiquement le royaume de son Père, en paroles et en actes. Lui l’inconnu, devient le témoin par excellence de Dieu.

Un changement si radical de mode de vie est le signe que l’évènement du baptême est un mystère capital pour notre compréhension du ministère public de Jésus. Le baptême est pour le Christ le passage obligé avant de pouvoir prononcer la moindre parole publique. En effet, ce qui se joue au baptême, ce n’est ni plus ni moins que la crédibilité-même de son oeuvre et de sa parole aux yeux du monde. Pour pouvoir prêcher la bonne nouvelle du salut, Jésus doit au préalable recevoir une consécration spéciale, c’est-à-dire être manifesté à la face du monde comme le témoin véridique de Dieu. En faisant entendre sa voix sur les eaux du Jourdain, le Père révèle que celui qui se tient au milieu du peuple et qui va maintenant œuvrer publiquement en son nom est son Fils. Dieu rend ainsi témoignage à son Fils pour que le Fils en retour rende témoignage au Père.
Dieu le Père nous faît connaître la vérité de la personne du Christ, vrai Dieu et vrai homme, pour attester que toutes ses paroles et ses actes sont pour nous sources de salut. « Le Père qui m’a envoyé a lui-même porté témoignage à mon sujet, dit Jésus en s. Jean (Jn 5, 37) » « Si je me rendais témoignage mon témoignage ne serait pas recevable ; c’est un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu’il me rend est conforme à la vérité. (Jn 5, 31-32) »

Au baptême, tout comme au jour de la transfiguration, le Père nous invite désormais à écouter son Fils. En désignant Jésus comme son Fils, Dieu nous le montre comme étant le véritable et unique chemin vers lui. Il faut noter que non seulement le Père atteste que Jésus est la parole de vérité, mais que l’Esprit-Saint, l’Esprit de vérité, se joint aussi au Père pour rendre témoignage au Christ devant les hommes.

Jésus sort ainsi vraiment du rang. Il est plus qu’un simple homme, il est plus qu’un prophète. Il dépasse en puissance Jean-Baptiste lui-même qui est pourtant le plus grand des prophètes, car Jésus nous révèle d’avantage. « Je possède un témoignage qui est plus grand que celui de Jean, dit Jésus, ce sont les œuvres que le Père m’a donné à accomplir. Jn 5, 36.» En raison de son être de Fils, Il est le seul à pouvoir nous dire qui est Dieu. Seul le Fils qui est parole engendrée par le Père peut nous donner une parole vraie sur le Père. Connaître le Fils, c’est connaître le Père. «Tout m’a été remis par mon Père, et nul ne connaît qui est le Fils, si ce n’est le Père, ni qui est le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. (Lc, 10, 22)».

Le mystère du baptême du Christ nous rappelle que pour accueillir l’Évangile pour ce qu’il est : Parole de Dieu sur Dieu et non parole d’homme à propos de Dieu, il nous faut d’abord confesser que Jésus est le Fils de Dieu. Jésus n’est pas simplement un homme à travers qui Dieu nous parlerait. Jésus est Parole de Dieu. Et cette Parole de Dieu qui s’est tue pendant trente années a été comme libérée au baptême. Depuis lors, elle s’élance, comme les eaux d’un fleuve à la conquête des cœurs. C’est cette même parole libérée au baptême qui est à l’œuvre même dans nos vies.