Homélie du 9 octobre 2011 - 28e DO
fr. François Daguet

Elle est étonnante cette parabole des invités aux noces dans l’évangile de Matthieu : il est question du roi, des noces de son fils, mais jamais de la fiancée. Rassurez-vous, elle n’est pas absente, parce que la mariée, l’héroïne du jour est bien là. Et cette mariée, c’est vous, c’est chacun de nous, c’est chacune de nos âmes, conviée à célébrer ses noces avec le Christ. Ce matin, ce sont les noces de l’Agneau, ce sont nos noces avec l’Agneau que nous venons célébrer. Bien sûr, elles ne sont pas encore parfaites, elles le seront à notre mort, à notre entrée dans la vie éternelle, du moins nous l’espérons. C’est dire que l’événement dont il s’agit est le plus important de notre vie, c’est de notre salut qu’il s’agit. Ce matin, nous sommes tous conviés à une séance de préparation au mariage, et pour ces noces qui commencent dès cette vie, Jésus nous donne quelques consignes de préparation, deux principalement.

Le premier conseil, c’est de bien vouloir accueillir l’invitation. La première partie de la parabole, où l’on voit en filigrane le destin d’Israël qui n’accueille pas son Messie, montre des invités qui ont mieux à faire que de se rendre aux noces du fils du roi. Ils ont leur champ, ils ont leur commerce. La transposition est facile, à toutes les époques. Il y a mille façons d’avoir mieux à faire que de se rendre aux invitations que le Père nous adresse, et pas seulement le dimanche. Je suis fatigué, j’ai bien le droit de me détendre, j’ai le sport, la maison dont il faut s’occuper, le jardin et la piscine à nettoyer, le déjeuner à préparer. Dieu notre Père nous pose aujourd’hui une question très simple : quelle est la priorité dans ta vie ? Quel est le plus important, au regard duquel le reste est secondaire ? Cela vaut pour tous les aspects de notre vie, et d’abord au niveau humain : quelle est la priorité dans ma vie ? Si l’on regarde de près, bien souvent on constate que ce qui passe en premier est le plus urgent ; ce n’est pas nécessairement le plus important. Alors, on reporte les rendez-vous avec le Christ : cela peut passer après. Mais après, il y a encore quelque chose d’urgent, et parfois, en fin de journée, le rendez-vous passe à la trappe. Cela peut durer une vie entière, parce que des raisons urgentes de faire autre chose, il y en a tous les jours.

Le second conseil découle du second épisode, où l’on voit ce malheureux se faire maudire parce qu’il n’a pas sur lui le vêtement des noces. Vous l’avez compris, tous ces hommes trouvés à droite et à gauche et invités aux noces, c’est l’annonce par Jésus que désormais tous les hommes sans distinction sont invités à entrer dans la vie éternelle avec Dieu. Cela nous concerne encore directement. Et, dans cette parabole, Dieu notre Père nous prévient : ne croyez pas que vous entrerez dans la vie éternelle sans vous y être disposés. Vous l’avez remarqué : le texte nous dit littéralement que le roi entre « pour examiner les convives ». Nous allons être examinés, et ne pensons pas pouvoir soustraire quoi que ce soit au regard du Père.

Mais qu’est-ce donc que ce vêtement des noces, cette robe nuptiale qu’il faut avoir sur soi pour entrer et participer aux noces ? Matthieu n’en dit rien, mais bien des passages de l’Écriture nous mettent sur la piste. Dans l’Apocalypse, les élus portent des robes de lin d’une blancheur éclatante, et l’on nous dit que ce sont les bonnes actions des saints. Et saint Paul, de son côté, nous dit que « baptisés dans le Christ, nous avons revêtu le Christ », il nous invite à « revêtir l’homme nouveau ». La métaphore vestimentaire revient dans ses lettres : « revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience » : nous retrouvons les bonnes actions des saints de l’Apocalypse.

L’image du vêtement ne doit donc pas nous tromper. Il ne s’agit pas de quelque chose d’extérieur ou d’accessoire à notre vie. Ce n’est pas un costume chic ou une robe élégante, ce n’est pas une décoration à la boutonnière ou une broche au revers d’une veste qui fera l’affaire. Tout cela ira à la tombe. Il s’agit de revêtir le Christ, c’est-à-dire de configurer toute notre vie, autant que faire se peut, à celle de notre Sauveur. Il s’agit de vivre, vraiment, de la charité. Voilà le vêtement des noces qui plaît à Dieu. Nous l’avons reçu lors de notre baptême, mais nous sommes invités à le tisser tout au long de notre vie par la pratique d’une vie évangélique, c’est-à-dire de charité. Nus, nous retournerons à la terre, comme nous sommes nés, mais c’est revêtus de ce seul vêtement de la charité que nous rencontrerons le Père qui nous invite aux noces avec son Fils.

Tout cela peut nous inquiéter : ne risquons-nous pas de nous retrouver devant le Père avec une robe salie, portant la marque de toutes nos mauvaises actions et de toutes nos misères, et alors d’être jetés dehors comme le pauvre homme de l’Évangile ? Qui d’entre nous sera jugé digne d’entrer dans la salle des noces ? N’ayons pas peur, cependant. Dans l’Apocalypse, où la métaphore nuptiale est souvent présente, on nous dit des martyrs qu’ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. Eh bien, nous aussi, nous pouvons blanchir notre robe en la trempant dans le sang du Christ, c’est-à-dire en vivant de sa miséricorde qui nous pardonne et qui rénove, aussi souvent que nécessaire, notre robe nuptiale. Si bien qu’en fin de compte, c’est le Christ lui-même qui nous revêt de sa miséricorde et nous donne d’être accueillis au festin des noces éternelles. Alors n’oublions pas d’appeler cette miséricorde et d’en vivre. Réjouissons-nous, car nous sommes appelés, et il ne tient qu’à nous d’être élus.