Homélie du 4 mai 2014 - 3e DP
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Quel est au fond le grand mystère de notre vie chrétienne ici-bas?…

L’Économie du Salut dans l’Ancienne Alliance est le temps pendant lequel Dieu se constitue un peuple, le temps pendant lequel il envoi sa Parole, le temps pendant lequel les hébreux comprennent de mieux en mieux qui est le Messie. Un théologien des premiers siècles de l’Église explique que pendant cette période le «Verbe s’épaissit», c’est-à-dire qu’il entre petit à petit dans notre monde (par les prophéties, par la vie des justes), jusqu’à l’Incarnation Rédemptrice sous le roi Hérode. Nous, nous connaissons le Verbe incarné, c’est le Christ. Ainsi, à l’exemple de la révélation progressive du Verbe dans l’Ancienne Alliance, notre vie chrétienne en son mystère le plus profond consiste à laisser la «Résurrection s’épaissir» en nous, elle doit prendre petit à petit toutes les dimensions de notre être. En plusieurs étapes, c’est au fond, de cela que nous parle la belle page d’Évangile des disciples d’Emmaüs.

Mettons nos pas dans ceux de ces disciples qui nous ressemblent tant. Le premier temps est celui de l’abattement. «Nous espérions, nous» disent les disciples. Ils parlent de Jésus au passé. Oui, le grand prophète est bien mort et enterré même si des rumeurs ont chatouillés nos oreilles, mais rien de sérieux. Notez comme le pronom nous est répété: « Nous espérions, nous »: il leur faudra passer, il nous faudra passer, du moi à lui. C’est-à-dire passer de nos petits projets sans Dieu au grand projet de Dieu sur nous. On peut penser que leur espérance messianique était fortement politisée. Ils pensaient certainement prendre le glaive avec Jésus pour libérer Jérusalem. Mais c’est la Croix qu’il leur faudra prendre, pour mourir et vivre avec le Christ.

Au début du passage «leurs yeux sont empêchés» de reconnaître Jésus qui chemine avec eux. Non seulement par ce que son corps ressuscité est profondément différent mais aussi parce qu’ils doutent, parce que leur conversion n’est pas achevée. Quand les yeux de notre cœur sont empêchés de reconnaître le Christ, souvenons-nous qu’il chemine avec nous quoiqu’il arrive, même si nous ne le sentons pas. Le deuxième temps est celui de l’entrée dans le mystère. Et par quel moyen? Celui de la Parole. Ces disciples étaient pourtant certainement d’excellents israélites mais apparemment ils ne connaissaient pas bien leurs Écritures. En fait, ils n’avaient pas la clé de lecture pour les interpréter adéquatement: cette clé de lecture c’est le Christ lui-même. Singulièrement dans son mystère rédempteur qui va de l’Incarnation jusqu’à la résurrection. Seul l’Esprit du Christ ressuscité pouvait les introduire dans la profondeur du plan de Dieu. «La Parole illumine».

Puisons dans cette Parole qui éclairera nos intelligences obscurcies et nous introduira comme les disciples d’Emmaüs dans l’intelligence des mystères de Dieu. Le troisième temps est celui de la foi réalisée qui s’épanouit en une union intime. Pourquoi reconnaître si ce n’est pour aimer? «Notre cœur n’était-il pas tout brûlant» se disent les disciples l’un à l’autre. La préparation que Jésus à opéré dans le cœur des disciples aboutie, quand ils deviennent capables de le reconnaître «à la fraction du pain». C’est dans le sacrement du corps et du sang du Seigneur que nous sommes rendus de plus en plus capables de le reconnaître mais surtout de vivre en sa présence. Cette foi, frères et sœurs, n’est pas statique elle est profondément dynamique: leur foi est devenue vivante, animée par la charité. Les disciples font demi-tour et ils affrontent la nuit pour porter la bonne nouvelle: quel exemple pour nous!

Au fond le grand mystère de notre vie chrétienne, nous le vivons en «condensé» quand nous venons sur ce chemin d’Emmaüs que sont nos Eucharisties. Car venir à la Messe c’est entrer dans le mystère du Christ ressuscité, qui vient à nous pour nous pardonner, qui vient à nous pour nous enseigner, qui vient à nous pour nous nourrir de sa propre vie.

Heureux sommes nous si nous marchons avec lui! Amen.