Homélie du 11 mai 2014 - 4e DP
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Frères et sœurs, pour commenter cet évangile où Jésus nous parle en parabole, c’est-à-dire aux moyens d’images comme celle du berger, de la porte ou encore des brebis, permettez-moi de faire appel à une autre image. Si vous possédez chez vous un exemplaire du Catéchisme de l’Église Catholique ou tout-au-moins du Compendium qui en est son abrégé, cette image vous est familière. Elle sert en effet de logo de couverture à ces ouvrages qui expriment le contenu de notre foi. Il s’agit d’un dessin qui reproduit le motif d’une pierre tombale chrétienne du IIIème siècle qui se trouve dans des catacombes à Rome.

Et que voit-on sur cette image? Un homme y est représenté assis à l’ombre d’un arbre chargé de beaux et gros fruits. Dans sa main droite se trouve une flûte qu’il semble porter à sa bouche pour en tirer quelque mélodie. De la main gauche, l’homme tient fermement une houlette, le bâton distinctif des bergers. A ses pieds, une charmante brebis se repose et regarde son pasteur, comme si elle écoutait la musique émise par sa flûte. Elle semble être sous le charme de ce pasteur-flutiste. Cette scène, à l’origine une représentation païenne, a été adoptée par les premiers chrétiens pour symboliser le repos et le bonheur que les amis du Christ trouveront dans la vie éternelle.

Cette image, sous ses aspects bucoliques, est en fait empreinte de gravité. Les catacombes où repose son modèle original ne prêtent pas vraiment à aux futilités. Le lieu force le vivant au silence et à se laisser enseigner. L’image semble en effet interroger celui qui la contemple: «Eh! Toi qui me regarde… Es-tu une brebis qui erre sans berger ou suis-tu le Christ? A quelle musique prêtes-tu l’oreille? Est-ce la voix du bon pasteur ou celle des sirènes trompeuses de ce monde qui va à sa perte? Toi qui n’es qu’un souffle qui passe comme celui qui repose dans cette tombe, crois-tu que le Christ donne la vie et la vie en abondance? Qu’elle est ton espérance? Reposeras-tu à l’ombre de la mort ou sous la ramure toujours verte de l’arbre de vie? As-tu peur de traverser les ravins de la mort ou fais-tu confiance à celui qui marche en tête du troupeau, bâton en main?»

Voilà une petite image, en l’apparence bien anodine, mais qui nous pose de grandes questions. A ces questions essentielles, nous le savons, il nous faudra, tôt ou tard, donner une réponse. Chacun de nous doit pouvoir rendre compte de l’espérance qui l’habite.

Cette image est une catéchèse à elle-seule sur la vie éternelle. Elle est le témoignage de foi des baptisés qui nous ont précédé. Elle est comme un message qu’ils nous ont laissé à travers les siècles pour nous faire saisir que celui qui a été crucifié est revenu à la vie. Ainsi il est désormais le seul capable de nous conduire de l’enclos de cette vie aux verts pâturages de la vie éternelle, car il en a parcouru le chemin et il est revenu pour nous chercher. Nous devons regarder Jésus-Christ ressuscité avec les yeux de la brebis pour son pasteur afin de ne pas le perdre de vue, car notre salut en dépend. Sans lui, il n’est nul chemin vers la vie éternelle. Plus encore, nous devons devenir des familiers du Christ afin de pouvoir reconnaître, au moment venu, sa voix entre mille. Car quand viendra l’heure de vivre notre pâque, il nous faudra tous répondre à la voix de celui qui nous appellera par notre nom. Si le Christ n’aura été pour nous qu’un inconnu pendant cette vie présente, il aura beau jouer de la flûte, nous ne le suivrons pas. Personne, en effet, ne suit un inconnu. Mais si le Christ a vraiment fait partie de notre vie, comme Seigneur et ami, alors au moment de traverser les ravins de la mort, au sein même de la nuit, nous saurons entendre sa voix et le suivre vers la plénitude de la vie. Il marchera en tête, tenant dans sa main sa croix comme un berger sa houlette. Alors au cœur de l’ultime transhumance, nous pourrons chanter: «Il me mène vers les eaux tranquilles, et me fait revivre… Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure» (Ps 22).