Homélie du 7 décembre 2014 - 2e DA
Daniel Vigne

Marc 1, 1-8 : Commencement de l’Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu. Selon qu’il est écrit dans Isaïe le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers, Jean le Baptiste fut dans le désert, proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés. Et s’en allaient vers lui tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem, et ils se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en confessant leurs péchés. Jean était vêtu d’une peau de chameau et mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Et il proclamait : « Vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau, mais lui vous baptisera avec l’Esprit Saint.

Frères et sœurs, ce portrait de Jean-Baptiste prêchant dans le désert est bien connu; nous l’avons tous devant les yeux comme un tableau inoubliable, presque comme un film hollywoodien. Imaginez. Musique d’ambiance. Devant vous, sur l’écran, l’horizon immense, le désert de Judée, couleur d’or et de sable. Dans ce décor brûlant, la caméra s’enfonce, nous faisant découvrir un cours d’eau assez étroit, traçant son chemin parmi les roseaux et les buissons secs. Et là, au pied d’une falaise, on aperçoit un personnage debout sur un rocher. Et d’emblée on devine qu’il est le messager divin, l’inspiré. Nouvelle image, en contre-plongée. Sous le ciel bleu, voici son visage buriné, son regard perçant. Sa barbe vibre, on l’entend qui proclame : « Préparez les chemins du Seigneur ! Ouvrez votre cœur ! Convertissez-vous ! Il vient, celui qui est plus grand que moi… » Alors la caméra se retourne, un rayon de soleil la traverse, et sur les collines, on aperçoit des foules, de longues files d’hommes et de femmes. Arrivant de partout, ils descendent au fleuve, et le prophète, lui aussi, descend de son rocher. Il les enseigne, il les exhorte… Chacun s’approche de lui avec humilité, lui murmure quelques mots à l’oreille, confessant ses péchés, et se fait baptiser. Mais de nouveau la caméra se lève et zoome très loin, au fond de la vallée, vers un homme vêtu de blanc qui descend, lui aussi, lentement, parmi d’autres. Un homme très pur, qui vient demander le baptême alors qu’il est parfaitement innocent ; alors qu’il est celui qui baptise pour de bon, dans l’Esprit.

Mais ici, arrêtons-nous, car nous avons compris que le vrai héros, ce n’est pas le premier personnage, c’est le second. C’est lui, à l’horizon, qui éclaire toute la scène. C’est de lui que Jean disait : « Je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales. » Alors demandons-nous : pourquoi Jésus, le Christ, a-t-il eu besoin de ce témoin ? Pourquoi est-il allé le trouver au Jourdain ? Pourquoi celui qui est plus grand que tous a-t-il besoin d’un plus petit ? Pourquoi le Messie devait-il avoir un précurseur ? La réponse est simple : parce que le Fils de Dieu ne descend pas dans l’histoire des hommes sans passer par des hommes. De même que pour se faire homme, il a pris chair d’une femme, de même il avait besoin de ce prophète pour être révélé comme Messie. De même qu’il est né de Marie au début de sa vie cachée, de même il avait besoin de Jean-Baptiste au début de sa vie publique. Et aujourd’hui encore, lorsque Jésus visite les hommes, c’est à travers des hommes et des femmes qui préparent sa venue. Aujourd’hui encore, Jésus a besoin de précurseurs, de témoins ; d’hommes et de femmes qui marchent en avant de lui. Il a besoin… de nous.

Mes frères, osez le croire : vous êtes des Jean-Baptiste. Vous êtes des témoins du Christ. Vous marchez devant lui, en avant de lui, pour préparer sa route à d’autres hommes. Prenez-le pour modèle. Oh ! pas nécessairement en partant au désert : votre désert, ce sera la ville. Car Toulouse vaut bien la Judée, et Rangeuil vaut bien le Jourdain. Là où vous vivez, là où vous travaillez, auprès de votre famille, vous serez comme lui, de vrais témoins de Jésus qui vient. Votre manteau de poils de chameau, ce sera le sérieux de votre vie chrétienne. Oui, vous opterez pour une certaine austérité de vie, une certaine ascèse. Vous ne serez pas revêtus d’habits délicats ou luxueux, c’est-à-dire que vous laisserez de côté des habitudes du monde, qui aime les facilités, la richesse, le confort et les paillettes. Vous préférerez un style de vie un peu rugueux en apparence, mais doux à l’intérieur le poil de chameau, d’ailleurs, n’est pas si rugueux, il est même très doux. Vous mangerez des sauterelles, c’est-à-dire que vous aurez en vous la force de ces petits êtres qui bondissent avec une énergie incroyable, et qu’on a bien du mal à attraper. Oui, à l’image des sauterelles, vous rebondirez sur les épreuves de la vie ; vous échapperez à ce qui peut vous détruire. Vous serez petits, mais forts. Et vous mangerez le miel de la Parole de Dieu. Vous goûterez sa sagesse, plus savoureuse que les discours des hommes. Vous serez vous-mêmes des abeilles, qui secrètent ce miel délicieux. Et vous le donnerez à d’autres. Oh ! Pas nécessairement à des foules, mais à quelques-uns, qui à travers vous deviendront à leur tour des témoins. Car c’est ainsi que depuis deux mille ans, le fleuve de vie s’avance dans le désert du monde. De témoin en témoin, le Christ descend, toujours précédé par des précurseurs. En ce temps de l’Avent, celui de sa venue, prions les uns pour les autres. Pour que chacun de nous, dans son désert, soit prophète et précurseur. Et que Jésus, le Bien-Aimé, descende nous visiter. Amen.