Homélie du 18 janvier 2015 - 2e DO
fr. François Le Hégaret

Quand on pense « appel de Dieu », on pense souvent à ceux qui ont reçu, de la part de Dieu, une manifestation particulière pour se mettre à sa suite. La première lecture que nous avons entendue, qui concerne Samuel, montre bien cela. Chez Samuel, l’appel a été direct, très rapide. Avant, il ne connaissait pas Dieu (il n’a pas reconnu sa voix ; il a fallu d’ailleurs trois fois pour que Samuel, avec l’aide du prophète Eli, reconnaisse cet appel) ; après, il conversait régulièrement avec Dieu. Quand les évangiles synoptiques racontent les appels des disciples, ils le font pratiquement de la même manière : Jésus vient, s’adresse à eux, et aussitôt ils se mettent à sa suite. L’appel de Matthieu en l’exemple-type : il était assis à son comptoir de collecteur d’impôts, ayant pour entourage que des personnes comme lui, des publicains et des pécheurs. Après la rencontre avec le Christ, il parcourt le pays avec lui. Si tout appel de Dieu était comme cela, je pense que la plupart d’entre nous pourraient se dire qu’ils ne l’ont jamais reçu.

Mais il y a une autre manière de voir cet appel des hommes par Dieu. Quand saint Jean va rapporter l’appel des disciples, il montre que ceux-ci se sont déjà mis en route auparavant. André et Jean connaissaient déjà Dieu. Quand Jean le Baptiste désigna Jésus comme l’agneau de Dieu, quand il leur a montré le Christ, alors André et Jean décident d’aller à sa rencontre, de le suivre. Jésus ne les appelle pas formellement, il leur dit seulement : « Que cherchez-vous ? » Pour ses disciples-là, l’étape de Jean-Baptiste a été décisive et, en même temps, elle n’a été qu’une étape : quand il trouve le Christ, ils trouvent celui qu’ils ont toujours cherché.

En rapprochant l’appel de Samuel, qui manifeste l’aspect direct et personnel de la part de Dieu, et celui des premiers disciples dans l’évangile de Jean, qui manifeste plus le désir de la part de l’homme, désir qui a sa source en Dieu, la liturgie montre donc deux faces de l’appel des hommes par Dieu, deux manières de rapporter l’unique appel de Dieu. Les deux manifestent des caractéristiques de la vie chrétienne, qui se complètent l’une l’autre. Je rapporterai deux traits.

Premier trait. Tout d’abord, l’appel de Dieu est un appel premier à la conversion, à une rupture avec la vie ancienne marquée par le péché. C’est d’ailleurs tout le sens de la parole de Jean-Baptiste, tel qu’elle résonne dans les synoptiques, qui invite les habitants d’Israël à un baptême de repentir. En même temps, cet appel de Dieu se réalise jour après jour, il manifeste que cette vie est un chemin vers Dieu et que la conversion n’est jamais terminée. Ainsi, dans l’évangile de Jean, Jean Baptiste invite ses disciples à marcher à la suite du Christ, à continuer leur route. Et c’est ce même évangile qui marquera le mieux les étapes de conversions successives de Pierre, jusqu’à rappeler cet appel après la résurrection du Christ. Pierre va donc passer par bien des étapes avant de pouvoir à son tour donner sa vie pour le Christ. Aussi, si chaque disciple reçoit bien un appel de la part de Dieu à un moment précis, celui-ci est à reprendre jour après jour, il est à développer petit à petit. Nous avons déjà choisi de vivre avec le Christ, mais ce n’est qu’en approfondissant ce choix que nous vivrons conformément à cet appel.

Second trait. L’appel de Dieu change radicalement la vie, et nous conduit à adopter une vie nouvelle : Samuel était un petit serviteur du temple de Silo, il devient le nouveau prophète du Seigneur. Là encore, c’est dans les évangiles synoptiques que cela va être le plus marqué. Jésus appelle Pierre et ses compagnons, et quasi immédiatement, laissant leurs barques et leurs filets, ils se mirent à le suivre pour devenir pécheurs d’hommes. En même temps, l’évangile de Jean montre que l’appel de Dieu vient répondre au désir du bien véritable qui est inscrit dans le cœur de chaque homme. Quand André vient voir Pierre, son frère, il présente Jésus comme le Messie, comme celui que Pierre recherche déjà. Et c’est pourquoi il se met en route. Un peu plus tard, quand Jésus appellera Nathanaël, celui-ci est en train d’étudier la Torah, et c’est cette connaissance de la Loi qui le conduira à reconnaître le Christ. Cela montre tout d’abord que la grâce de Dieu précède toujours notre désir d’aller vers Dieu. Si on devait donner le moment où Dieu a commencé à nous appeler, nous devons reconnaître, comme saint Paul dans la lettre aux Éphésiens, qu’« il nous a élus en lui dès avant la fondation du monde » (1, 4). Cela montre également que notre propre personnalité, n’est pas effacée par l’appel de Dieu, car celui-ci précède notre être. Nos forces et nos faiblesses demeurent, et il va falloir évangéliser chacune d’entre elles.

Nous ne sommes ni Samuel, ni André, ni Jean, ni Pierre, mais nous avons également reçu cet appel de Dieu. Nous aussi, un jour, avons mis nos pas dans ceux du Christ. Mais comme chacun d’eux, nous avons besoin que l’Évangile pénètre jusqu’au plus profond de nous-mêmes ; comme Pierre, nous avons besoin de choisir le Christ régulièrement. Avançons donc à la suite du Christ. Sa grâce ne nous fera pas défaut sur ce chemin.