Homélie du 22 novembre 2015 - Solennité du Christ Roi
fr. Olivier de Saint Martin

Le Christ est-il Roi ? Dans ce monde affreusement tourmenté pouvons-nous vraiment dire que le Christ est Roi ? Face à tous les conflits qu’ils soient familiaux, militaires, économiques, ou terroristes et qui ne laissent derrière eux que la désolation, peut-on dire en vérité que le Christ est Roi ? Où est son Royaume que nous appelons de notre prière dans le Notre-Père ? Alors s’il est Roi, qu’est ce qui le différencie d’un roi d’opérette que l’on moque ?

Voyez Pilate ! A peine Jésus a-t-il dit qu’aucune armée ne viendra à son secours Pilate le moque en une parodie de sacre impérial : manteau de pourpre, couronne (mais d’épines), faux sceptre. Et, comme trône, une croix sur laquelle il fait inscrire : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. Le Christ innocent est raillé, maudit, défiguré torturé et mis à mort. Quand on ne reconnaît pas le Christ comme Roi, il n’en sort jamais rien de bon. Prophète, Jésus avait pleuré sur la future ruine de Jérusalem, en disant : «Si tu avais compris le message de paix ! Mais non, il est resté caché à tes yeux !». Il continue de pleurer sur l’humanité comme le disait le pape dans son homélie de jeudi. Mais c’est comme Roi qu’il pleure. Il pleure par ce que son royaume, qui est Amour, est malmené. Mais il est Roi !

Il est Roi en accueillant dans son Royaume le bon larron repentant. Il est Roi en donnant Jean à Marie et Marie à Jean. Il est Roi en pardonnant à ceux qui le blasphèment, le moquent et le tuent. Il est Roi qui renouvelle le pardon, les relations fraternelles et la justice. La justice se déploie désormais dans le pardon sans cesse offert. Offert pour qu’on s’en saisisse, qu’on en vive et qu’on le déploie. C’est ainsi que le Royaume de Dieu commence en Marie, Jean et le Bon Larron. Alors je comprends : le Christ est Roi, mais un Roi qui remet l’existence de son Royaume entre mes mains. Alors pas d’autre solution que d’accueillir le Roi et d’agir comme citoyens de son Royaume, c’est-à-dire le suivre jusque sur la Croix où il inaugure son règne. Car c’est là qu’est la vérité à laquelle Jésus rend témoignage. Sans doute est-ce difficile mais il le dit à Pilate…

A nos gouvernants, il revient d’apporter une réponse à un nouveau type de combat. A nous disciples du Christ, il revient de nous interroger sur la manière dont nous réagissons face à ces évènements : peur, violence, paix, colère, justice, pardon ? Un peu de tout ! Mais nous savons ce qui construit le règne de Dieu : l’amour et le pardon. Alors nous découvrons un autre combat, qui est en moi, en toi : combat contre la tentation de se dire, un peu la mort dans l’âme, que c’est utopique, impossible. Combat contre la tentation de mettre le Roi de côté, de le cacher dans ta vie et le monde. Et de finir insensiblement par agir comme s’il était définitivement mort et avec lui sa royauté. Mais alors ce seraient tantôt la peur, tantôt la violence qui te feraient agir et elles n’ont pour fruit que la désolation. C’est là qu’il faut prier comme saint François qui, en d’autres temps alla voir le Sultan : «Seigneur, viens éclairer les ténèbres de mon cœur !». Montre-moi ta volonté, donne-moi la force de l’accomplir.

Comme François tu sais que le premier des combats, le plus important, se mène dans ton cœur. Il l’a mené pas à pas, avec la grâce, bonne action après bonne action. C’est ainsi qu’il a, ensuite, rayonné. Ce royaume, existe aujourd’hui mais nous ne le voyons pas assez et nous nous décourageons. Pourtant, il est là lorsque tu bénis au lieu de maudire et de critiquer, que tu viens en aide aux pauvres, que tu visites les prisonniers et les malades. Il est là lorsque tu vas vers celui qui n’est pas comme toi pour le connaître. Il est là lorsque tu promeus la justice sociale, la dignité du plus fragile. Il est là lorsque tu accueilles, dans une fidélité inconditionnelle et un amour sans cesse re-choisi, ceux qui t’entourent. Il est là lorsque tu renouvelles ton pardon dans ces blessures du quotidien. Tu sais ce que cela peut coûter. Il est là tout simplement lorsque tu cherches à aimer.

Il est là, autour de toi, lorsque des personnes vivent de cet amour et t’appellent à faire de même. Et là, je pense à Antoine Leiris qui écrit à DAESH : «Vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine… Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur. Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr.» Et il poursuit : il faut «faire l’effort de choisir le chemin le plus complexe : celui de la réflexion, de la raison, du pardon (…)»

Et moi ? Et toi, mon frère, ma sœur ? Es-tu prêt à aller jusque-là ? A reconnaître pour de vrai le Christ comme Roi ? A le laisser étendre son royaume de paix, de justice, de pardon et de sainteté dans mon cœur, quoi qu’il m’en coûte ? Pour cela, je vous propose un petit exercice pendant l’Avent, un exercice qui renouvellera nos relations. Chaque jour, récitons, le matin, la prière de saint François d’Assise : « Seigneur, Fais de moi un instrument de ta paix. » Cherchons à la mettre en pratique. Et chaque soir, sachons rendre grâce pour les signes de son Royaume dans notre vie ! Et lui demander le courage de ne jamais abdiquer, de toujours recommencer à aimer. Alors non seulement le Christ sera Roi mais son Royaume sera établi en nous et autour de nous !

« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix, là où est la haine, que je mette l’amour. Là où est l’offense, que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l’union. Là où est l’erreur, que je mette la vérité. Là où est le doute, que je mette la foi. Là où est le désespoir, que je mette l’espérance. Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière. Là où est la tristesse, que je mette la joie. O Seigneur, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler, à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer. Car c’est en se donnant qu’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on se retrouve, c’est en pardonnant qu’on est pardonné, c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »

Voici un peu plus d’une semaine que notre pays vit au rythme effréné d’informations anxiogènes. Une semaine, c’est le temps de la création. Une création décidément bien abîmée par l’homme. Avez-vous entendu le pape jeudi dernier : « Aujourd’hui Jésus pleure. Parce que nous avons préféré la voie des guerres, de la haine, des inimitiés. Nous sommes proches de Noël, il y aura des lumières, il y aura des fêtes, des arbres lumineux, aussi des crèches… mais tout est faussé : le monde continue à faire la guerre.» Frères et sœurs, en ce début d’eucharistie, tournons-nous vers le Seigneur, pour implorer le pardon de nos fautes. Pleurons avec lui et qu’il renouvelle en nous son œuvre.