Homélie du 24 janvier 2021 - 3e Dimanche du T.O.

Appel à la mission

par

fr. Thierno Romaric Mandaba

Le récit du prophète Jonas et le prologue de saint Marc que nous venons d’écouter révèlent comment Dieu souhaite insuffler un esprit de repentir aux hommes. Pour réaliser ce désir, Dieu se déplace pour entrer dans notre histoire personnelle. Les deux textes le montrent à Ninive et en Galilée. Ninive était une ville importante de l’Assyrie, considérée comme la capitale de l’oppression et de la cruauté. Certains prophètes avaient même espéré sa ruine. Mais, c’est là que Dieu manifeste sa miséricorde. Il envoie le prophète Jonas : « Lève-toi, va à Ninive et annonce-leur ce que je te dirai » : un ordre inouï pour un juif, car jamais les prophètes d’Israël n’ont été envoyés aux païens. La mission est donc incroyable, mais parfaitement authentique.

L’authenticité de la mission prouve deux choses : le peuple élu porte une vérité destinée au monde entier ; car la vocation d’Israël est de témoigner de la présence de Dieu aux « nations » païennes. Mais cela sans donner prétexte à l’orgueil : Israël ne doit pas s’enfermer dans le particularisme religieux et la singularité de son élection divine. Ainsi, la mission du prophète Jonas prend la forme d’un universalisme décentralisateur. [Oui, on peut être à la fois citoyen de Ninive, de Toulouse et adorateur du Seigneur, sans être obligé d’aller à Jérusalem].

Quelques siècles après, ce message d’espérance est repris dans sa plénitude et son exigence par le Sauveur Jésus Christ. En effet, après son baptême, Jésus entreprend sa mission en Galilée, dans sa propre région. La Galilée a ici une double résonance. Ce qui est un « chez soi » pour Jésus résonne aussi comme un « ailleurs », ouvert aux « autres ».

Dans cet évangile, l’accent porte davantage sur la seconde signification. Jésus ne rentre pas seulement à la maison, mais il commence sa mission ouverte à l’universel : aux hommes de toute provenance, de diverses cultures, de divers modes de pensée et de vie. Comme Ninive, Galilée était un peu méprisée par les autorités religieuses de Jérusalem. Mais c’est là que Dieu fait ses merveilles, où Jésus débute sa prédication, appelle ses premiers disciples et les invite à le suivre, constituant ainsi un groupe de collaborateurs immédiats de sa mission.

En quoi consiste la mission ? Elle consiste à proclamer l’« Évangile de Dieu ». Jésus ne proclame pas son propre message, mais celui du Père. La proclamation concerne un événement dont Dieu est l’Agent. La Bonne Nouvelle du Père est un message que Dieu lui-même fait transmettre à ce moment de l’histoire par son « Verbe » fait chair : « Les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu est proche. » La proximité du Royaume ne veut pas seulement dire qu’il est sur le point de venir, mais qu’il s’est approché, qu’il est là, l’Emmanuel, Dieu avec nous. Dieu se fait proche de nous par sa parole, son Esprit que nous avons reçu, par ses sacrements.

Mais cette reconnaissance du Dieu entré dans notre histoire suppose deux choses : croire à l’Évangile et laisser convertir notre vie. Si Dieu nous donne une année supplémentaire ce n’est pas anodin. C’est une grâce de ne pas mourir sans avoir ajusté notre existence à l’Évangile. L’appel des premiers disciples nous a montré que Dieu agit dans notre quotidien. C’est dans l’aujourd’hui de notre vie qu’il nous appelle à un changement de mode de vie. Pour devenir disciple, il faut laisser quelque chose de sa vie ancienne pour être disponible et libéré à la suite du Christ.

Oui, tous, nous sommes appelés, quel que soit notre âge, à faire quelque chose de nouveau qui met davantage notre vie en cohérence avec l’Évangile. C’est ce que saint Paul demande aux Corinthiens : ne mettez pas votre espérance dans les choses qui passent et sont périssables.

C’est ce qu’ont compris les habitants de Ninive quand le prophète Jonas les a appelés à la conversion. Ils ont compris que le moment favorable (le kairos) était venu.

Il n’est jamais trop tard pour se repentir. Le décret de mort avait été publié, et pourtant les habitants de Ninive purent avoir la vie sauve. Oui, la miséricorde divine ne connaît pas de limites.