Homélie du 31 juillet 2016 - 18e Dimanche du T.O.

Cette nuit, on te redemande ta vie…

par

fr. Olivier de Saint Martin

Après 2000 ans, ces paroles sont d’une actualité stupéfiante. Nous savions bien — et la maladie, la précarité, les accidents nous le rappelaient — que la vie est fragile. Mais tout de même, insensiblement, grâce au progrès technique, politique, social, économique nous nous étions habitués à une perspective de longévité heureuse. Elle était un peu ce grenier dans lequel nous entassions de quoi profiter de la vie, les acquis, nos richesses. Nous l’avons entouré, ce grenier, de valeurs pour définir les règles du vivre ensemble. Des lois pour protéger ce qu’on a commencé à appeler l’intérêt général, cette somme des intérêts particuliers, ont été votées. Et pour une part tout cela était bon. Mais il y avait un manque. Non pas de règles, de lois ni même de valeurs. Non, ce qui manquait, c’était un bien qui fut commun à tous. Et ce Bien est en fait une personne. Il est Dieu et son Évangile. Et c’est ce manque qui nous saute aux yeux aujourd’hui, lorsque justement l’une de ses représentations symboliques est mise à terre.

Car cette vie que nous aimons, que nous pensions protégée, sécurisée se révèle vulnérable, fragile, précaire. Et c’est effrayant. Remarquez bien que c’est là le lot de tant et de tant de personnes de part le monde. Alors, nous nous prenons à avoir peur. Pour notre société, nos acquis et nous peut-être. Pour les plus jeunes surtout, en nous demandant ce que sera leur avenir, la société de demain. Comment réagir ? Il y a la demande légitime d’une application de la loi, peut-être du vote d’autres lois. C’est le travail de l’État. Mais chacun d’entre nous doit être lucide sur le risque de vouloir une solution parfaite qui nous donnerait l’illusion de tout maitriser. Sur le risque de définir de nouvelles règles sous le coup de sentiments compréhensibles mais partiels. Attention, on ne peut bâtir une société sur la peur, la colère, la violence, ou le repli sur soi ou l’illusion de la maitrise de tout. Les Apôtres ont connu cette peur, cette tentation avant la Pentecôte. Ils se sont enfermés dans un grenier, le cénacle, pour se protéger. Et nous nous trouvons, comme eux, face à un choix spirituel, celui de la foi, de l’espérance et de la charité. Ce choix nous fait placer Dieu et l’Évangile au centre. C’est plus difficile mais c’est la seule issue pour que rien ne soit vain, que tout puisse renaitre. Il nous faut choisir de vivre comme des ressuscités, en recherchant les réalités d’en-haut. Il faut essayer de vivre cachés dans le Christ qui est le chemin, la vérité et la vie.

Jésus est le chemin. Il est le Fils de Dieu venu pour nous sauver du péché et nous ouvrir la route vers le Père. C’est un chemin ardu que le sien. Vivre caché en lui, c’est faire mourir en nous ce qui n’appartient qu’à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder. C’est aimer, comme Jésus au travers de ce que l’Église a regroupé dans les 14 œuvres de miséricorde matérielles et spirituelles : elles bâtiront le monde juste et fraternel auquel nous aspirons. La prière, le jeûne et l’aumône sous toutes leurs formes. Voilà le chemin qui mène à Dieu le Père.

Jésus est la Vérité, une Vérité qui est une Personne, qui est Dieu le Fils. On ne la possède pas, elle s’impose à nous. Jésus est la Parole qui nous dit la vérité sur l’homme. Vivre caché en lui, c’est écouter l’Évangile, former notre intelligence et proclamer Jésus-Christ Fils de Dieu venu sauver l’humanité du péché. C’est, à la suite de Jésus dénoncer le mal qui défigure l’homme, mais toujours en aimant l’homme pécheur. C’est vivre sans mensonge entre nous et sur nous, et donc vivre le sacrement du pardon lorsque nous avons emprunté le mauvais chemin.

Jésus est la Vie. Il a tout reçu du Père et nous apprend que la vie est un don à protéger absolument. La vie est don, et c’est en se donnant qu’on se trouve soi-même. C’est ce qu’a fait Jésus tout au long de sa vie, jusqu’à ce moment ultime où, sur le point d’être livré et mis à mort, il a pardonné et s’est donné en nourriture. Il veut faire grandir en nous la vie qu’il tient de son Père et qu’il nous a donnée lors de notre baptême. Cette vie unit les personnes dans une communion d’amour, celle de l’Esprit Saint. Vivre caché en lui, c’est rejeter et combattre le mal, mais en osant voir en tout pécheur ce qui fait les saints. Ce n’est pas si facile, c’est même héroïque. Commençons avec nos proches qui nous agacent. Vivre caché en Christ, c’est donc, en mémoire de lui, toujours être vecteur de vie, par Lui, avec Lui et en Lui. C’est le recevoir régulièrement dans son corps livré, dans son sang versé pour nous, pour communiquer sa vie. C’est donner sa vie pour ne plus la reprendre, signe de l’amour victorieux.

Frères et sœurs, peut-être sommes-nous inquiets. Mais que cela ne nous empêche pas de nous approcher du Christ, chemin, vérité et vie. Osons faire le pari de la foi, de l’espérance et de la charité. Recevons le Corps très saint de celui qui s’est livré pour nous, pour qu’il vive en nous et triomphe de tout mal. Faisons-nous un trésor dans le ciel.