Homélie du 17 février 2019 - 6e Dimanche du T.O.

Choisir entre le malheur et la mort, ou le bonheur et la vie

par

fr. Gilles Danroc

Entre, d’un côté, le bonheur et la vie, et, de l’autre, le malheur et la mort, il faut choisir ! Qui ne choisirait le chemin du bonheur et de la vie (Dt 30, 15) ?
Pourtant Dieu est obligé d’insister, et il prie son peuple de choisir la vie et le bonheur (Dt 30, 29), comme si le peuple avait tendance à choisir le chemin du malheur et de la mort. Dans la première lecture, le prophète Jérémie semble nous dire : « Choisis : soit tu mets ta confiance uniquement en toi-même et dans ton entourage, une confiance tout humaine, et tu seras un buisson rabougri en plein désert ; soit tu mets ta confiance dans le Seigneur, et tu seras un arbre planté près du cours des eaux, et même en période de sécheresse on pourra venir à ton ombre et goûter tes fruits. »
Choisir ! Il nous revient de choisir entre, soit le malheur et la mort, soit le bonheur et la vie.

Dans la seconde lecture, saint Paul nous demande fermement de mettre notre confiance, non pas dans cette vie mondaine, mais dans le Christ mort et ressuscité pour nous.
En premier le chemin du bonheur : Bonheur à vous les pauvres ! Bonheur à vous qui pleurez ! Bonheur à vous qui avez faim ! Bonheur à vous qui êtes rejeté et exclu !
Ensuite le chemin du malheur : Malheur à vous les riches ! Malheur à vous qui ricanez aujourd’hui ! Malheur à vous les repus ! Malheur à vous qui êtes entourés d’un groupe de flatteurs !
Cette série des quatre malheurs ne rejoint-elle pas une certaine proposition de bonheur selon le monde ? Voici très précisément que le malheur selon Jésus est le bonheur selon le monde. Le bonheur de la mondanité. C’est pour cela que Jésus nous propose une conversion radicale : ce qui est le bonheur selon le monde est en fait un malheur. Tandis que ce qui est un bonheur selon Dieu semble un malheur pour le monde. Cette inversion du malheur en bonheur demande que nous fassions une conversion, afin de quitter cette vision du bonheur selon le monde et de commencer à vivre une vie en recherche du bonheur selon le cœur de Dieu.

Malheur à vous, les riches. Je me suis longtemps demandé comment Jésus avait prononcé ces mots. A-t-il choisi le ton de l’invective en montrant définitivement les riches du doigt ? Je crois que Jésus a tout simplement fait le constat que richesse rime avec tristesse. Je m’appuie pour cela sur la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche dans ce même évangile de saint Luc : « Une seule chose te manque : tout ce que tu as, vends-le et distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi ; mais lui, entendant cela, devint tout triste, car il était fort riche » (Luc 18, 22-23). Jésus est lui-même triste de la tristesse des riches et des repus environnés de flatteurs. Là n’est pas la vraie vie selon l’amour, la vraie vie selon l’Évangile. Alors que Zachée connaît la joie et le bonheur du partage (Luc 19, 2-7)…

C’est donc clair maintenant, Jésus n’invective pas les riches, Il les invite à une conversion au bonheur et à la joie, une conversion au partage et à la rencontre.

L’autre jour, lors d’une maraude de nuit entre la place du Capitole et jusqu’à l’église de la Dalbade, nous avons rencontré 17 SDF dans le froid, couchés dans l’encoignure d’une porte. À la sortie de restaurants, ceux qui faisaient la fête ne voyaient pas les pauvres.
Voir le pauvre c’est le début de la conversion. Sinon on peut rester toute sa vie dans l’entre-soi, la répétition du même : inviter qui vous invite… (cf. Lc 14, 12-14). Rester entre-soi : telle est la mondanité aujourd’hui. La conversion, c’est donc aller vers, rencontrer, voir, écouter, redonner la dignité dans un dialogue à égalité avec le pauvre, dans une vraie relation humaine.
L’homme, tout homme, est vulnérable. Qui aujourd’hui est assuré de pouvoir vivre sans dépendre d’autrui ? Jésus nous met à égalité avec le pauvre. La conversion : refuser d’être au-dessus de l’autre, de penser l’autre, d’en faire une catégorie abstraite. La conversion c’est chercher une solidarité concrète, réelle, à plusieurs, pour être du côté de la vie. Parce que personne ne sauve personne. Seul le Christ sauve !
Le pape François disait, aux JMJ de Pologne, que les jeunes avaient le choix entre le canapé de la mondanité, de l’illusion, de l’irréel, du connecté, du virtuel, et les chaussures de randonnée pour aller à la rencontre de l’autre, dans l’effort d’une sortie de soi vers l’autre.

Que ces béatitudes selon saint Luc soient l’occasion pour nous d’une conversion réelle. Laçons nos chaussures de randonnée et partons ensemble en maraude pour rencontrer ceux qui nous ferons découvrir le bonheur selon Dieu ! L’Église sera alors le porte-lumière du Christ lumière des nations, l’homme des béatitudes qui nous apprend à vivre la vraie vie de l’Évangile.
Oui heureux les pauvres car le royaume des cieux est à eux. Dès maintenant !