Homélie du 5 avril 2015 - Jour de Pâques

Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai où tu seras !

par

fr. Édouard Divry

« Il vit et il crut » (Jn 20, 8) et nous nous croyons en la Résurrection du Christ et la nôtre ! Comment parler de ce mystère ? : « Du traumatisme, l’impassibilité ; de la mort, l’immortalité ; de l’être perdu, la Vie ; de la blessure, la guérison ; de l’effondrement, la renaissance ; de la descente, le relèvement » (Homélie du IIe siècle). Certains doutent et disent : qu’importe le symbole corporel du relèvement ! Qu’est ce que cela change pour nous la Résurrection de Jésus, si nous sommes déjà sauvés par sa Croix que nous avons célébrée ce Vendredi Saint ? L’essentiel est d’être sauvé. C’est vrai, mais n’est-il pas légitime d’appréhender quelque peu, disent les seconds, les effets amoureux et concrets de ce salut ! Tous nous ressusciterons avec notre corps, sans distinction aucune : « elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et sortiront, dit saint Jean : ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement » (Jn 5, 28-29). Et cela est valable pour tous, hommes et femmes, de tous les continents, de toutes les époques : saint Pierre et saint Paul, saint Jean et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, saint Dominique et sainte Catherine de Sienne, saint François et sainte Claire, saint Louis et sainte Jeanne d’Arc, saint Jean-Paul II et la bienheureuse Mère Teresa ; mais aussi, et la perspective est moins souriante, Amalec, Jézabel, Hérode, Judas, Hérodiade, Néron, Attila, Staline, Hitler, Pol Pot et Abou Bakr Al-Baghdadi et autres djihadistes récents dont le nom nous écorche la mémoire affective récente. Sommes-nous prêts à l’accepter ? Si tous doivent ressusciter, quelle différence ? La vraie question est en fait : de quel côté serons-nous ? Quand saint Augustin déclare simplement : « La mort du Christ nous a donné la vie, sa résurrection nous a relevés, son ascension nous a consacrés » (Augustin, Serm. 3) ; de quel relèvement veut-il parler, disent les premiers, si tous ressuscitent, si tous se relèvent ? Oui, mais tous seront-ils consacrés, demandent les seconds ? C’est ce que nous désirons en vérité. À quelle condition un tel relèvement dans la gloire sur le modèle de Jésus ? Y aurait-il une condition, disent les premiers ? Dieu serait-il mesquin ? Mesquin veut dire pauvre en arabe. N’est-Il pas assez riche pour accorder à tous cette résurrection glorieuse ? Dieu ne veut-il pas que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4) ? ainsi que le Nouveau Testament l’enseigne ! C’est vrai disent les seconds mais comprenons bien que cette « volonté antécédente » et générale de salut, cette providence universelle, nous laisse libres, entièrement libres. Alors tenant compte d’elle, mais dans une providence spéciale pour nous qui serons sauvés, et nous l’espérons, l’Écriture déclare, de manière complémentaire et indissociable, qu’« à ceux qui Lui obéissent », au Christ donc, celui-ci sera « cause de notre salut » (He 5, 9). C’est donc l’obéissance au Christ, à son Église, à la conscience rectifiée, qui est l’accomplissement de cette « volonté conséquente » (Jean Damascène) du Seigneur Jésus pour nous. Il faut donc trancher entre les deux. Voici donc la bonne nouvelle aujourd’hui pour nous : Christ est ressuscité pour nous offrir un modèle de résurrection glorieuse à nous qui acceptons sa volonté et non la nôtre (cf. Lc 22, 42). Jésus-Christ ressuscité sera comme l’instrument de notre unique résurrection glorieuse. Il n’y a pas de réincarnation dans des corps successifs car on ne meurt qu’une fois (cf. He 9, 27). Et c’est ceux qui ont fait le bien qui ressusciteront d’une « résurrection de vie ». Résurrection glorieuse qui sera marquée dans nos corps par toutes les qualités glorieuses du corps de Jésus : en plus de la gloire, telle celle du Mont de la Transfiguration, nous aurons l’immortalité et l’invulnérabilité, l’agilité et la subtilité. Il n’y aura pas seulement réinformation du corps par l’âme. Ainsi tous nous ressusciterons, mais chacun selon nos mérites : « chacun à son rang : comme prémices, le Christ, ensuite ceux qui seront au Christ, lors de son Avènement » (1 Co 15, 23 ) dit saint Paul. Alors, dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai où tu seras ! Avec foi affirmons aujourd’hui notre conviction : « Le Seigneur Jésus-Christ transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire, avec cette force qu’il a de pouvoir même se soumettre toutes choses » (Ph 3, 21). Cette toute-puissance fonde notre espérance, car c’est la résurrection du Christ qui nous relèvera non de manière indifférente, mais dans sa propre gloire. Si « on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ; [si] on est semé dans la bassesse, on ressuscite dans la gloire ; [si] on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ; [si] on est semé corps charnel, on ressuscite corps spiritualisé » (cf. 1 Co 15, 40-44). Gloire, incorruptibilité, virtuosité, finesse, ce sera notre lot dans un corps guéri et exaucé. Ce sera vraiment tel, mais dans un corps rajeuni, ce sera notre dot comme aimait à dire nos grands-mères à nos sœurs. Qui réalisera cela ? : « C’est lui, l’Esprit de vérité, [le Paraclet], envoyé par le Christ ressuscité pour nous transformer et faire de nous l’image même du ressuscité » (Cyrille d’Alexandrie, In Ioannis Evangelium, V, II cf. Jean-Paul II, Dominum et vivicantem). Le Christ est ressuscité pour nous préparer « une place » (cf. Jn 14, 2-3), une place donc de ressuscité avec Lui, et quelle place ! Un bonheur d’« être avec » le Christ (Ph 1, 23), un bonheur « d’être trouvé » en Lui (cf. Ph 3, 9), un bonheur sans fin de voir Dieu « face à face » (cf. 1 Jn 3, 2), un bonheur d’être avec Dieu qui ne peut souffrir (cf. Jc 1, 17) au Ciel, une béatitude d’être « en pleine gloire » (Col 3, 4) : en Lui parfaitement, souverainement et éternellement « bienheureux » (1 Tm 1, 11 ; 6, 15) ! Christ est ressuscité ! Alleluia !