Homélie du 25 septembre 2011 - 26e DO

Elles nous précèdent dans le royaume de Dieu

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Frères et sœurs, il est des Évangiles qui nous font frémir, en particulier nous, les prêtres, surtout ceux qui commencent par: « Jésus disait aux chefs des prêtres et aux anciens.» On se demande ce qui va nous tomber dessus. Et aujourd’hui nous ne sommes pas déçus par la chute: « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu.» Étonnant et… terrible, presque scandaleux.

« Les publicains et les prostituées?» Jésus ne serait-il pas un peu… excessif?

Avouons-le, frères et sœurs, ce monde des publicains – ces «collabos» financiers – et des prostituées est terra incognita, une terre inconnue pour l’immense majorité d’entre nous – enfin, j’espère!… Un monde dont on connaît l’existence, mais de loin.

Et quand deux mondes tout-à-coup entrent en contact, la rencontre est étonnante et… détonante.

Et il y a de ces rencontres bouleversantes qui changent une vie.

Je sais bien qu’une homélie n’est pas un lieu de témoignage ou bien un récit de nos dernières vacances. Mais je vais me risquer à vous partager une anecdote.

Un soir d’hiver, un dominicain – votre serviteur – avait été invité, dans une ville du Sud de la France à un dîner chic, très chic. Le maître de maison était venu me chercher et nous sommes passés par de petites rues de cette belle ville. Et lui me dit: «Surtout, frère, vous ne passez pas par ici tout seul.» Dans une des rues, il y avait des prostituées. Et l’une d’elles interpelle le dominicain: «vous êtes cistercien?» – «Non, dominicain» – «Parce que moi je connais des cisterciennes.» Sa voisine s’est approchée et nous avons parlé un bon moment. C’était surréaliste et… bouleversant.

Frères et sœurs, jamais, JAMAIS, on ne m’a parlé avec un tel respect.

Avec mon hôte – tout aussi bavard que moi! – nous en avons eu le souffle coupé et sommes ensuite restés sans voix le long du chemin jusqu’à notre dîner toujours très chic mais devenu tellement fade.

L’un de nous a dit à l’autre: «Souvenez-vous: elle nous précède dans le royaume de Dieu.»

Entre l’introduction de l’évangile – « Jésus disait aux chefs des prêtres et aux anciens.» – et la terrible sentence de Jésus, il y a une parabole, celle d’un père qui avait deux fils. Seules 2 possibilités sur 4 sont retenues par Jésus, à savoir le fils qui dit «non» et qui finalement va travailler à la vigne et le fils qui dit «oui» et qui finalement ne le fait pas. Il y avait en fait 4 possibilités de répondre puis d’agir pour les fils de ce père.

La 1ère, la plus négative a été écartée par Jésus. Il s’agit du fils qui aurait dit «non» au père et qui finalement ne serait pas allé travailler à la vigne. Il aurait été cohérent avec lui-même, enfermé totalement dans son refus d’obéir.

La 2ème et 3ème possibilités, ce sont celles qui ont été retenues par Jésus. Ces deux enfants, finalement, c’est nous, frères et sœurs. Dans l’enthousiasme, nous disons «oui» – et nous ne faisons pas. Et parce que nous sommes un peu des têtes de pioche, à la tête dure – mais souvent le cœur n’est pas atteint fort heureusement! – nous disons «non»… mais finalement nous le faisons.

Il y a bien une autre possibilité, la meilleure, la 4ème. Ce serait l’enfant qui dirait «oui»? et qui irait directement travailler ensuite à la vigne. Jésus n’en a pas parlé? peut-être parce qu’il sait que sa Mère n’aime pas qu’il chante ses louanges en public.

Souvenez-vous, elle aussi, sa Mère, elle nous précède dans le royaume de Dieu.

Frères et sœurs, n’est-ce pas scandaleux – c’est en tous cas osé! – de mettre en parallèle les prostituées de notre évangile et la Très Sainte Vierge Marie? Sans doute. Mais sans doute également avez-vous entendu ce que notre évangile dit des prostituées: «elles ont cru.» Élisabeth, lorsque Marie vient la visiter, s’écrie: «Bienheureuse, toi qui as cru!»

La voilà la clef de notre évangile de ce jour: la foi! La foi, c’est celle de Marie, celle des prostituées dont parle Jésus, la mienne, la tienne, la nôtre à nous qui sommes dans cette église. Il nous manque un petit détail, l’affaire d’une seconde: le «oui» de la conversion. Mon frère, ma sœur, que ton «oui» à Dieu soit «oui». Maintenant et à jamais. Amen