Homélie du 8 mars 1998 - 2e DC

La Gloire de Dieu, cachée et révélée dans les êtres

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        Frères et sœurs, les rites pré-baptismaux accomplis au début de cette célébration suffiraient à nous l’indiquer: le carême n’est pas seulement le temps d’un effort moral sur soi-même où chacun essaierait de correspondre un peu mieux à son idéal du moi; il est plus profondément le lieu où émerge le sens profond de l’existence chrétienne, c’est-à-dire d’une existence marquée par le signe de la croix, de l’amour absolu de Dieu pour chacun de nous, d’une existence habitée et soulevée par le souffle de l’Esprit, déjà entrée dans la connaissance de Celui qui est la vie et la lumière des hommes et qui nous donne de goûter à sa sagesse. Pour le dire autrement, le carême est l’occasion de se laisser saisir tout entier par Dieu pour être arrachés à nos ténèbres, et être transfigurés dans la Pâque de son Fils. Voilà le combat spirituel que le Christ a mené pour nous, comme nous le rappelait, dimanche dernier l’évangile de la tentation de Jésus au désert.

        Aujourd’hui, nous abordons la face lumineuse de notre montée vers Pâques et vers le baptême de Catherine et de James. Et pour nous accompagner dans cette montée, le récit de la Transfiguration, riche d’enseignements, sera notre catéchèse baptismale.

        La Transfiguration intervient à un moment où Jésus interroge les disciples sur son identité et leur annonce sa passion volontaire:  » Pour vous, qui suis-je?  » – Posée aux disciples, cette question a retenti dans le cœur des catéchumènes d’aujourd’hui et avec Simon Pierre, ils ont reconnu en Jésus,  » le Messie de Dieu « ; ce Messie qui sera livré aux bourreaux, mis à mort et le troisième jour ressuscitera, les invite aujourd’hui à son Exode et à sa Pâque. Aujourd’hui, comme Pierre, Jacques et Jean, ils sont devant l’icône de la Transfiguration pour être confortés dans l’assurance que cet exode connaîtra sa terre promise dans la nuit bénie de leur baptême. Transfiguré, qu’est-ce à dire?  » Son visage devint autre et ses vêtements d’une blancheur éclatante « , dit saint Luc, comme si devant cette véritable métamorphose, tout langage devenait inadéquat. Pour Basile de Césarée (+ 379),  » les disciples virent la Beauté sur la montagne, elle brillait plus que l’éclat du soleil « . Le voile est levé, un instant, sur la beauté céleste du Fils, jusqu’alors invisible mais bien réelle. Là, Jésus montre qui Il est le Fils du Père. Lumière née de la lumière, Il est le reflet de la lumière éternelle, miroir sans tache de la gloire du Très-Haut. Comme le Fils est le reflet du Père, Il est aussi notre miroir:  » Le Seigneur est notre miroir, ouvrez les yeux, regardez en Lui et apprenez comment sont vos visages  » (Odes de Salomon, 13). Catherine et James, dans la nuit de Pâques, la beauté du Fils resplendira sur vos visages et votre vêtement sera blanc, car baptisés dans le Christ vous aurez revêtu le Christ. Vous serez devenus les vêtements du Christ et, en même temps, vous serez revêtus de sa splendeur.

        Mais la révélation du Thabor est une manifestation de la Trinité tout entière: du Fils dans la vision, du Père dans la voix, de l’Esprit dans la nuée. Quant à la parole du Père, elle n’est proférée que pour nous, pour que nous croyons que nous sommes choisis pour être fils dans le Fils, appelés à devenir participants de la nature divine. C’est en entrant dans la nuée baptismale, par la profession de foi en la Trinité qui est Dieu, que vous deviendrez la bien-aimée, le bien-aimé qu’il a choisis.

Car telle est bien notre destinée à tous: cette adoption filiale est ce que les Pères appellent la déification, mystère de notre destinée véritable de la divinisation de notre être.

        La déification ne nous rend pas invincibles, elle ne fait pas de nous des surhommes. Mais nous savons que depuis la liturgie du Thabor, toute célébration liturgique est toujours célébration de la transfiguration de l’homme, puisque dans la liturgie et spécialement dans la liturgie baptismale commence l’enfantement de notre corps de gloire. Nous savons que puisque Dieu est la source lumineuse de notre être, chaque geste de miséricorde, de partage, de tendresse est célébration de la transfiguration de l’homme. Chaque fois que l’homme fait la vérité et vient à la lumière, c’est une célébration de la transfiguration de l’homme. Nous savons enfin que chaque fois que l’homme se dépasse lui-même dans la création d’œuvre d’art, dans l’exploit scientifique ou sportif, dans le métier à risque, c’est une célébration de la transfiguration de l’homme. Mais nous savons aussi que le chemin de notre transfiguration peut prendre aussi la forme d’un chemin de croix.

        Aussi, frères et sœurs, pour accéder à la gloire annoncée par la Transfiguration, n’y a-t-il qu’un moyen: un seul baptême où nous sommes plongés avec le Christ afin de mourir à cette mort qui s’entrelace si profondément à notre vie, et de ressusciter avec lui, brillants de lumière comme les étoiles dans le ciel d’Abraham, ces étoiles qui sont la postérité du Père des cieux.