Homélie du 29 mars 2009 - 5e DC

Lacrima Christi

par

fr. Gilles-Marie Marty

La réaction de Jésus devant Marie en larmes est si exceptionnelle que St Jean la note trois fois: Jésus fut bouleversé, Jésus pleura, Jésus frémit en lui-même.
Les Apôtres ont été surpris: depuis deux ans qu’ils accompagnaient Jésus, ils avaient découvert en lui un homme majestueux, viril, toujours maître de lui…
Or le voilà soudain envahi par un trouble déchirant, au point que les larmes de Marie entraînent les siennes.
Oui, Jésus pleure car il affronte la mort de son ami, la détresse des sœurs, et surtout la victoire féroce de la mort.

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Jésus dit à Marthe mais en fixant tous ceux qui l’écoutent: «si tu crois, tu verras la gloire de Dieu».
Les disciples devinent que Jésus s’adresse à eux aussi, eux qui ne voulaient pas aller en Judée, sachant que les Juifs cherchaient à tuer Jésus. Et quand il faut y aller, c’est comme à l’abattoir «allons-y et mourrons avec lui»: grosse peur!
Mais d’où vient cette peur des disciples, sinon d’un manque de foi?

La foi, ce n’est pas ce qui manque à Marthe «je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu venu dans le monde», pourtant elle a besoin de grandir encore… Car Marthe sait que Jésus est le Maître, mais il lui reste à apprendre qu’il est aussi la Résurrection et la Vie éternelle. De là sa répugnance à ouvrir la tombe et exposer le cadavre putréfié de son frère? elle n’imagine pas une seconde que Jésus puisse le ressusciter.

Grande leçon de cet Évangile: la foi chrétienne doit grandir sans cesse.
Notre foi n’est pas comme notre poids: il parait qu’on a un «poids de forme» à ne pas dépasser: quelques kilos en trop et c’est l’alerte, le régime, le footing, etc…
La foi, elle, n’a pas de limite interdite à dépasser, sous peine de danger! Le test de la foi véritable, c’est qu’elle demande à grandir sans cesse. C’est vrai pour Marthe, c’est vrai pour les disciples, c’est vrai pour nous.
La foi doit grandir jusqu’à tout dominer en nous: désirs, sentiments, ambitions? car c’est elle, elle seule, qui permet d’atteindre Dieu: «ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras (la gloire de) Dieu?»

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C’est la foi, elle seule, qui permet aussi de rejoindre Jésus quand il pleure.
Il y a des gens qui croient qu’être un homme, un vrai, suppose de ne pleurer jamais. Il se trompent. Ils confondent la force et la dureté. Jésus est fort et pourtant il a pleuré. Il a pleuré sur Lazare, et sur Jérusalem, et sur l’humanité misérable soumise à la mort.
Mais c’est le même Jésus qui pleure et qui sauve, qui frémit et qui ressuscite. C’est le même Jésus qui est compatissant et qui est tout-puissant. Et ce qu’il nous apporte est sans comparaison avec ce que ce monde nous a donné et ce que la mort nous arrachera.
Or ce que Jésus nous apporte, nous le possédons déjà si nous croyons en lui.

C’est «l’espérance théologale»: avoir déjà ici-bas un titre à hériter de la Gloire divine, que, par définition, on ne possèdera et dont on ne pourra jouir qu’après notre mort.