Homélie du 28 octobre 2018 - 30e Dimanche du T.O.

Laissez-vous rencontrer par Jésus

par

fr. Gilles Danroc

Nous avons un ami qui va nous aider à rencontrer Jésus : son nom est Bartimée, fils de « Timée », ce qui veut dire « hautement respecté ». Avec Bartimée, nous sommes enfants de Dieu notre Père, celui qui est « hautement loué ». Voici pourquoi la rencontre avec Jésus est possible, car il est l’envoyé du Père qui garantit la confiance entre Jésus et nous, qui garantit la fraternité entre ses enfants. D’autant plus que Dieu se révèle comme Père pour Israël (première lecture : Jr 31,9) et comme celui qui dit au Christ : « Tu es mon fils, moi aujourd’hui, je t’ai engendré » (deuxième lecture : He 5, 16). Bartimée, le fils du Très-Haut, nous représente auprès du Père.

L’Évangile confirme avec force la réflexion d’un philosophe contemporain, Emmanuel Levinas : « Il n’y a pas d’altérité sans transcendance. » Car sans une garantie plus haute, l’homme est un loup pour l’homme, et sur terre c’est la lutte de tous contre tous.

La rencontre de Jésus et Bartimée est une rencontre réussie. La foi chrétienne n’est-elle pas fondée sur un Dieu qui se laisse rencontrer ? Et d’abord, Dieu en lui-même n’est-il pas éternellement rencontre dans le face-à-face du Père et du Fils dans l’Esprit Saint ?

Voici une rencontre réussie car elle apporte le salut, la vie, le bonheur. Bartimée a soif de mouvement et de vie. Il est assis au bord du chemin. Mendiant, il ne peut partager avec quiconque. Aveugle, il est incapable d’une rencontre face-à-face, pas plus que d’une dynamique de vie. Bartimée prend l’initiative d’appeler son sauveur qu’il entend venir par la rumeur de la foule. Il crie plus fort qu’elle : « Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! » Il reconnaît qu’il a besoin du Messie, fils de David, pour vivre, comme le pèlerin russe qui répète ce cri à l’infini, comme nous aussi, au seuil de chaque eucharistie. Bartimée bondit, jette son manteau de mendiant professionnel : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ! » Puisse chacun de nous entendre personnellement cette parole de Jésus pour lui ! Alors, à nous de jeter le vieil homme, confiné dans la prison de nous-mêmes, pour bondir à la rencontre de Jésus.

Bartimée et Jésus peuvent maintenant se rencontrer à égalité face-à-face. N’est-ce pas pour cela que Dieu s’est fait homme ? La Parole de Dieu est venue nous parler « à hauteur d’homme », pour que nous puissions l’entendre, et dialoguer en vérité avec Dieu. Et Jésus prend l’initiative : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Pour comprendre la force du questionnement de Jésus, je vous rappelle une autre rencontre, mais celle-ci ratée : celle de Jésus et de l’homme riche (Mc 10, 17). Jésus posa son regard sur lui et l’aima. Il reprend l’initiative et l’entraîne plus loin : « Va, vends ce que tu as et donne-le au pauvre. Puis viens, suis-moi. » Alors le riche anonyme s’en va tout triste car il avait de grands biens. Ainsi l’accumulation d’avoir, de pouvoir et de savoir enferme l’homme sur lui-même, et il ne peut plus ni rencontrer ni être rencontré.

Pour comprendre la force de ce « voir » que Jésus rend à Bartimée, je vous invite à considérer une autre rencontre : celle de Jésus et de Marie-Madeleine, le matin de Pâques — à cause de ce titre intime que Bartimée et Marie-Madeleine donnent à Jésus : « Rabbouni ». La pardonnée de Magdala court à la rencontre du bien-aimé. Elle vient voir, mais ne voit rien que le vide du tombeau. Les larmes brouillent sa vue ; elle se tourne dans tous les sens. Il lui manque le cadavre de Jésus qu’elle veut étreindre de sa tendresse. Que voit-elle ? Il lui semble que c’est un jardinier. À ce moment Jésus l’appelle par son nom ; elle est rejointe dans son intimité la plus profonde, une intimité d’amour et confiance : il t’appelle par ton nom ! Et elle répond : « Rabbouni ! »
Voir veut donc dire « discerner Jésus » : voir qu’il est ressuscité et que l’amour est plus fort que la mort ! Voir à travers le monde la puissance d’amour et de vie que Dieu insuffle à toute l’humanité par la victoire du Christ en croix, lui qui est vraiment ressuscité. Veux-tu voir dans la foi le Christ ressuscité qui vient bouleverser ta vie ? Où vas-tu repartir de ce dimanche tout triste pour retourner à tes grands biens ? Veux-tu que l’amour vrai te redresse et te lance dans ta vie ? As-tu l’espérance de ce royaume où tu verras Dieu face-à-face et où il fixera son regard sur toi ?

L’Église est cette mère qui favorise notre rencontre avec le Ressuscité. Elle nous montre au moins trois moments où le Christ vient à notre rencontre :
1- Dans sa parole, et singulièrement dans l’Évangile, Dieu te parle et parle à ton cœur, tu peux dialoguer en vérité avec lui. Tu n’es plus sous le regard de la foule mais dans le regard d’amour de Dieu qui te respecte infiniment et à qui tu peux te confier personnellement.
2- Dans les sacrements, et singulièrement dans l’eucharistie où le Christ se donne à toi pour nourrir ta vie.
3- Dans le « sacrement du frère » où Jésus se rend présent dans le pauvre qui appelle, le malade sans aide, le prisonnier et le désespéré. Oui, là, en chacun d’eux, Jésus t’attend dans le miracle de la charité vivante, et te rencontre dans la puissance d’amour de son Esprit.

Alors je le sais : avec Bartimée et Marie-Madeleine tu vas te lancer joyeux à la suite du Christ.