Homélie du 26 avril 2015 - 4e DP

L’Eglise: une table ouverte, le roquefort, le pain et le vin!

par

fr. Gilles Danroc

«Il est ressuscité, ce Jésus que vous avez crucifié!». Voici le noyau dur de la prédication de Saint Pierre à la Pentecôte, le leitmotiv du temps pascal. Après les trois dimanches où nous avons constaté la présence du Ressuscité à Jérusalem, au bord du lac de Tibériade et, de Madeleine à Thomas et aux Apôtres, voici que nous sommes appelés à contempler le Ressuscité qui vit avec l’Église qu’il a acquise par le sang de sa Croix et qu’Il conduit par Sa résurrection. Il est le Bon Pasteur, la vraie Vigne, Il donne le commandement nouveau et Il consacre ses disciples dans la Vérité.

Voici le deuxième mouvement du temps pascal: le Ressuscité construit son Église, Il la met en ordre de marche, Il lui confie Son Amour et Sa Vérité. Oui, par sa résurrection Dieu l’a fait Christ et Seigneur, Pasteur unique et véritable du peuple nouveau. Résurrection dynamique qui conduit l’humanité vers le Royaume qui vient. Aujourd’hui Il nous entraine à sa suite, Il nous empoigne, Il nous attire, Il nous met en mouvement. Ne reste pas assis au bord de la route car Jésus Ressuscité, le Bon Pasteur, t’envoie sur le chemin de la vie! Célébrer la Résurrection du Christ, c’est construire l’Église fraternelle, construire l’Église, c’est célébrer Jésus, premier né d’une multitude de frères. Tel est le sens profond de ce temps pascal qui est aussi un Avent d’Esprit!

Contemplons donc Jésus Pasteur pour le choisir et le suivre. Or c’est à Pâques que Jésus est fait Seigneur et Christ, Messie crucifié et Bon Pasteur en sa Résurrection! Pourtant Jésus est bien pasteur en son humanité. À Nazareth n’a t-il pas pris le temps d’écouter de l’intérieur cette humanité qu’il appelle à être sauvée? Dans sa vie publique n’a t-il pas prêché et guéri les foules parce que les temps messianiques étaient accomplis? Il est pasteur depuis la montagne où Il réunit son peuple qui le reconnaît à sa voix, car Il prêche avec autorité et les foules sont heureuses. Par son humanité et au milieu de l’humanité Il est le pasteur qui prend soin de ses brebis, le Messie qui apporte le salut. Jésus vient créer une relation nouvelle entre Dieu et les hommes: Il touche le lépreux et se laisse toucher par la femme hémoroïsse. Il pardonne à la femme adultère et s’invite à la table des pécheurs. Il marche sur les routes à la recherche de la brebis perdue, de l’humanité en détresse et Il arrache Lazare à la mort.

Mais c’est pendant la Semaine Sainte qu’Il devient le pasteur véritable. Il accomplit les prophéties de Jérémie (23, 1-4) et Ézéchiel (34) car en Jésus, Dieu donne le bon pasteur à son peuple dispersé par les mercenaires. Qu’est-ce qui distingue le vrai du faux pasteur? « Il donne sa vie pour ses brebis ». Il a pris le temps de connaître ses brebis en faisant l’expérience de la vie humaine. Connaître, pour Dieu, c’est faire l’expérience amoureuse de l’homme. Et connaître Dieu, pour l’homme, c’est faire l’expérience amoureuse de la rencontre du Christ et de nos frères en Son Nom (1ère lecture). Mais c’est bien le Jeudi Saint qu’Il donne sa vie pour ses brebis pour qu’elles aient la vie et la vie en abondance. Jésus donne son corps et son sang, Il donne le sens de l’Eucharistie en nous invitant à laver les pieds de l’humanité (Jn 13, 15). Que serait communier sans y puiser la force de servir l’humanité souffrante et méprisée? Jésus nous donne le commandement nouveau (Jn 13, 34) et fait totale confiance à son Père en accomplissant sa volonté à Gethsémanie. Voici qu’Il donne tout. Il va librement à la mort car Il a pouvoir de la donner. Et il a le pouvoir de la recevoir à nouveau. Telle est la clé de Pâques qui conduit du Jeudi Saint à travers le Vendredi Saint jusqu’au Dimanche de Pâques! Dès lors la croix est le bâton de pasteur du Christ qui brise les portes de la mort et conduit les vivants et les morts vers le Royaume « où Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 28). Car élevé de terre, « Il attire tout à Lui » (Jn 12, 32). Par la Croix victorieuse, Il détruit le mur de la haine qui séparait les païens des Juifs en en faisant des ennemis irréductibles. « Car Il a fait la paix par le sang de sa croix » (Ep 2, 14-18) et « de deux peuples Il n’en a fait qu’un seul », le peuple nouveau que conduit l’unique pasteur aux deux bercails..

Aujourd’hui, par et dans Sa résurrection, Jésus est avec nous jusqu’à la fin du monde (Mt 28, 20). Et nous comprenons qu’à l’Ascension Il ne nous abandonne pas à un triste sort: Il porte à Son Père l’humanité glorifiée, comme le bon pasteur porte la brebis blessée, perdue et guérie sur ses épaules. Par Sa résurrection Jésus devient le premier né d’une multitude de frères, dont chacun de nous.

Alors aujourd’hui, mon frère, ma sœur, personnellement et en communauté d’Église, reçois Jésus ressuscité au plus profond de ta vie pour le choisir comme pasteur de TA vie. Il nous conduit ensemble, en peuple de Dieu, et nous conduit chacun, en enfant de Dieu (2e lecture).

A toi, à nous de choisir: acceptes-tu d’être conduit dans ta vie par un autre (cf St Pierre, Jn 21, 18) ou es-tu orgueilleux d’être un self made man qui utilise les autres au lieu de les servir? Si tu choisis Jésus comme pasteur alors tu recevras Sa paix pour pacifier ta vie, unifier tes énergies et dynamiser ton espérance. Acceptes-tu de t’effacer, dans toutes les charges et responsabilités qui t’engagent auprès d’autrui, devant le Bon Pasteur qui t’apprend à aimer comme Il nous a aimés? Alors tu refuseras la tentation de la séduction qui consiste en conduire à soi (se-ducere) pour le prestige de la vaine gloire au lieu de conduire les autres au Christ comme à la vraie vie selon l’Évangile. Acceptes-tu, acceptons-nous, d’être l’un du troupeau pour avancer ensemble au pas du plus lent? Alors tu ne seras plus une star, un leader qui cherche les feux de la rampe. Tu prendras part, à ta place, à la construction du Bien Commun de la Cité comme un devoir citoyen pour devenir « concitoyen des Saints » (Ep 2, 19). Acceptes-tu, acceptons-nous enfin de construire une Église vraiment fraternelle au milieu du monde comme une lumière pour le monde? Alors tu refuseras la tentation des mercenaires qui se coupent du troupeau et se nourrissent des brebis, la tentation de ceux qui dominent et qui savent d’avance, sans les écouter, ce qui est bon pour les brebis, sans chercher à les connaître et à les aimer, sans prendre le temps du partage de la vie et de la vraie rencontre.

Alors, avec François et Dominique, à l’invitation du pape François pour qui le pasteur doit sentir fort la brebis, quitte ta suffisance et ton orgueil qui te font être la référence, l’auto référence pour les autres, à la place du vrai et unique pasteur! Sors de ta paresse qui t’empêche d’aller aux périphéries en préférant le confort de ceux qui sont comme toi!

Et tu connaîtras la joie de L’Évangile!

Construisons dès aujourd’hui cette Église fraternelle qui sent la brebis. Faisons de notre communauté un vrai roquefort plein de pénicilline qui guérit et plein de la vraie saveur de la vie. Un Roquefort où se mêle à l’intérieur le noir et le blanc pour la force du gôut. Faisons l’Église comme un bon roquefort bien rond posé sur une table où vient l’humanité pour se régaler de ce partage et le Seigneur apporte le pain et le vin!