Homélie du 21 septembre 2014 - 25e DO

« Les derniers seront premiers et les premiers seront derniers ».

par

fr. Arnaud Blunat

« Les derniers seront premiers et les premiers seront derniers ». Voici un des grands thèmes récurrents, une des maximes que Jésus semble apprécier particulièrement, car il la répète à plusieurs reprises dans l’évangile. Oui, Jésus aime les oppositions, les paradoxes, les contradictions. Il aime provoquer, bouleverser nos logiques humaines. Dans la logique de notre société, la maxime « les premiers sont les derniers et les premiers sont les derniers » signe le constat d’un échec, le résultat d’un dysfonctionnement, le produit d’une malchance. Quand une entreprise florissante subit les conséquences de la crise, elle perd des parts de marché et doit licencier son personnel. Quand une personne partie de rien s’enrichit en peu de temps, elle peut, grâce à une conjoncture favorable, entrer dans le cercle des puissants de ce monde. Mais la logique de Dieu n’est pas régie ni par les règles ni par les manipulations humaines. Aucun effort humain ne suffira à obtenir l’entrée dans le Royaume. Nulle préséance, aucune place attribuée à l’avance, pas de plan de table préétabli. Les premiers devront accueillir les suivants comme des frères sans calcul ni jalousie. Ils auront à s’ouvrir à ce mystère de la diversité voulue par Dieu. L’humanité n’est pas réductible à nos analyses, à nos plans d’organisation. Or le monde dans lequel nous vivons est agité par des mouvements violents. Les puissants veulent s’en emparer. Ils veulent établir un Royaume selon leurs idées. Nombreux sont ces royaumes utopiques, qui ont régné un temps puis se sont effondrés, entrainant derrière eux combien de désastres et de vies humaines brisées et détruites.

Dans la parabole, le maitre décide d’envoyer ses ouvriers par groupes successifs. Aux premiers, il fixe un salaire. Aux suivants, il leur promet ce qui est juste, sans plus de précision. Il s’avère que ce qui est juste aux yeux de Dieu, c’est que tous aient droit à une rétribution, à la même rétribution. Celle-ci ne dépend pas uniquement du travail fourni. Elle tient compte de ce que sont les uns et les autres, de c’est qu’est chacun. Certains ont pu être embauchés rapidement, dès le début. D’autres ont du attendre et n’ont été appelés que plus tard, sans qu’on comprenne bien ce qui a pu se passer entre temps. Cette rétribution va bien au-delà de ce qui pourrait être humainement évalué. Qu’est-ce que Dieu pourrait nous donner en échange de tous nos efforts de conversion ? Dieu n’a qu’une seule chose à donner : son amour inconditionnel. L’amour qu’il offre en s’offrant lui-même. C’est bien ce qui devrait se passer lorsque nous regardons notre Église, notre communauté humaine rassemblée par le Christ. Beaucoup d’entre nous sont des ouvriers de la première heure. Combien sont arrivés ensuite ? Ainsi nos frères et sœurs récemment baptisés sont arrivés plus tard. D’autres se présenteront après eux. Mais il y a aussi ceux qui n’ont pas été appelés ou qui n’a pas encore pu trouver leur place. Ceux qu’on a oublié, qui se sont éloignés pour de multiples raisons. Et pourtant tous méritent la même attention, la même considération, le même amour.

En ce dimanche de rentrée paroissiale, gageons que nous saurons mettre facilement en application cette invitation à nous accueillir tous avec joie, disponibilité et générosité, sans réserve ni amertume. La seule différence avec ce qui est dit dans la parabole, c’est que Dieu compte sur nous tous pour que chacun puisse recevoir ce auquel il a droit. C’est à travers nous, les uns et les autres, que Dieu pourra communiquer son amour. Il n’y a rien de pire dans une communauté chrétienne quand on ne se sent pas accueilli, quand l’indifférence ou parfois la dureté viennent remplacer une amitié simple et chaleureuse. Qui peut le plus peut le moins. A ceux qui ont beaucoup reçu, il sera beaucoup demandé. Si une logique calculée l’emporte sur celle de l’amour, alors notre communauté ne laissera rien entrevoir du Royaume. Efforçons nous d’entrer dans cette voie, certes difficile et exigeante mais tellement libérante quand elle est vécue comme un don de Dieu. Puissions-nous dès maintenant accueillir la grâce du Royaume pour avoir part à la joie de l’éternité.