Homélie du 12 octobre 1997 - 28e DO

Parole pour la vie

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Frères et sœurs, qu’est-ce que l’homme? Le petit Larousse le définit ainsi:  » un être doué d’intelligence et d’un langage articulé « . Disons en raccourci que l’homme est un être parlant. Quand on dit alors que  » Dieu parle « , un point sur lequel insiste notre deuxième lecture, veut-on simplement dire que Dieu possède un langage articulé? Ne s’agit-il pas d’un stupide anthropomorphisme? En fait, frères et sœurs, cette affirmation  » Dieu parle  » est au cœur de notre foi, et elle va beaucoup plus loin qu’on ne le pense souvent.

Elle ne cherche pas à décrire une manière de parler, mais beaucoup plus une volonté de parler et donc d’établir une relation. Si je parle, comme je vous parle en ce moment, ce n’est pas – du moins je l’espère – pour m’entendre parler, mais pour vous parler, autrement dit pour entrer en relation avec chacun de vous, pour créer un échange: nous parlons pour nous établir en société, et si possible en communion. Affirmer que Dieu nous parle, c’est dire quelque chose d’important sur notre Dieu, à savoir qu’il ne se satisfait pas d’être seul, ou même trois, mais qu’il veut entrer en relation, ou plutôt en communion, avec chacun de nous.

Il faut sans doute aller plus loin. À moins d’y être obligé en effet, on évite de parler à ceux que l’on n’aime pas ou que l’on ne veut pas aimer: parler, c’est déjà commencer d’aimer. Dès lors, du seul fait que Dieu nous parle, et qu’il ne cesse même de nous parler, il nous dit aussi le grand amour qu’il a pour chacun de nous. De plus, en nous donnant sa parole, au double sens que peut avoir cette expression en français, engagement et don total, il signifie qu’il nous aime totalement, sans retour. Cette parole donnée, c’est Jésus, non seulement parce qu’il parle au nom de Dieu, non seulement parce qu’il dit exactement ce que Dieu dit, non seulement parce qu’il est cette sagesse de Dieu dont parlait le livre de la Sagesse, mais plus encore parce que par sa vie et sa mort, il est signe de cet engagement et de ce don total de Dieu à l’homme par amour.

Voilà donc tout ce qui est impliqué dans ce  » Dieu parle « . Nous comprenons mieux ainsi l’attachement à la parole de Dieu de l’auteur de la lettre aux Hébreux. Mais on comprend mieux aussi l’histoire de ce jeune homme que l’on qualifie de riche. Vous aurez remarqué en effet qu’en le renvoyant aux commandements, Jésus le renvoie justement à la parole de Dieu: elle tient apparemment beaucoup de place dans la vie de ce jeune homme. Il est invité à entendre cette parole comme une parole d’amour, comme une parole d’alliance. Sa réponse est à la fois belle et terrible:  » Tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse « . Accaparé par d’autres choses, de grands biens nous dit l’évangéliste, le jeune homme riche ne voit dans cette parole qu’une liste d’injonctions à observer, une réalité froide, une réalité morte. La parole de Dieu, il l’observe certes, mais l’aime-t-il? En tout cas, pas plus que certaines réalités mondaines. Dès lors, il se trouve incapable d’aller plus loin pour elle, et de reconnaître en Jésus la parole de vie, la parole donnée.

Il n’est pas besoin, frères et sœurs, d’être brillant exégète pour comprendre que ce jeune homme riche pourrait bien être chacun de nous. Nous sommes comme lui en quête de vie éternelle, même si parfois nous lui donnons un autre nom, bonheur, liberté, paix. Cette vie éternelle, elle n’est pas pour un autre monde, un autre temps,  » la vie éternelle, c’est que le monde te connaisse, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ « . Et pour le connaître, Dieu nous a donné sa parole: la vie éternelle, elle est entre nos mains.