Homélie du 22 mars 2020 - 4e Dimanche de Carême

Passons des ténèbres du péché à l’admirable lumière du Christ

par

fr. Manuel-Marie Latige

Passer des ténèbres à son admirable lumière ! Telle est l’invitation de ce 4e dimanche de carême. Avec l’Évangile selon saint Jean, nous poursuivons notre itinéraire baptismal vers Pâques. Dimanche dernier, il était question d’accueillir la source d’eau jaillissante en vie éternelle dans l’épisode de la Samaritaine. Aujourd’hui, c’est Jésus, lumière du monde, qui guérit un aveugle de naissance et qui manifeste qui il est.

Le récit de cette guérison est particulier. Il diffère des autres guérisons d’aveugles rapportées dans les Évangiles où une simple parole a suffi. Ici, Jésus ne guérit pas par la parole mais il pose des gestes, il crache à terre, fait de la boue, il touche et il envoie l’homme se laver dans une piscine. Cet Évangile peut être lu dans l’optique d’une vraie catéchèse baptismale en trois étapes ! Trois étapes : un avant, une rencontre avec le Christ et un après.

1ère étape : un avant. Situation initiale : cet homme est né aveugle. Sa cécité physique reflète l’aveuglement spirituel de notre nature née pécheresse. Cet héritage du péché originel nous laisse dans les ténèbres et dans l’ignorance. Sans la grâce et le secours divin, nous ne pouvons pas déployer la vie surnaturelle pour laquelle nous sommes aussi faits. Sans la grâce, nous ne pouvons pas manifester l’œuvre de Dieu en nous. Sans la grâce, nous sommes comme cet homme aveugle mendiant à la porte, hors du Temple, alors que Dieu nous avait créés pour vivre en sa présence à l’intérieur.

2e étape : une première rencontre qui donne la vie. Par les gestes qu’il opère sur l’aveugle-né, Jésus nous renvoie directement au récit de la création de l’homme dans la Genèse. Il s’identifie à la main de Dieu qui jadis avait modelé Adam, et qui aujourd’hui guérit notre nature blessée et nous recrée.
Cette deuxième étape est également celle où Dieu nous dit : « Va te laver à la piscine de Siloé. » L’aveugle-né s’en alla se laver dans cette piscine manifestant ainsi son premier acte de foi en obéissant à la parole du Christ. Comme lui, ceux qui désirent quitter les ténèbres et recouvrer la lumière doivent passer par le bain salutaire. Bain salutaire dans la piscine de l’Envoyé, c’est-à-dire bain salutaire, bain de régénération, dans le Christ qui est l’Envoyé du Père. Il nous sauve par et dans sa mort et sa résurrection.
La miséricorde de Dieu vient donc à notre secours. Nous touchons ici le cœur de notre foi : l’Incarnation ! Le Verbe s’est fait chair, et c’est dans sa chair et par sa chair que le Christ nous sauve.

3e étape : approfondir ce que nous avons reçu tout au long de notre vie. Une seule rencontre ne suffit pas ! L’histoire ne s’arrête pas là ! Je dirais même qu’elle commence ici, vu la longueur de l’Évangile que nous avons lu.
À la différence d’Adam et d’Ève dont les yeux s’ouvrirent sur leur propre misère après avoir mangé du fruit de l’arbre défendu, les yeux de notre ancien aveugle s’ouvrent au contraire progressivement sur l’identité de son Sauveur. Lui qui ignorait tout de « cet homme que l’on appelle Jésus » saisit dans un premier temps que Jésus est quelqu’un qui honore et fait la volonté de Dieu, tel « un prophète ». Mais c’est parce que le miraculé demeure humble et en quête de la vérité qu’une nouvelle rencontre avec Jésus-Christ est possible. Avec l’ancien aveugle, dans la lumière de la foi, nous reconnaissons en Jésus non seulement le Fils de l’homme, mais aussi notre Seigneur et Sauveur.
Cette troisième étape dans laquelle nous sommes, nous les baptisés, est une étape difficile. Comme l’aveugle-né qui doit souvent répondre à la question « comment donc tes yeux se sont-ils ouverts ? », il nous faut témoigner et inviter parfois « à temps et à contretemps » à cette rencontre salvifique avec Dieu. Pourtant comme dans l’Évangile de ce jour, les épreuves peuvent être autant d’occasions de chercher et de renouveler notre foi : « Le Fils de l’homme, qui est-il pour que je croie en lui ? »

L’ancien aveugle de l’Évangile, certain des grâces qu’il a reçues, n’a pas cessé de répondre à la dureté du cœur de ses interlocuteurs par la simplicité de son témoignage de vie : « J’étais aveugle, et à présent je vois. » De même, nous pouvons dire : « J’étais aveuglé par le péché, et à présent le Christ m’a sauvé : je vois. » « Je vois » avec un regard renouvelé par et dans le Christ. « Je vois » par celui qui est la lumière du monde que je suis une créature aimée du Père. « Je vois » et je participe à « l’œuvre de Dieu » qui fait tout pour nous conduire à la vie éternelle.

Dans cette montée vers Pâques, mêmes confinés, nous avons à redécouvrir la beauté de notre baptême qui nous a fait passer des ténèbres du péché à l’admirable lumière du Christ. Nous avons à redécouvrir que nous sommes des « enfants de Lumière » appelées à cultiver « des fruits de bonté, de justice et de vérité ». Le temps actuel est propice pour approfondir dans notre vie la beauté de la présence de Christ par la prière, par la lecture des Saintes Écritures et des écrits spirituels, par l’exercice de la charité, et par toutes actions guidées par l’Esprit Saint.

Frères et sœurs, unis par la prière, passons des ténèbres du péché à l’admirable lumière du Christ !

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