Homélie du 10 novembre 2002 - 32e DO

Précieuse huile: que nos lampes en brillent jusqu’à la fin !

par

fr. Bernard Autran

Pour Jésus à Jérusalem, le dénouement est proche! Désigné Roi par l’écriteau de sa Croix, Il va s’absenter comme l’Époux dont on va attendre le retour. De la Toussaint à la fête du Christ-Roi, la liturgie nous oriente vers le but qu’Il envisage pour notre existence, la merveilleuse rencontre avec Lui par delà notre vie terrestre. Mais aussi, elle souligne que cette joie est au bout d’un chemin étroit, du choix difficile, celui de l’Amour triomphant de notre égoïsme. Si les 144.000 et la foule immense crient leur joie, c’est après leur épreuve, tandis que sont plongés dans la terreur les grands qui ont abusé de leur pouvoir! Et la grande fresque du Jugement dernier annoncera la séparation entre ceux qui partageront la joie du Seigneur pour avoir nourri leur frères, les avoir visités, soulagés, et ceux qui seront rejetés pour s’être enfermés sur eux-mêmes.

L’Évangile que nous venons de lire rappelle que l’on n’entre dans la salle des noces qu’avec sa lampe allumée. Mais que le Seigneur se présente comme l’Époux nous éveille à approfondir une dimension fondamentale de ce dont Il veut nous réjouir. C’est un thème fréquemment évoqué dans l’Ancien Testament. Dieu s’y révèle non seulement comme le Père, mais aussi comme l’Époux de son peuple. Chez Osée, c’est son attitude bouleversante: Il reste fidèle à son épouse même infidèle, la rappelle, la relève! Et dans le Cantique, sous la forme d’un chant d’amour, c’est celui du Seigneur dont l’Amour fort comme la mort appelle l’Épouse à en vivre un tel que les grandes eaux de l’épreuve ne sauraient l’éteindre! Avec le Nouveau Testament, nous découvrons que l’Époux est Jésus. Avec Lui, nous comprenons que tout le sens de notre vie, à travers ce que nous pouvons vivre et accomplir, est d’entrer dans une amitié réelle et concrète avec Lui, spécialement en nous ouvrant à nos frères qu’Il aime tous. Et, au terme, s’Il veut nous réjouir de biens humains, transfiguration de ceux dont nous jouissons sur terre, l’essentiel de notre bonheur sera la relation personnelle, comme une union nuptiale, l’Amour qui rayonnera de son visage et nous entraînera dans l’immense joie de lui répondre. Et Lui ne sera que parfaite transparence de la Face du Père qui nous comblera de sa joie et nous donnera de la faire rejaillir sur nos frères!

La première lecture nous a mis en scène la sagesse. Selon l’Ancien Testament, elle est un attribut de Dieu, au fond, Dieu lui-même en l’abîme de cet Amour. Avec Jésus, nous savons que, Fils Unique, Parole de Dieu incarnée, Il est cette sagesse divine. En toute sa vie, Il est le parfait reflet de celle en laquelle le Père pense et réalise sa création. Et Il transcrit dans sa vie humaine ce qui est la sagesse suprême, le feu de sa réponse d’Amour à celui de son Père. C’est à refléter cette sagesse qu’Il nous appelle et nous entraîne. Et c’est là qu’intervient la durée dans notre vie. Pour saint Paul, au début, ce n’était pas le problème, il croyait le retour du Christ proche, comme il l’écrivait aux Thessaloniciens. Mais bientôt, il s’est rendu compte que les proportions de temps étaient tout autres! Grâce à l’Esprit Saint, sa lampe a toujours été garnie. Il a tenu jusqu’au bout, acceptant même de voir retardée sa rencontre avec le Seigneur pourvu qu’il soit utile à ses frères.

Pour nous, c’est une grâce si nous avons pu, dans la foi, nous ouvrir à l’Amour de Dieu, commencer à lui répondre. Mais c’est autre chose que de persévérer! Si nous avons eu la chance de n’être pas le macadam où la semence de la Parole de Dieu ne pénètre pas, ne risquons-nous pas d’être la terre sans profondeur où elle s’étiole ou celle encombrée de ronces, une vie si préoccupée de l’immédiat qu’on en oublie l’essentiel? C’est là qu’il nous faut ardemment désirer et humblement demander cette huile précieuse pour que nos lampes restent allumées. Pourquoi les jeunes filles ne la partagent-elles pas? Il n’est pas question là d’un refus de s’entraider! La communion des saints n’est pas un vain mot! L’huile précieuse est don de Dieu, Il nous l’accorde en Église en nous aidant les uns les autres par la prière et tout ce que nous pouvons accomplir les uns pour les autres. Mais sa réalité est strictement personnelle. Comme je le dis souvent aux enfants, dire «oui» au Seigneur du fond du cœur et le réaliser concrètement, les frères peuvent m’y aider, mais personne ne peut le faire à ma place! C’est entrer dans la vraie sagesse, trouver le vrai sens de notre vie, passer d’une vie centrée sur son intérêt à une vie donnée en réponse à l’Amour dont nous sommes comblés. En appréciant les bienfaits quotidiens, avoir la préoccupation d’en partager la joie! et si nous sommes bien loin d’aimer nos frères comme le Seigneur nous aime, faisons appel à sa miséricorde pour nous aider à aller un peu plus loin dans nos pauvres limites!

C’est ainsi que tant de nos frères sont entrés, exultants, dans la salle des noces. Dans la parabole, Jésus ne parle pas de l’épouse. C’est à tous ceux qui entrent qu’Il s’unit avec la joie de l’Époux pour son Épouse! Dans la nuit de leurs épreuves, ceux qui sont représentés par les vierges pleines de sagesse éclairent pour leurs frères la route du Maître. Faisons-nous aider par ceux à qui il a été donné de tenir leur lampe allumée en vivant un grand amour à travers des épreuves, des souffrances, un grand dévouement à leurs frères, dans la certitude de ce qui allait briller à leurs yeux! A notre tour, grâce à eux, même si les épreuves se font lourdes, ne soyons pas abattus comme ceux qui n’ont pas d’espérance. Si nous recevons la force de persévérer, nous savons qu’avec Jésus mort et ressuscité, Dieu nous prendra avec lui. Alors, grâce à l’Esprit, soyons vigilants dans notre propos de répondre à l’Amour dont nous sommes l’objet. Puissions-nous, ainsi nos lampes allumées, aider nos frères pour que pour eux comme pour nous, s’ouvre un jour la porte de l’immense joie, le Visage du Père!