Homélie du 10 avril 2005 - 3e DP

«Santo subito!»

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Sur la route d’Emmaüs, les disciples ont le cœur lourd, le regard sombre et le visage triste. C’est le temps du deuil. Ils ont perdu un ami qui les avait enthousiasmés. Ils ont perdu celui qui cependant revient, une fois encore, auprès d’eux, mettre le feu à leur cœur tandis qu’il leur parle en chemin en leur expliquant les Écritures. Ils ont perdu celui qui partage le Pain de Vie pour eux. Leur cœur est drapé de noir.

La tentation serait grande, frères et sœurs, au moins pour les catholiques de ma génération qui se sentent orphelins, de faire de même, de s’enfermer dans le temps du deuil. Nous avons perdu un ami, un père qui nous a enthousiasmés. Nous avons perdu celui qui, alors qu’il nous expliquait les Écritures, mettait le feu aux foules des JMJ. Nous avons perdu celui qui nous partageait le Pain de Vie et qui nous quitte en cette année qu’il a consacrée à l’Eucharistie. Notre cœur pourrait se draper de noir.

Et pourtant, j’avoue que lorsque je pense à Jean-Paul II, ce n’est pas le noir qui me vient à l’esprit, mais plutôt d’autres couleurs.

Le bleu, tout d’abord, couleur de la Très Sainte Vierge Marie. Elle est partout dans son Pontificat: sur ses armes, marquées d’un grand M sur un fond bleu. Elle est dans ses homélies: pas une ne s’achève sans qu’il ne mentionne cette Mère très Pure. Elle est dans ses voyages: souvenez-vous, sa première visite apostolique à l’étranger, en République Dominicaine, en 1979, a commencé en la Cathédrale de l’Annonciation de Saint-Domingue, avant de le conduire vers le Mexique et le sanctuaire de Notre Dame de Guadalupe, reine des Amériques. Et son dernier voyage l’a conduit chez nous, à Lourdes! Elle était près de lui, Notre Dame de Fatima, ce mercredi 13 mai 1981, pour le protéger lors de l’attentat dont il a été victime sur la place Saint-Pierre. Elle est l’objet de sa devise «Totus tuus», je suis tout à toi!

Merci, cher Saint Père, d’avoir su faire une place en vous à Marie. Merci de l’avoir tant aimée et de nous l’avoir fait aimer.

Et puis il y a le blanc, couleur de la Sainte Eucharistie. Jean-Paul II n’a eu de cesse de vouloir nous tourner vers le Seigneur véritablement présent dans cet admirable sacrement. Il nous quitte d’ailleurs au cœur d’une année qu’il a voulu consacrer à l’Eucharistie, source et sommet de toute la vie chrétienne. Quelle grâce, pour ceux d’entre nous qui seront ordonnés dans quelques semaines de l’être en cette année si particulière où le Pape nous désigne l’Eucharistie et disparaît à nos yeux! Il s’est toujours effacé devant le Christ. Il n’a été que son porte-parole, son messager infatigable. Enraciné dans le Christ, il a pu être berger du troupeau du Christ, de son Église universelle.

Merci, cher Saint Père, de nous avoir fait connaître la richesse de l’Eucharistie, Pain de Vie donné au monde!

Enfin, il y a le rouge, couleur de la passion. Une passion pour son Dieu et une passion pour l’homme d’un Pape qui n’a jamais manié la langue de bois, au grand dam de ses détracteurs! Un Pape au verbe haut ayant le sens de la formule, épris de vérité. Comme elle a regimbé sous l’aiguillon, la Fille Aînée de l’Église, lorsqu’il lui a demandé ce qu’elle avait fait des promesses de son baptême! Comme ils ont peu apprécié, les dictateurs de tout poil, de Pinochet à Castro, quand il leur a tiré l’oreille au sujet des droits de l’Homme! Comme ils le détestent, nos contemporains, son discours sur la défense de la vie, de la conception jusqu’à la mort naturelle!… Passion pour la Vie. Passion pour la jeunesse aussi. Pour combien d’entre-nous les Journées Mondiales de la Jeunesse ne sont-elles pas des moments décisifs de notre vie? Comment ne pas avoir été frappé par ce pape cohérent avec lui-même, exigeant avec nous?

Merci, cher Saint Père de nous avoir donné cette passion dévorante de Dieu, de vous être donné à nous, sans compter, sans rechercher le moindre repos, jusqu’à votre dernier souffle. Merci pour ce que vous avez été pour nous: un Père, un merveilleux exemple d’attention aux plus petits.

Trois couleurs: bleu, blanc, rouge.

Trois couleurs que j’ai fait, comme des dizaines de milliers d’autres Français, voler fièrement à Saint-Laurent-sur-Sèvre, à Madrid, au pied de la Tour Eiffel, à Toronto ou ailleurs, dans la joie, l’enthousiasme et peut-être l’excès de la jeunesse. Et tant pis si des ringards prétendument libre-penseurs – plus libres que penseurs d’ailleurs… et finalement pas si libres que ça! – ont grincé des dents, la semaine dernière. Mon drapeau était en berne! Mais vendredi dernier, j’aurais aimé qu’il claque au vent, et unir ma voix au cri qui s’élevait sur la place Saint-Pierre à Rome: «Santo subito!». Ne dit-on pas «Vox populi, vox Dei»? Très Saint Père, certains journalistes ont, dans leurs nombreux commentaires, dit que la foule réunie pour vos obsèques était la dernière qui s’assemblait autour de vous. Je crains qu’ils ne se soient, une fois de plus, lourdement trompés: la célébration de votre canonisation nous rassemblera encore!

Alors Très Saint Père, ce drapeau, je vous l’offre.

Recevez-le comme un hommage de cette terre de France dont vous avez tant aimé le peuple, la culture, les saints… et qui vous le rend si mal.

Recevez-le avec tous les drapeaux du monde, vous le Pèlerin de la Paix, de Jérusalem à Assise.

Recevez-le en souvenir de cette Génération Jean-Paul II que vous avez fait naître et qui est certaine que vous intercéderez pour elle, depuis là-haut.

À Dieu, Très Saint Père! Vous allez nous manquer!

À Dieu, Jean-Paul II le Grand!

À Dieu… par Marie, Porte du Ciel. Aujourd’hui plus que jamais!

Amen