Homélie du 23 août 2009 - 21e DO

Sichem, Capharnaüm, Rangueil

par

fr. Gilles-Marie Marty

Lorsque les 12 tribus d’Israël se furent installées en Canaan, parmi les peuples païens, Josué les convoqua à Sichem afin de renouveler l’Alliance du Peuple avec le Seigneur.

Concrètement il s’agissait de refaire promesse de fidélité envers Dieu, qui avait délivré Israël d’Égypte et lui avait livré ce beau pays de Canaan.
Mais pourquoi Josué refusa-t-il pas de parler au nom de tout le Peuple hébreu, comme pourtant il en aurait eu le droit, étant le successeur de Moïse, le chef incontesté?
Parce que… choisir Dieu, se décider à fond pour Lui, est une affaire trop personnelle, trop importante pour qu’on la confie à un autre que soi, qu’on agisse par procuration!
Donc le peuple répondit, du cri unanime que nous avons entendu: «Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux! [ C’est Lui qui nous a guidés, protégés et sauvés ]. Nous, nous voulons servir le Seigneur, car c’est Lui notre Dieu.»

Dans l’évangile aussi, il s’agit de choisir et de se décider pour Dieu.

Ce matin-là à Capharnaüm, Jésus prononça des paroles que nous savons par cœur et qui demeurent néanmoins stupéfiantes: «Le pain que je donnerai, c’est ma chair; si vous ne la mangez pas, vous n’aurez pas la Vie en vous».
Ayant dit cela, il provoque son auditoire: il le force à accepter ou à refuser ce discours.
Or, à la différence de l’assemblée de Sichem, l’assemblée de Capharnaüm proteste, refuse, et finalement s’en va – Ce n’est pas si étonnant…

À Sichem, le choix (imposé par Josué au Peuple) était facile: soit le Seigneur (le seul vrai Dieu), soit l’un des dieux païens, tous faux.

À Capharnaüm, c’est tout autre chose. Ce que dit Jésus constitue un scandale énorme.
Ou plutôt deux scandales, aussi inouïs qu’opposés… et, quand ils frappent ensemble,la sagesse humaine (celle des Juifs religieux) se retrouve à la fois écrasée et écartelée!

Le premier scandale arrive quand Jésus s’affirme capable de donner la vie éternelle, de monter aux Cieux, et de partager la vie du Père! Il se présente comme un être divin. Pour les Juifs qui adorent Dieu transcendant, distinct de toute créature, quel scandale qu’une créature ose se hisser au niveau du Créateur! C’est un motif suffisant pour être condamné à mort, et c’est ce qui arrivera…

Mais imaginons que certains l’aient écouté; alors vient l’autre scandale, le plus gros: Jésus prétend que sa chair (liée à Dieu) servira de nourriture et son sang de boisson!
Souvenons-nous que le grand désir du Juif religieux ici-bas, c’est de s’approcher peu à peu du Seigneur Tout-Puissant; pour cela il observe scrupuleusement la Loi de Moïse, en particulier la kashrout, qui interdit absolument de boire du sang animal.
Entendant Jésus, ils pensent: «un homme peut-il être fou au point de s’égaler à Dieu? Comment un être divin adopterait-il la condition humaine, misérable et mortelle, et, pire encore, la condition de nourriture, faite pour disparaître?»

Les Juifs ont raison: c’est bien ce qu’affirme Jésus, qui se dit Fils du Tout-Puissant, et prétend en plus que ce Tout-Puissant se ferait impuissant, en se livrant dans les mains humaines, comme du pain… rien que çà!
Franchement, on comprend que la synagogue se soit vidée…

Faut-il donc parler d’un échec de Jésus?
À vue humaine, oui, et de plus en plus, et toute la ville ira se moquer de lui au Golgotha, quand il sera crucifié.

Mais à vue divine: non?
Non, car un homme au moins n’est pas parti: il reste, il s’est décidé pour Jésus.
Décision réfléchie, appuyée sur un acte de foi: «à qui irions-nous? à qui d’autre que toi qui a seul les paroles de la vie? Et nous, nous croyons que tu es le Saint de Dieu».
Simon-Pierre dit cela comme les Hébreux à Sichem répondaient à Josué…

Alors, comme à Sichem, se noue une alliance, puisque l’homme répond à une promesse de Dieu. Pour cela, il fallait les paroles de Jésus, mais il fallait aussi un acte de Pierre: un acte de foi, une décision, un engagement.
En répondant comme il l’a fait, Simon-Pierre a donné un exemple valable pour tous les chrétiens de tous les temps. Mais il n’a pas répondu à leur place!

Car chaque baptisé doit répondre à son tour, et pour son compte: chacun doit décider.
Sinon pourquoi Dieu nous aurait-il créés libres??
D’ailleurs c’est dans ce but, pour répondre à notre tour, que nous sommes là ce matin.
Notre réponse, Dieu l’attend, et pas qu’une fois, mais à chaque messe!
Cette réponse, les chrétiens doivent la donner, à nouveau, à chaque eucharistie.
S’ils ne répondent pas? c’est évident: il n’y aura pas d’alliance! Et s’ils communient quand même? ce sera un simulacre? Au moins les Juifs qui refusaient de croire Jésus, ont été cohérents et décents: ils sont partis, ils n’ont pas triché.

Telle est la question que Jésus à chacun de ses disciples: ‘ veux-tu partir, toi aussi?

Quand nous aurons communié, à peine 5 minutes plus tard, nous sortirons de l’église.
Nous partirons d’ici, mais… avec quelle intention?
Suivre Jésus ou le quitter? Le suivre pour le donner, ou le quitter et l’abandonner?
Chacun de nous va choisir son intention à la consécration. Et nul ne pourra pas dire à Jésus qu’il n’a pas entendu sa question! Pour répondre, il suffira de redire en silence, dans notre cœur, les mots de Simon-Pierre: alors sa réponse sera la notre aussi.

Mes frères, comme elle est importante, cette question de Jésus! La plus importante de toutes; elle signifie: «oui ou non, veux-tu vivre une alliance personnelle avec Moi?»

Cette Alliance, c’est celle qui a été nouée au baptême, et confirmée à la confirmation.

C’est aussi celle du mariage, où Dieu a voulu s’impliquer d’une façon incroyablement intime, comme dans l’eucharistie!

Or l’eucharistie, justement, nourrit cette alliance, la régénère, comme le fait une bonne nourriture pour le corps sans même qu’on s’en rende compte.

Frères, puisque nous sommes venus ici afin de renouveler notre alliance, faisons le tout de suite et pour de bon: ce que nous avons choisi au baptême, ratifions-le maintenant!

Ratifions-le avec l’enthousiasme et l’ardeur du Peuple à Sichem: «Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur Jésus! Nous aussi, nous voulons te servir, et te suivre, et te célébrer, car c’est toi qui est notre Dieu, et notre Vie, et notre Joie».