Homélie du 24 mars 2016 - Jeudi saint

Toi, me laver les pieds?

par

fr. Olivier de Saint Martin

Jésus est là, face à ses disciples. Il sait qu’il va être trahi, livré, abandonné et mis à mort. Dans son cœur il n’y a pas de colère, de désir de vengeance mais seulement une immense miséricorde car il sait le combat qui se déroule dans le cœur des Apôtres. Alors Jésus va leur léguer – et à travers eux à nous – le plus grand des trésors : son corps et son sang. Mais pour que nous puissions en vivre réellement, il va d’abord poser un geste dont les disciples, à commencer par Pierre – ne vont pas saisir la signification : celui du lavement des pieds. Mais aujourd’hui, il nous demande de comprendre pour en vivre.

Jésus, le Fils de Dieu, retire le vêtement que les soldats lui ôteront et se partageront. Il se met à genoux alors que demain il sera élevé sur la croix. Comprends-tu pourquoi? A genoux, il prend la position de l’esclave pour te dire qu’il est au service de ta sainteté, qu’il veut te soutenir, qu’il veut t’aider. Crois-tu qu’il soit venu pour que tu aies la vie en abondance et vas-tu te laisser faire, même si tu ne saisis pas tout? Oui car il veut te revêtir du manteau de sa divinité et faire de toi un fils de Dieu, libre et debout. Ce soir, laisse-toi faire et, acceptes de quitter ton vêtement pour servir des autres. Sois un fils du Père.

Jésus, le Fils de Dieu, commence à laver les pieds de ses disciples. Selon la tradition, cela veut dire qu’ils sont des fils de la Maison, de la Maison du Père. C’est ainsi que Jésus les regarde et les aime. Ces pieds, pourtant, sont fatigués, blessés par les routes difficiles sur lesquelles ils ont marché. Pierre recule. Ce n’est pas à Jésus de laver les pieds des disciples. Ils peuvent le faire par eux-mêmes! L’homme est ainsi. Il refuse parfois de saisir la main tendue et tente de s’en sortir tout seul. Et toi, comprends-tu ce que Jésus a fait? Souviens-toi que Jésus s’était laissé faire quand Marie-Madeleine avait voulu lui laver les pieds. Toi aussi laisse-toi faire. Jésus te regarde comme son frère, sa sœur. Comme un enfant du Père. Il te dit qu’il veut être près de toi, prendre soin de toi, de ta fatigue, de tes blessures. Il te dit que tu n’es pas seul, même et surtout dans la nuit qui est peut-être la tienne. Il te supplie de lui ouvrir totalement ton cœur. Il vient auprès de toi, Il est là auprès de toi, à travers ceux qui sont proches de toi et qui voudraient alléger ton fardeau. Il te demande comme une faveur de te laisser aider, de te laisser faire. Et réciproquement, Il te demande alors de faire de même, de toujours être prêt à soutenir celui qui est fatigué, qui ploie sous le fardeau, qui est blessé, qui crie. Il te demande de donner ta vie, car c’est ainsi que tu la trouveras.

Jésus, le Fils de Dieu, comme Marie-Madeleine avec lui, lave les pieds de ses disciples. Elle, méprisée, réduite au nom de pécheresse, l’avait fait par ses larmes et ses cheveux. Elle implorait le pardon, la libération de son cœur. Elle avait une confiance infinie dans la miséricorde d’un Dieu qui se faisait proche au point d’envoyer son fils sur la terre. Elle se disait : «Ils sont beaux les pieds du Messager de Dieu, ils apportent la miséricorde.» Elle avait aussi, répandu un parfum de grande valeur, prophétisant la mise au tombeau de Jésus. Comprends-tu pourquoi Jésus reprend ce geste en l’enrichissant?

Contrairement à Marie-Madeleine, Jésus n’a rien à se faire pardonner. Ce soir, il lave des pieds fatigués, blessés mais qui en plus sont sales et sentent fort la transpiration. Pierre, comme les autres, en a honte et il recule. L’homme, trop souvent, voudrait ne présenter à Dieu que ce qui est bien, fort et beau. Ce soir Jésus vient mendier ce que tu as honte de lui donner, ce que tu voudrais cacher à tous, ce qui fait que tu peux te mépriser. Il te demande ton péché, ce qui ne sent pas bon dans ta vie. Il veut s’en charger et le porter demain à la croix pour t’apporter la guérison. Il avait relevé et sauvé Marie-Madeleine. Mais justement en prenant sur lui son péché. Aujourd’hui il continue, il prend la place de Marie-Madeleine et se charge de ton péché. Il se met à nu pour te recouvrir, dans un échange admirable de son amour et de son pardon. Ne crains pas celui qui n’est pas venu pour juger mais pour sauver le monde. Il veut te pardonner. Jésus te fait miséricorde pour que tu deviennes à ton tour un être de miséricorde, prêt à pardonner sans mesure. Quelqu’un qui ne juge et ne condamne pas mais qui, au contraire, relève toujours.

Voilà ce que nous devons comprendre et vivre dans ce geste. Il dévoile ce que tu reçois dans son Corps et son Sang, cette nourriture qui t’est offerte. Le Christ vient vivre en toi pour que tu sois enfant du Père. Il vient vivre en toi pour te soutenir dans ta marche, que tu le reconnaisses dans les autres et que tu sois prêt à devenir le prochain de celui qui appelle et crie vers toi. Il vient vivre en toi pour que tu croies toujours en la rédemption la tienne et celle des autres surtout celui que tu as du mal à aimer. Il vient vivre en toi pour que tu poses sur chacun et sur toi-même son regard. Il vient vivre en toi pour que tu comprennes le sens du lavement des pieds et que, comme il l’a fait, toi aussi tu le fasses. Que, comme lui, tu te laisses laver les pieds et que comme lui, tu laves ceux de ton prochain. Et je me prends à rêver. Et si ce soir ou demain ou samedi, vous vous laviez les pieds entre vous, dans votre famille, ou encore tout simplement entre paroissiens?