Homélie du 8 mai 1997 - Ascension

Toujours le même!

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Dans la lumière de la Résurrection, nous avons découvert un Christ que nous ne connaissions pas: en Jésus de Nazareth, nous avons reconnu le Seigneur et le Dieu que confesse l’apôtre Thomas. Dans le mystère de l’Ascension, nous comprenons aujourd’hui que c’est le même: celui qui monte à la droite du Père est celui qui est d’abord descendu. Et pour reconnaître que celui qui était descendu est Dieu parmi nous, il fallait qu’il soit élevé au-dessus de tout.

L’Ascension vient comme sceller la vie de Jésus, manifester l’unité (la cohérence) de sa vie, poser le sceau qui authentifie sa royauté universelle.

La vie de Jésus? Quelques pages qui occupent aujourd’hui bien des savants et des journalistes qui essaient de répondre à ses énigmes. Nous sommes dans l’ère des justifications: il faut sans cesse justifier ce que l’on croit, ce que l’on pense, ce que l’on aime… dans l’ère de la compétition des cultures, des traditions spirituelles, et des fois, il nous faut être compétents en ces domaines. Mais, pour en rester, dans le cadre de notre méditation, à la foi, nous dirons croire que Jésus-Christ a été  » conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père « . Voilà un symbole, un résumé de notre foi, ô combien marqué, dans sa structure même, par l’idée d’une ascension, mais qui porte aussi la trace d’un passage à travers les épreuves de l’incarnation et de la passion pour une humanité loin de Dieu. C’est d’abord à cette trace que Jésus porte toujours dans sa chair que l’Ascension nous renvoie: la réalité de l’incarnation du Verbe de Dieu dans notre chair.

 » Que veut dire il est monté? demande saint Paul, sinon qu’il est descendu jusqu’en bas de la terre  » (Ep 4,1-13), la terre sur laquelle il a été vu et d’où il ne s’est pas vraiment absenté.

Il est venu dans  » nos régions « , et c’est peu de dire qu’il a aimé notre terre: les bords du lac et le désert, la Samarie et la Galilée, les villes et les hommes surtout, il les a aimés jusque dans leur faiblesse, il a partagé leurs souffrances, il a été sensible aux mêmes joies et aux mêmes terreurs. Il est venu dans la pauvreté afin que la bonne nouvelle soit annoncée aux pauvres; il a pris sur lui nos péchés afin que les captifs du péché entrent avec lui dans le royaume des cieux.

Quand il fut descendu jusqu’à nous, il est allé plus bas encore, dans les régions inférieures de la terre, jusqu’aux enfers, afin que la bonne nouvelle soit annoncée aussi aux morts. Il n’a pas voulu que la mort domine sur nous, que nous soyons sans secours et surtout sans espérance. Maintenant, chante la liturgie byzantine, tout est plein de lumière, le ciel, la terre et les enfers… Ayant tout rempli et tout accompli, le Christ Jésus remonte d’où il était venu; il est aujourd’hui ce Roi de gloire, Pantocrator des basiliques d’Orient et d’Occident, devant qui s’émerveillent les anges.

 » Celui qui était descendu est le même qui est monté au plus haut des cieux pour combler l’univers  » (Ep 4, 1-13). Désormais, le Christ de la descente aux enfers et le Christ de l’Ascension, parce que c’est le même,  » remplit toute chose « . Cette exaltation, cette élévation du Christ est aussi la condition nécessaire pour qu’il soit partout présent. Car s’il règne dans la gloire c’est qu’il est partout présent comme un roi est toujours, de quelque manière, partout présent en son royaume:  » lui ne s’est pas éloigné du ciel, lorsqu’il en est descendu pour venir vers nous et il ne s’est pas éloigné de nous lorsqu’il est monté pour revenir au ciel «  (saint Augustin). Ainsi par exemple,  » lorsque Jésus s’arrache du groupe des disciples, monte, se dissout dans la lumière, il ne s’agit pas d’un départ définitif. Déjà il est embusqué au tournant du chemin qui va de Jérusalem à Damas et il épie Saül, son persécuteur bien-aimé. Désormais dans le destin de tout homme, il y aura ce Dieu à l’affût  » (F. Mauriac, Vie de Jésus).

Il est le même, dans la gloire et à l’affût dans nos vies, et cette bonne nouvelle doit être maintenant annoncée.

En effet, à cette exaltation de celui que Dieu a fait Seigneur doit correspondre ici-bas la prédication universelle de l’Évangile. La mission que Jésus confie à ses Apôtres est en quelque sorte l’écho du retentissement mystérieux de l’œuvre du Seigneur sur tout le cosmos afin que  » tout l’univers soit comblé  » de la présence du Christ.

 » Allez dans le monde entier « , dit Jésus aux Apôtres avant de les quitter. Et, ayant vu Jésus vivant et transfiguré, les Apôtres partent annoncer cet événement central de l’histoire humaine et sa signification pour le monde,  » afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse sur la terre, au ciel et dans les enfers et que toute langue proclame: Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père  » (Philippiens 2).

Ainsi  » le Seigneur a refleuri lorsqu’il est ressuscité du tombeau, mais il fructifie lorsqu’il monte au ciel  » (S. Maxime de Turin). Les fruits qu’il porte, c’est nous tous ici rassemblés.

Mais il faut qu’il en porte encore davantage. L’Église s’est étendue à travers le monde, mais elle est bien loin de l’avoir évangélisé en profondeur; prenez donc votre part à la mission des Apôtres:  » Le Seigneur travaillait avec eux, dit très prosaïquement l’Évangile, et confirmait la Parole par les signes qu’il accomplissait « . Ne craignez pas: le mystère de l’Ascension vous rappellera toujours la présence active du Christ auprès de vous, et le besoin qu’il a de vous maintenant pour que son règne vienne.