Homélie du 3 mai 2020 - 4e Dimanche de Pâques

Toute vocation est une réponse d’amour à un appel

par

fr. Pierre Zgirski

« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? »… Redoutable, cette question de Jésus adressée à celui qui l’avait publiquement renié ! Mais cette question, elle n’est pas pour lui seul. L’Envoyé du Père l’adresse à tout homme, car c’est par amour que le Dieu grand et redoutable a fait l’homme à son image et à sa ressemblance.
Toute relation d’amitié suppose la réciprocité, sinon elle n’est pas, tout simplement ! D’où la nécessité de poser cette question « m’aimes-tu ? » à celui avec qui l’on désire vivre une relation d’amitié.

Voilà donc l’unique motif de la Révélation : nous inviter à vivre une relation d’amour filial avec Dieu. De là notre vocation universelle à la sainteté pour pouvoir entrer dans l’intimité du Dieu trois fois saint. Ainsi, chacun de nous doit affronter une double question : « Ce Dieu trois fois saint, voulons-nous l’aimer ? Et si oui, l’aimons-nous vraiment ? »
Depuis la chute d’Adam, la sainteté fait peur comme l’inconnu ; Dieu vient donc à nous comme le bon berger auprès de ses brebis ; comme Jésus vient auprès de ses disciples sur le rivage du lac de Tibériade.

« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? »… Par trois fois, Jésus posera cette question à Simon-Pierre. Non pas pour condamner le renégat, ni pour l’avilir mais tout au contraire pour le rétablir dans sa relation d’amitié avec Lui. Après chaque acquiescement de Simon-Pierre, la même invitation pressante de Jésus : « Pais mes brebis. »
Degré par degré, Jésus s’ajuste à la mesure de l’amour dont Simon-Pierre est capable pour répondre à l’invitation du Maître de paître les brebis du Seigneur par amour de Dieu. Un amour vrai, concret et non pas idéalisé ou rêvé, un amour jaillissant du cœur d’un pécheur pardonné.
Voilà jusqu’où va le bon berger pour prendre soin de ceux que le Père lui a donnés : il leur donne part à sa propre mission. Quelle confiance !

Pour accepter sereinement une telle mission, il faut connaître le cœur de Dieu, autrement dit : il faut avoir été touché par la miséricorde de Dieu. Pour Simon-Pierre, il aura suffi d’un regard du Christ dans la nuit de son triple reniement.
Personne, pas même l’apôtre Pierre, ne saurait pourtant décrire le regard que le Christ pose sur la misère de l’homme pécheur. Mais les larmes de son repentir y suppléent largement.
Nudité de l’homme face à son péché : vérité qui l’ouvre à l’amour de Dieu venu le racheter. Qui comprendra le cœur de Dieu ?… Celui qui aura goûté à sa Miséricorde.

Alors rien d’étonnant à ce que l’apôtre Pierre, miséricordié et rempli du Saint-Esprit, ose déclarer à la foule rassemblée devant lui : « Ce Jésus que vous aviez crucifié, Dieu l’a ressuscité et l’a fait Seigneur. » Parole de condamnation ? Non ! Mais Parole de vérité, Parole qui blesse le cœur des auditeurs : « Que devons-nous faire ? » Aveu et repentir concentrés dans une unique attente.
« Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. »
« Convertissez-vous », voilà le mot d’ordre de l’Église depuis sa fondation. Cet appel est une béatitude à saisir : « Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute ! » Telle est la béatitude proclamée par le roi David au Psaume 32, elle est offerte à tout homme.

Notre guérison du péché nous la tenons des blessures endurées par le gardien de nos âmes lors de sa Passion. Désormais dans la gloire, exalté à la droite du Père, le gardien de nos âmes nous appelle à le suivre sur le chemin qu’il a ouvert par sa Croix. Lui, le Ressuscité, attend notre réponse : une réponse d’amour, cela va de soi. Hélas, bien souvent, c’est la peur qui domine : « Adam où es-tu ? »… « J’ai eu peur alors je me suis caché. »
Voilà le drame de notre humanité, elle se cache quand Dieu la cherche pour lui offrir la vie en abondance par la voix de ses pasteurs. Elle se cache parce qu’elle ne comprend pas le cœur de Dieu, elle ne le connaît pas.
Combien de chrétiens se cachent-ils encore de Dieu ? Comment pourraient-ils chanter à pleins poumons : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien » quand, jour après jour, le bien-être est le veau d’or auquel notre société de consommation nous invite à sacrifier tout autre aspiration.

« Moi je suis venu pour que les brebis aient la vie en abondance. » Alors pourquoi craindre un tel berger ? Comment sortir de cette impasse ?
Un seul chemin à emprunter, toujours le même, celui proclamé par les Apôtres et désormais repris inlassablement par les pasteurs que Dieu suscite dans et par son Église : « Convertissez-vous. »
Oui, il faut se convertir, c’est-à-dire transformer radicalement sa vie pour retrouver notre dimension humaine la plus noble, notre véritable stature, celle d’enfant de Dieu. Et cela, c’est l’œuvre du Saint-Esprit en chacun de nous moyennant notre coopération, c’est-à-dire notre bon vouloir, notre bonne volonté.
Brebis égarées, brebis perdues, brebis craintives, le bon Pasteur est venu pour les sauver toutes. Et c’est par sa Croix victorieuse qu’il nous fait entrer en son enclos, son Église. On y trouve une nourriture excellente : sa Parole, sa chair, l’Esprit-Saint répandu à profusion par et dans ses sacrements.

Depuis son ascension, pour dispenser cette excellente nourriture, le Christ appelle des pasteurs et leur confie les brebis de son bercail. Confier ne veut pas dire abandonner mais manifester sa confiance envers ceux qu’il appelle ; confier, c’est procurer la joie de coopérer à la croissance de son Royaume.
Ainsi, le véritable berger, le bon pasteur, le bon prêtre, c’est celui qui aime les hommes qui lui ont été confiés comme les aime le Christ, l’unique Pasteur, au service duquel il se trouve par amour de Dieu.
Revêtus de la force d’en haut, les prêtres sont appelés à veiller sur le troupeau du Seigneur, à prendre soin de chaque brebis, à faire connaître et aimer Jésus-Christ, l’unique bon berger, en se souvenant qu’ils ne sont pas les propriétaires du troupeau, en le suppliant instamment d’être de bons intendants des mystères de Dieu, dociles à l’Esprit-Saint qui les anime.

Bon ne veut pas dire mièvre, toujours doux, accommodant, conciliant. À ses brebis bien-aimées, Dieu veut manifester sa bonté au travers de ceux qui lui sont consacrés, alors il les envoie auprès d’elles pour leur faire recouvrer la vraie liberté, une liberté exigeante car elle est en vue de la vie éternelle. Ils sont donc envoyés pour bénir, pour guérir, pour pardonner, pour apaiser, pour guider, pour reprendre, pour corriger, pour donner, pour nourrir, pour servir.

Tâche exaltante et redoutable à la fois… Alors frères et sœurs, brebis du Seigneur qui nous écoutez, redoublez de prière pour vos prêtres. Et soyez vigilants, soyez exigeant ; les brebis de la parabole ne suivent pas n’importe qui, n’écoutent pas n’importe quelle doctrine, ne broutent pas n’importe quelle nourriture. Dociles aux motions du Saint-Esprit qui les habite, elles ne se fient pas à celui qui parle et agit en mercenaire : faites de même !
Dociles à la parole du Seigneur, soucieuses d’être bien guidées, elles prient régulièrement pour les vocations pour ne pas risquer d’errer faute de bergers pour les conduire.
Dans la diversité des membres du corps du Christ, nous sommes l’unique Église du Christ. Chacun a une place à tenir, un rôle à jouer, une mission à accomplir sous la conduite de l’Esprit Saint. Cet Esprit qui est le lien vivant entre Dieu et nous, entre Jésus et nous, entre les âmes et Jésus.

Alors « frères et sœurs que devons-nous faire ? » Nous convertir ! C’est-à-dire demander sans cesse d’être renouvelés par l’Esprit Saint car tout ce qui nous fait entrer dans l’intimité de la vie divine c’est à lui que nous le devons.

Et puis enfin, en ce temps où nous cheminons vers Pentecôte tout en demeurant chez nous, je vous invite à un tête-à-tête, un tête-à-tête avec le Saint-Esprit cela va de soi, pour faire le point sur votre relation d’amitié avec Dieu. Et profitez-en aussi pour discuter vocation, sait-on jamais !