Homélie du 21 août 2011 - 21e DO

« Tu es le Christ le Fils du Dieu vivant »

par

fr. Loïc-Marie Le Bot

Que faisons-nous pour appréhender une chose, un événement ou une personne nouvelles? Comment décrire cette personne, cet événement, cette chose? Nous nous servons de ce que nous connaissons déjà. Nous décrivons à partir de notre histoire et de notre expérience. Un événement nouveau sera volontiers mis en relation avec un événement jugé similaire dans le passé: la canicule de cette année est comme celle de 2003, ou la crise financière de cette année rappelle celle de 1929. Une personne nouvelle nous est présentée, pour la décrire nous dirons volontiers pour être sûr d’être compris «elle ressemble à un tel», nous découvrons un nouveau né, nous entendons souvent: «c’est le portrait de son père». Cependant, cette première approche est incomplète et partiellement fausse.

C’est ce qui se produit pour Jésus. En demandant, à ces disciples ce que pensent les foules, c’est une réponse de ce genre qui est faite. Les foules, les personnes qui suivent Jésus de loin en loin perçoivent quelque chose de Jésus, de sa personne et de sa mission. Elles le décrivent à partir de leur expérience et de l’histoire du salut: Jésus, c’est Jean-Baptiste, c’est Élie, c’est Jérémie ou même un autre prophète. Les foules perçoivent bien quelque chose de Jésus, il peut ressembler à l’un des prophètes. Pourtant, toutes ces figures sont des figures du passé, elles ont accompli leur mission, elles sont mortes. Ces prophètes sont des personnages appartenant à un passé révolu. Les foules accèdent à quelque chose de Jésus qui est vraiment un prophète, mais elles se trompent sur l’essentiel. Jésus peut leur sembler être apparenté car il pose des signes qui l’inscrivent dans cette lignée des prophètes. Mais, il ne peut être réduit à cette figure.

La réponse de Simon est alors, à plus d’un titre, surprenante. Prenant la parole au nom des apôtres, Simon dépasse la réponse donnée par les foules. Il ne prend pas appui sur les figures du passé. Il a saisi la nouveauté de Jésus. Il le fréquente, le connaît et l’a suivi. Il est ouvert à la grâce qui émane de lui. Ainsi, il affirme «tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Simon le décrit essentiellement, sans user d’image. Il dit qui est Jésus. Avant même, que Jésus l’affirme de lui-même. Il préfère que ses apôtres disent et reconnaissent d’eux-mêmes cette identité de Jésus. Ils le suivent de près, l’écoutent, voient les miracles qu’il opèrent, comme il prie. Il n’est pas une homme du passé, ni même le continuateur du Baptiste qui vient d’être supplicié. Tu es le fils du Dieu vivant, du Dieu de la vie. Tu es le vivant.

Cette réponse de Simon est un événement central dans sa vie, au point qu’à partir de ce jour, il change de nom, lui aussi entre dans une nouvelle ère. Et Jésus donne pour la première fois à un apôtre, et peut-être même, à un homme de s’appeler «Pierre». Il en fait un homme nouveau. Il lui donne aussi une mission bien spéciale, qu’il reçoit à titre personnel et à partager avec les autres apôtres. «Tu es pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église».

Acte II, nous sommes, ce matin, nous aussi, par la grâce de la liturgie, rejoints par l’Évangile. Jésus vient à nous ce matin et il ne se contente pas d’être là au milieu de nous, il nous parle, mieux il nous interroge. Avez-vous entendu sa question? «Au dire des foules, qui suis-je?» Qui est Jésus pour nos contemporains? Ce que nous entendons, dans les moyens habituels de communications, en général au moment de Pâques ou de Noël, sur Jésus est variable. On s’accorde à reconnaître sa dimension historique si particulière, son rôle unique dans l’histoire de la pensée, et parfois même on admet que sa courte vie dans une contrée peu connue a changé le cours de l’histoire. On reprend qu’il fut «un doux rêveur galiléen», un «sage», un «révolté», parfois même un habile mystificateur. Là encore, on parle de lui comme quelqu’un du passé, un mort, un personnage qui a eu son temps et son rôle mais qui sera lui aussi englouti dans le passé. Là encore, le regard ne porte que sur une première approche qui reste au seuil de la vérité et donc qui est au mieux partiellement vraie.

«Mais pour vous, qui suis-je?» Jésus le demande à nouveau à l’assemblée de ses disciples, en quelque sorte il interroge son Église et chacun de ses membres. Voilà que chaque jour, il nous interroge par son Évangile. Nous n’avons pas à inventer comment dire notre foi. Il nous suffit avec toute l’Église, avec les successeurs des apôtres et avec le successeur de Pierre de dire à nouveau «Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant». Il est le Fils du Vivant, il est le vivant lui-même. Rien de moins mort, rien de moins oublié dans le passé. Nous savons qu’il est le vivant, le ressuscité que la mort n’a pas pu retenir.

Évidemment, nous ne sommes pas dans la situation si particulière, de Pierre et des apôtres qui ont bénéficié de la proximité de Jésus. Cependant, nous bénéficions de la longue et riche tradition de l’Église: les conciles qui ont exposé notre foi, l’œuvre des pasteurs, des pères de l’Église, des théologiens, l’expérience des mystiques, la prédication des missionnaires. Nous avons autour de nous, nos familles, nos amis, nos frères qui nous aident à disposer notre cœur à la foi. Il faudra aussi et encore ce don divin de la foi pour nous permettre de dire et d’adhérer à la foi en Jésus, Christ et Fils de Dieu. Notre profession de foi va nous changer en profondeur et nous transformer en pierre vivante de l’Église.

Pour nous, qui sommes là aujourd’hui, en renouvelant notre réponse de foi, nous sommes encore renouvelés. Nous sommes les pierres vivantes de l’Église. A notre réponse sur l’identité du Christ, nous sommes renforcés dans l’union à l’Église, à nos frères et à notre Seigneur.