Homélie du 11 avril 1998 - Vigile Pascale

Une pierre à rouler

par

fr. Alain Quilici

        Mais d’où vient donc ce bonheur profond qui nous saisit chaque année, et cette année encore, en cette nuit de Pâques, du moins si je puis me permettre de vous prêter les sentiments qui sont les miens?
Est-ce de voir se terminer un carême austère, ou au contraire trop négligent?
Est-ce la joie de ces baptêmes et de ces confirmations au terme d’un long cheminement?
Est-ce la beauté de la liturgie qui est comme un morceau de ciel sur la terre?
Sans doute y a-t-il un peu de tout çà. Mais par-dessus tout ce que nous ressentons, avec les saintes femmes, c’est un immense soulagement.

        Elles, en cheminant, tôt le matin, elles se demandaient qui roulerait la pierre du tombeau. Quant à nous, nous sommes arrivés à cette liturgie en nous interrogeant sur notre avenir: nous avons tant de vrais raisons de nous décourager, parfois même de désespérer avec tout ce qui nous arrive et dont nous ne savons comment sortir: nos déceptions, nos échecs, nos deuils, l’incertitude sur notre avenir, tout ce qui pèse sur nous, comme la pierre du tombeau.

        Mais en arrivant au tombeau, les femmes ont trouvé la pierre roulée. Elles en éprouvèrent un profond soulagement. Mieux, derrière cette pierre impossible à rouler, ce que les saintes femmes ont trouvé, ce n’est pas la mort, ni le mort, comme elles s’y attendaient. Devant elles s’ouvrait une perspective nouvelle, totalement inattendue: du tombeau désormais habité par les anges irradiants de lumière jaillissait une question qui les prenait à rebours:

 » Pourquoi donc cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant?  »

Et en effet, pourquoi chercherions-nous chez les morts une réponse a nos questions de vivants? Pourquoi la mort nous apparaîtrait-elle plus sûre, plus forte que la vie?

        Cette question, jaillie du tombeau de lumière, nous retourne. C’est elle qui nous fait percevoir qu’il s’est passé quelque chose de vraiment nouveau. La pierre a été roulée. Une porte est ouverte. Le tombeau n’est plus une impasse. C’est un chemin. Quelqu’un est passé. La voie est ouverte. La Pierre qui pesait sur notre cœur a été levée.

Nous étions écrasé et nous voilà libérés. C’est auprès du Vivant et non auprès des morts qu’à faut chercher la réponse a nos questions. Immense soulagement qui descend profond dans nos cœurs.

Avec Simon-Pierre nous avons couru au tombeau pour voir si ce que disaient les femmes n’était pas pur radotage, nous avons couru à l’Église, cette sainte femme, pour voir si elle disait vrai. Nous sommes venus, nous avons entendu, nous avons vécu et nous avons cru.

Une pierre trop lourde pour nos forces humaines et qui nous écrasait a été levée comme une plume.

Le malheur subsiste, mais il ne pèse plus sur nous.

La mort continue à frapper, mais elle conduit à la vie.

Le désespoir n’a plus le dernier mot, il est frappé à mort.

Le monde, sans doute, n’en croira ni ses yeux, ni sa raison, mais nous, nous en sommes témoins: du tombeau de mort a jailli la lumière de vie!

Quel bonheur, quel soulagement, quelle joie!

Bonne fête de Pâques.