C’est le nom savant de la maladie dont souffrent les habitants de Nazareth. Et même, pour être précis, un sclérocardie chronique à poussée aiguë !
« Sclérocardie ». Ce mot ne provient pas d’une encyclopédie médicale, mais… de la version grecque de la Bible ! Certains s’en souviennent peut-être, notre frère Serge-Thomas Bonino l’avait commenté ici même, il y a un peu plus d’un an. C’est le nom d’une maladie qui atteint ce qu’il y a de plus profond en l’homme : son cœur (cardia). « Le cœur de l’homme est compliqué et malade », avertit le prophète Jérémie (17, 9). Et la forme la plus commune de cette maladie cardiaque, c’est la sclérose du cœur : un « durcissement » du cœur (cf. Mt 19, 8).
« Chronique », parce que cette maladie revient souvent ; une fois qu’on l’a attrapée, il est difficile de s’en débarrasser. Le peuple de l’Alliance a contracté la sclérose du cœur lors de la sortie d’Égypte (Dt 10, 16). À l’époque du prophète Ézéchiel, vous l’avez entendu dans la première lecture, la poussée était encore très forte ; et Dieu est souvent intervenu pour soigner « le visage dur, le cœur obstiné » des Israélites (Ez 2, 4). Mais, manifestement, la cure est toujours à reprendre.
À Nazareth, de fait, c’est à une poussée de sclérocardie « aiguë » que Jésus a eu affaire. Pour provoquer une réaction d’une telle violence chez les Nazaréens – dans la version de Luc, Jésus manque de se retrouver précipité au fond d’un ravin ! – , il faut que la dureté du cœur soit particulièrement avancée. Au lieu de s’émerveiller et de recevoir avec reconnaissance la visitation du Seigneur, au lieu d’accueillir les manifestations de la bonté du Père que Jésus déploie dans son enseignement et ses miracles, les sclérocardiaques de Nazareth rejettent l’action salvifique de Dieu. Le fait que Dieu vienne les sauver les met même en état de choc : « ils étaient profondément choqués à son sujet » (Mc 6, 3). C’est l’un des symptômes habituels de la sclérocardie aiguë.
Il ne faut pas noircir le tableau, mais dans sa forme la plus dure, la sclérocardie est définitive. Elle fige le cœur pour toujours dans l’imperméabilité à l’amour de Dieu. La Tradition appelle cela « l’Enfer ». C’est un mystère sombre, mais l’enseignement de Jésus et l’expérience des saints à ce sujet sont formels. Cela devrait nous faire réfléchir…
Heureusement, l’Écriture nous dit que sur la terre, cette maladie n’est pas irréversible. Un cœur de pierre, ventilé et massé par l’Esprit Saint, peut s’attendrir et devenir un « cœur de chair » (Ez 36, 26).
Autre traitement possible, mais plus violent : il arrive que Dieu fende un cœur de pierre en particulier contre la Croix de son Fils. Le roi David, en son temps, en avait fait l’expérience, comme le rapporte le psaume 50 : « D’un cœur brisé et broyé, tu n’as pas de mépris ». Devant tant d’amour et tant de miséricorde, le cœur endurci dans le péché vole en éclats ; et, avec les morceaux, le divin toubib recompose, comme dans une mosaïque, un beau visage d’enfant de Dieu.
Quand Dieu recrée ainsi le cœur de l’homme, l’opération peut être douloureuse, mais elle donne des résultats stupéfiants. C’est ce qu’on voit notamment dans la clinique du Bon Dieu, qu’on appelle aussi le confessionnal.
Il existe aussi des traitements préventifs. Saint Paul, formé à la cardiologie par le Christ ressuscité – devant Jésus, son cœur de pierre s’est liquéfié sur la route de Damas ! – , nous en donne un bel exemple dans la deuxième lecture : cultiver l’humilité. Dieu n’enlève pas les épreuves ; il permet que nous soyons tentés, et même malmenés, parfois, par « un envoyé de Satan ». Mais, aussi curieux que cela puisse paraître, cette activité de l’esprit du Mal peut jouer en notre faveur et se retourner contre lui ! Ce que Satan cherche à faire, c’est à endurcir notre cœur dans l’orgueil, comme lui. Mais si nos chutes nous conduisent à davantage d’humilité, elles ne sont pas inutiles dans notre rééducation à la vie du Ciel, fût-on un grand mystique comme Paul.
Profitons de l’été et des vacances pour mettre nos cœurs en convalescence. Prenons plus de temps avec Jésus, chaque jour, et essayons de lui confier humblement nos limites, nos fragilités, nos chutes, afin qu’il nous pacifie.