Homélie du 21 mai 2023 - 7e Dimanche de Pâques

Pépinot et Jésus

par

fr. Gabriel Meunier

Je ne sais pas si vous avez vu le film Les Choristes. Ce film raconte l’histoire d’un surveillant qui monte une chorale. Mais si vous vous souvenez encore mieux du film, il y a un personnage attachant : le jeune Pépinot. Celui-ci attend devant la grille de l’école que son père vienne le chercher, mais celui-ci ne vient jamais.

Nous sommes un petit peu comme Pépinot devant la grille ; le Christ est monté au ciel, et nous attendons qu’il revienne nous chercher. « Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi » (Jn 17, 11). Nous aussi, nous sommes comme des orphelins. Nous aimerions franchir la grille pour rejoindre le Christ.

Les apôtres ont connu deux fois le départ du Christ. D’abord, il est mort, puis il revient en ressuscitant. Ensuite, il s’en va vers le Père, et c’est l’Ascension. Mais les apôtres vont se réunir tout de suite après. « Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière. » La première action qui suit l’Ascension, c’est la prière commune. Car le Christ a préparé son départ. « Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20), ou encore « J’ai manifesté ton nom aux hommes […] et ils ont gardé ta parole », mais aussi « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Oui, ils ont gardé sa parole, et l’ont mise en pratique.

Par sa naïveté, le jeune Pépinot m’émerveille et m’énerve tout à la fois. Il semble ne pas comprendre que son père l’a abandonné. Il croit qu’il reviendra. Si j’amène cette situation à notre temps, c’est un peu l’image que l’on peut donner. Les chrétiens attendent le retour du Christ qui ne vient pas. Sans la foi, les gens n’arrivent pas à comprendre notre attente. Alors que nous, chrétiens, nous sommes dans l’attitude de Pépinot. Nous attendons, nous attendons encore. Et notre attente se fonde dans notre foi à ces paroles que nous entendons chaque dimanche.

Si nous prenons un peu de hauteur, nous pouvons aussi voir dans ce discours du Christ la récapitulation et l’accomplissement de sa mission. Nous entrons là dans l’intimité du Père et du Fils.
« Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. […] J’ai manifesté ton nom, […] ils ont gardé ta parole. […] Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, […] ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, […] et ils ont cru que tu m’as envoyé. […] Moi, je prie pour eux. »
L’œuvre est accomplie, il est temps pour le Fils de retourner vers le Père et c’est ce qu’il a fait.

Le Seigneur a laissé une multitude de moyens pour justement ne pas être un petit Pépinot devant la grille, pour ne pas se sentir abandonné. Il a révélé sa Parole, il a institué des sacrements, il a envoyé l’Esprit. Cette attente, c’est l’Espérance. Nous espérons d’une part la vie éternelle, mais nous espérons aussi avoir les moyens qui vont nous aider à l’atteindre. Saint Paul le dit bien : « L’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. »
C’est l’amour qui fait attendre Pépinot chaque dimanche. C’est l’amour de Dieu qui vous amène dans cette église chaque dimanche. Or cet amour, c’est l’Esprit qui le met dans chacun de nos cœurs.

Si vous avez vraiment bien suivi le film, vous savez que quelqu’un va consoler Pépinot, et va même le conduire où il ne pensait pas aller. La Pentecôte approche à grands pas, et bien que nous attendons le Fils, c’est l’Esprit qui nous est donné pour avancer. Saint Paul dit dans la lettre aux Galates : « Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint » (Ga 5, 16). Oui, nous avons les yeux rivés sur la Pentecôte, nous regardons la fête de cette descente de l’Esprit. Mais n’attendons pas dimanche prochain pour vivre de l’Esprit, sans quoi nous risquerions de ne pas profiter de ses fruits : « Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23).

Alors oui, peut-être que nous souffrons comme chrétien, un peu comme Pépinot qui pleure son père, un peu comme les autres écoliers qui se moquent de cet enfant, mais voilà, le Christ nous promet d’être avec nous. Ayons confiance, espérons dans l’amour du Christ. Et si jamais, nous avons peur, si jamais, nous nous sentons seuls, alors ayons le réflexe apostolique, celui de la prière commune. Le Christ alors sera au milieu de nous, il apaisera nos cœurs. « Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera. »