Le diaire des Jacobins

Sonnerie pour espérer : 18 avril

Le diaire des Jacobins du 18 avril 2020

Le fortifiant spirituel pour temps d’épidémie

Dosage quotidien

 

L’espérance, attente de la manifestation

 

Adiutorium nostrum in nomine Domini, qui fecit caelum et terram

Le virus va jouer avec nos nerfs. Certes, il le fait déjà en se cachant, en ne montrant pas immédiatement sa nocivité, en choisissant certains comme ses victimes et pas les autres, en commençant de manière bénigne pour se déchaîner subitement ou, au contraire, en disparaissant sans trace.

Mais ce virus va jouer sur nos nerfs en faisant durer l’épidémie, en étalant ses résurgences et ses attaques. On garde le moral lorsque la guérilla est de courte durée, pas quand elle s’étend. Nous allons donc devoir nous habituer, modifier durablement nos comportements, développer la patience pour ne pas nous effondrer à force d’usure. Ce sera plus facile pour ceux qui ont déjà rencontré beaucoup d’épreuves de longue durée et qui auront déjà développé cette vertu de patience. Mais ce sera surtout plus facile pour ceux à qui Dieu donne la vertu d’espérance. Car l’espérance nous apprend déjà à vivre dans l’attente des biens éternels.

Textes commentés

Écriture sainte

Rm 8, 18-27

Je considère les souffrances du siècle présent indignes d’être comparées à la gloire destinée à se dévoiler à nous. La création en attente espère la révélation des fils de Dieu. La création a été soumise à la vanité, non pas volontairement mais par celui qui l’a soumise, mais c’est avec l’espérance que la création elle-même sera libérée de la servitude de la corruption pour recevoir la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous savons que toute la création gémit et souffre les douleurs de l’enfantement jusqu’à maintenant. Non pas elle seule. Nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous aussi gémissons, espérant l’adoption filiale et la rédemption de notre corps. C’est en cette espérance que nous avons été sauvés. L’espérance vue n’est plus l’espérance. Celui qui voit, qu’espère-t-il ? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons dans la constance. De même l’Esprit se joint à notre faiblesse. Nous ne savons pas quoi demander, mais l’Esprit intercède en nous avec des gémissements ineffables. Celui qui scrute les cœurs sait les pensées de l’esprit, qu’il intercède selon Dieu pour les saints.

 

Vatican II

Lumen Gentium

§ 9 : La destinée [du peuple de Dieu] c’est le royaume de Dieu, inauguré sur la terre par Dieu même, qui doit se dilater encore plus loin jusqu’à ce que, à la fin des siècles, il reçoive enfin de Dieu son achèvement, lorsque le Christ notre vie sera apparu (Col 3, 4) et que « la création elle-même sera affranchie de l’esclavage de la corruption pour connaître la glorieuse liberté des enfants de Dieu » (Rm 8, 21).

§ 48 : L’Église à laquelle nous sommes tous appelés dans le Christ et dans laquelle nous acquérons la sainteté par la grâce de Dieu n’aura sa consommation que dans la gloire céleste, lorsque viendra le temps où toutes choses seront renouvelées (Ac 3, 21) et que, avec tout le genre humain, tout l’univers lui-même, intimement uni avec l’homme et atteignant par lui sa destinée trouvera dans le Christ sa définitive perfection.

Théodoret de Cyr

Sur Rm 8, 20

Paul appelle la corruption une « vanité ». Peu après, il enseigne que cette création sera libérée de la servitude de la corruption. Il enseigne que toute la création visible a reçu en partage une nature mortelle, puisque le Créateur de tout avait prévu la transgression d’Adam, et la sentence de mort prononcée contre lui. En effet, il n’était ni convenable ni juste que ces choses qui étaient pour lui participassent à l’incorruptibilité, alors que lui-même, à cause de qui elles avaient été faites, était mortel et passible. Lorsqu’il a reçu l’immortalité par la résurrection, ces choses là aussi participent à l’incorruptibilité. C’est pourquoi il dit que la création visible attend ce changement. 

Saint Augustin

Sermon 105 (trad. éd. Raulx)

Lc 11 (BJ)

v. 10 : Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on ouvrira.

v. 11 : Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson, et qui à la place du poisson lui remettra un serpent ?

v. 12 : Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion.

 

4. … Si généreux qu’il soit, Dieu n’a rien à te donner de meilleur que lui…

5. Mais afin de pouvoir goûter ce don précieux, tu as besoin de foi, besoin d’espérance, besoin de charité. N’est-ce pas aussi le nombre trois : foi, espérance, charité ? Ces trois vertus sont également des dons de Dieu…

7. Reste l’espérance, et l’espérance, me semble-t-il, peut être comparée à l’œuf. L’espérance, en effet, n’est point encore la réalité, comme l’œuf n’est point encore le poussin ; bien qu’il soit quelque chose. Si les mammifères donnent le jour à leurs petits eux-mêmes ; les ovipares ne produisent que ce qui est comme l’espoir de ces petits.

Ainsi donc l’espérance nous invite à mépriser les choses présentes et à attendre les biens futurs, à oublier ce qui est derrière pour nous porter avec l’Apôtre ce qui est en avant. « Seulement, dit-il, oubliant ce qui en est arrière et m’avançant vers ce qui est devant, je tends au terme ; à la palme de la céleste vocation de Dieu dans le Christ-Jésus » (Ph 13, 14). D’où il suit que rien n’est si contraire à l’espérance que de regarder derrière, c’est-à-dire que de se confier aux choses qui passent et qui s’en vont, au lieu de compter sur ce qui ne passera jamais, quoiqu’on ne le possède pas encore et qu’on doive seulement l’obtenir un jour.

Or, c’est quand des épreuves multipliées tombent sur le monde comme la pluie de soufre tomba sur Sodome, qu’on doit craindre d’imiter la femme de Lot. Elle regarda derrière et resta aussitôt immobile, changée en un monceau de sel, pour inspirer et assaisonner en quelque sorte la prudence (Gn 19, 26).

Voici ce que l’Apôtre Paul dit encore de l’espérance : « Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or l’espérance qui se voit n’est pas de l’espérance ; comment en effet espérer ce qu’on voit ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons, par la patience » (Rm 8, 24-25). « Comment espérer ce qu’on voit ? » On voit l’œuf ; mais l’œuf n’est pas encore un poussin ; et l’on ne voit pas ce poussin, parce qu’il est couvert de la coque de l’œuf. Il faut l’attendre patiemment et l’échauffer pour l’amener à la vie. Ainsi, applique-toi, porte-toi en avant, oublie ce qui est passé ; car ce qui se voit passe avec le temps. « Ne considérons point ce qui se voit, dit encore l’Apôtre, mais ce qui ne se voit pas ; puisque ce qui se voit est temporel, tandis que ce qui ne se voit pas est éternel » (2 Co 4, 18). Oui, c’est vers ce qui ne se voit pas que tu dois porter ton espoir ; attends, prends patience, ne regarde point derrière, crains pour ton œuf le dard du scorpion […]. Non, que le scorpion ne brise pas cet œuf, que le monde ne détruise pas ton espérance par ce poison funeste qu’il t’offre en quelque sorte par derrière. Que ne dit-il pas, en effet ? Quel bruit ne fait-il pas derrière toi pour te porter à tourner la tête, c’est-à-dire à t’appuyer sur les biens présents ? Et toutefois peut-on appeler présent ce qui toujours ne fait que passer ? Et à perdre de vue, pour reposer tes affections dans ce monde qui s’évanouit, les promesses que t’a faites le Christ et qu’il accomplira sûrement, parce qu’il est fidèle à sa parole ?

8. Et si Dieu mêle tant d’amertumes aux prospérités de la terre, c’est pour nous porter à chercher une autre félicité, une félicité dont la douceur ne soit pas trompeuse. Mais par ces amertumes le monde veut détourner tes regards de ce qui est devant toi et te faire regarder derrière. N’est-ce pas pour cela que tu te plains des adversités et des afflictions ? Depuis l’avènement du christianisme, dis-tu, tout s’en va. Pourquoi ces murmures ? Dieu ne m’a point promis que tout cela ne périrait pas ; le Christ non plus ne l’a point promis. Éternel il n’a point promis ce qui est éternel, et si je crois, je deviendrai éternel moi-même, de mortel que je suis. […]

11. … Qu’aucun murmure ne parvienne à vous détacher de l’attente des biens à venir. Tous ceux qui dans les adversités actuelles outragent notre Christ, ne sont-ils pas comme le dard du scorpion ? Ah ! courons cacher notre œuf mystérieux sous les ailes maternelles de cette poule évangélique qui crie : « Jérusalem, Jérusalem », ceci s’adresse à la Jérusalem perdue de la terre et du mensonge, « combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants ; comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et tu n’as pas voulu ! » (Mt 23, 37). Ah ! qu’elle ne nous dise point : « J’ai voulu et tu n’as pas voulu ! » Cette poule évangélique est en effet la divine Sagesse qui s’est incarnée pour se mettre à la portée de ses petits. Pour ses poussins que ne fait point une poule ? Voyez ses plumes hérissées, ses ailes pendantes, sa voix fatiguée, affaiblie, amoureuse et languissante. Oui, déposons notre œuf, notre espérance, sous les ailes de cette poule sacrée.

Saint Thomas d’Aquin

Sur Rm 8, 24

Rm 8, 24 : C’est en espérance que nous avons été sauvés.

Commentaire — L’espérance porte sur ce qu’on ne voit de manière présente, mais sur ce qui est attendu pour le futur. Or nous avons été fait sauvés par l’espérance, donc nous attendons dans l’avenir l’achèvement du salut. […] L’espérance suppose un mouvement de l’âme qui tend vers une chose qu’elle n’a pas. Mais lorsqu’on est déjà en possession de cette chose, il n’est plus nécessaire de tendre vers elle. Il faut remarquer que, l’espérance tirant en quelque sorte son origine de la foi, Paul lui attribue comme objet ce qui appartient à la foi, à savoir l’existence des réalités qu’on ne voit pas (cf. He 11, 1 : La foi est la substance de ce qu’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas). […] Or si ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons, il s’ensuit que nous l’attendons par la patience. […] Parce que le retard à recevoir le bien possède en quelque manière le caractère d’un mal, il s’ensuit que l’attente prolongée des biens absents, supportée avec tranquillité d’âme, est attribuée à la patience, bien qu’elle relève principalement de la longanimité. […] Les Apôtres attendaient la gloire avec égalité d’âme, à la fois malgré le retard à la recevoir et malgré les tribulations.

Sur Rm 8, 18

L’Apôtre vient de montrer que nous sommes libérés par la grâce du Christ. Ici, il aborde la cause pour laquelle [le don de] la vie immortelle, l’héritage des fils de Dieu, est reporté à plus tard. Cette cause est la suivante : il nous faut pâtir avec le Christ pour parvenir à être associés à sa gloire. Or on pourrait trouver qu’il s’agit là d’un héritage chèrement payé, s’il n’est possible d’y parvenir qu’en endurant des passions [semblables à celle endurée par le Christ]. C’est pourquoi Paul montre ici l’excellence de la gloire future par rapport aux passions du temps présent. […] J’estime en effet, commence-t-il, [et c’est comme s’il disait : j’estime] avoir l’expérience de l’une et des autres (cf. Eccl. 34, 9). Car il a supporté d’abondantes épreuves (cf. 2 Co 11, 23), mais il a aussi été élevé à la contemplation de la gloire future, comme il le rappelle en 2 Co 12, 4 : Ravi jusqu’au paradis, il entendit des paroles ineffables.

Donc, continue-t-il, j’estime les passions de ce temps indignes d’être comparées à la gloire future destinée à se dévoiler en nous. Il montre ici l’excellence de la gloire future de quatre manières. D’abord en disant qu’elle est future, qu’elle viendra après le temps, il désigne son éternité. […] Donc cette gloire dépasse les souffrances de ce temps comme l’éternel dépasse le temps. […] Ensuite, il évoque sa dignité en parlant d’une gloire. […] Puis sa manifestation, lorsqu’il dit que cette gloire sera dévoilée. En effet, les saints possèdent déjà une certaine gloire, mais elle est cachée dans la conscience (cf. 2 Co 1, 12). En revanche, cette gloire sera [après le temps] révélée aux yeux de tous, des bons et des méchants. […] Enfin, Paul montre la vérité de cette gloire lorsqu’il dit qu’elle sera en nous. De fait, si la gloire de ce monde est vaine c’est qu’elle est attachée à ce qui est hors de l’homme, on la place par exemple dans l’étalement des richesses ou dans l’estime des autres hommes (cf. Ps 48, 7). Or cette gloire future portera sur ce qui est dans l’homme, selon cette parole de Lc 17, 21 : Le royaume de Dieu est en vous.

Ainsi donc, à les considérer en elles-mêmes, les souffrances de ce temps sont très loin d’être en quantité comparable à cette gloire future (cf. Is 54, 7). Mais si on considère ces souffrances en tant qu’on les supporte volontairement pour Dieu, et qu’on les supporte grâce à la charité que l’Esprit déploie en nous, alors l’homme mérite la vie éternelle par des souffrances qui sont dignes (ex condigno) de cette vie éternelle. Car l’Esprit-Saint est une fontaine dont l’eau — c’est-à-dire l’effet — jaillit en vie éternelle, comme le dit Jn 4, 14. 

Sur Rm 8, 19

Rm 8, 19 : L’attente de la créature, c’est l’attente de la révélation des fils de Dieu.

Commentaire1 Jn 3, 2 : Dès maintenant nous sommes fils de Dieu, mais n’apparaît pas encore ce que nous serons. La dignité de la filiation divine est encore cachée dans les saints à cause des passions extérieures, mais par la suite cette dignité sera révélée, quand ils recevront la vie immortelle et glorieuse. […] Et Paul dit que l’attente attend [la création dans l’attente espère…], et cette répétition indique l’intensité de l’attente (cf. Ps 39, 1).

L’exigence de l’attente vient du défaut dont la créature est le sujet. En effet, ce à quoi rien ne fait défaut n’est pas dans la nécessité d’attendre quelque chose. Et Paul montre ce défaut de la créature lorsqu’il dit que la création a été soumise à la vanité.

L’homme gémit en partie à cause des maux qu’il endure, en partie à cause des biens espérés qui tardent à venir (cf. Lm 1, 22). Et il est dans le travail de l’enfantement, parce qu’il supporte avec une certaine affliction le retard de la gloire attendue. Pr 13, 12 : L’espérance de ce qui tarde afflige l’âme.

Tous les textes discutés et les précédents diaires : https://toulouse.dominicains.com/actualites/#prieres
Dominicains de Toulouse
fr. Alain Quilici