Homélie du 30 mars 1997 - Jour de Pâques
fr. Rémy Bergeret

Frères et sœurs, nous ne sommes plus dans la nuit, mais dans le clair, lumineux matin de Pâques, de la Résurrection. Et voici qu’il nous est donné à méditer un signe paradoxal: le Tombeau vide: c’est dans l’absence – corporelle, physique – que le Christ va manifester sa Présence spirituelle. Il était dit, écrit, que Lui, Dieu fait homme, ayant connu la souffrance et la mort, ne connaîtrait pas la corruption du tombeau et de fait, la puissance de Vie l’a emporté sur les forces de la mort. Mais cet événement garde à jamais son secret: nul homme n’a été témoin direct de l’instant précis où le Christ est Ressuscité. Les disciples ne seront témoins que des effets de la Résurrection puis des apparitions, de cette présence radicalement nouvelle du Christ auprès d’eux. De la même manière que nul n’a été témoin, dans le silence des origines, de l’acte de la Création.

Et c’est là, bien sûr, que notre foi est provoquée, requise et l’exemple de Jean, le Disciple bien-aimé est tout à fait significatif: Il vit et Il crut. Que vit-il, au juste sinon l’invisible? Le Signe de l’absence: le corps de Jésus n’était plus au tombeau. Ce qui signifie qu’il est désormais ailleurs, transformé, glorifié, affranchi des lois de la pesanteur de la physique classique. Comme Jésus l’avait prophétisé:  » viendra un temps où l’on n’adorera plus ni sur le Mont Garizim (Samarie), ni dans le Temple de Jérusalem, mais en Esprit et en Vérité « .

Ainsi la vie avec le Christ, la vie en Christ entre dans un nouveau régime, celui de la foi, le temps de l’Église, avant que ne vienne le temps de la claire vision, au Dernier Jour, quand Il reviendra. Sur ce point, Jean a été un disciple privilégié car son amour intuitif lui a fait percevoir la Réalité cachée dans le signe du tombeau vide.

Thomas, d’une autre manière, aura besoin de toucher pour croire. Mais nous, souvenons-nous que nous relevons d’une béatitude, la plus forte peut-être:  » Heureux ceux qui croient sans avoir vu « . Paul, plus tard, sera de ceux-là: il n’a pas connu le Christ, selon la chair, il ne l’a pas vu ni entendu, et pourtant, il bénéficiera d’une révélation particulière du Ressuscité sur le chemin de Damas, qui entraînera sa conversion au Christ, dans la foi.

Ainsi il est bon, pour nous, en ce matin de Pâques, de nous rappeler que notre foi repose sur la foi des Apôtres, des disciples, notamment Pierre et Jean, premiers témoins de la Résurrection avec Marie-Madeleine.

Et que cette foi est une foi vivante qui n’a eu de cesse de se transmettre, de bouche à oreille, de génération en génération, par l’action de l’Esprit Saint et cela depuis 2000 ans, sur toute la surface de la terre: oui, merveille que fit pour nous le Seigneur, merveille que nos yeux ont vue; ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie. Alleluia!

Et ces disciples étaient prêts, disposés pour cet événement unique. Eux qui l’avaient connu intimement tout au long de son ministère public étaient seuls en mesure de le reconnaître, une fois Ressuscité. D’ailleurs, en prévision, Il s’était montré à quelques-uns, sur la montagne, Transfiguré. Son visage, sa voix, ses gestes, ils vont les retrouver transformés, passés par la mort, porteurs d’une vie nouvelle.

Et voici que ce témoignage, qui conduira certains au martyr dans le sang, configuration totale à la Passion de leur Maître, ce témoignage sera confié aux successeurs des Apôtres, les évêques dans une succession ininterrompue depuis des siècles. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui encore, par la proclamation de l’Évangile, nous devenons comme contemporains de la Résurrection du Christ.

Elle vient s’actualiser, se concrétiser pour nous, ici et maintenant. Et c’est vraiment une Bonne nouvelle, joyeuse, source de notre foi: souvenons-nous que la toute première profession de foi se résumait à ce cri:  » Christ est Ressuscité « , c’est ainsi que les chrétiens se saluaient à l’issue de la Vigile pascale et c’est encore ce qu’ils font, surtout dans l’Église orientale.

Oui, frères et sœurs, sachons aujourd’hui encore, à a suite de Marie-Madeleine, Pierre et Jean, accueillir ce signe étonnant, toujours déroutant du Tombeau vide; sachons y lire dans la foi la présence du Christ Ressuscité, qui est passé de la Mort à la Vie.

Amen.