Homélie du 9 février 2005 - Mercredi des Cendres
fr. Gilles-Marie Marty

Année 312: l’empereur Constantin se convertit au christianisme.
L’Église a désormais le vent en poupe. Beaucoup de gens veulent y entrer. Beaucoup plus qu’avant, lorsqu’elle était persécutée…
On s’aperçut vite que certains, qui demandaient à entrer dans l’Église, le faisaient par opportunisme (pour faire comme le chef) ou par conformisme (c’était « tendance »). Au point que, rapidement, on se demanda où était passée l’époque des martyrs…

L’époque des martyrs, leur témoignage admirable si lié à la foi chrétienne pendant les trois premiers siècles, avaient-ils donc définitivement disparu?
Les chrétiens se posaient cette question avec inquiétude. Ils étaient inquiets pour leur foi. Ils craignaient que la foi, passant du régime des persécutions au régime des honneurs, la foi ne finisse par s’attiédir, par se refroidir, par dépérir…
Bien sûr, personne ne regrettait les persécutions et supplices, mais, au seuil de cette ère nouvelle, on se demandait ce que deviendrait la ferveur des chrétiens, ce bouillonnement, cet aiguillon de la foi, qui fait que la conversion au Christ est la seule grande aventure digne d’occuper jusqu’au dernier souffle de la vie.

Alors se levèrent des hommes qui décidèrent, pour garder à l’Église la ferveur de la foi, d’aller dans des déserts: Égypte, Palestine, Syrie. Ce furent les premiers moines.
Leur seul objectif, leur seule ambition, était de VIVRE DE LA FOI (He 10, 38).
Car notre foi chrétienne n’est pas seulement une certitude (l’assurance de la vérité), elle est une substance: une première possession concrète, l’entrée réelle dans le Royaume de Dieu, le partage réel de Sa vie.
Les martyrs l’avaient compris, et prouvé en offrant leur sang, et leur mort.
Maintenant, les moines voulaient le prouver en offrant leur temps, et leur vie. Guidés par l’Esprit, ils s’enfoncèrent au désert, comme des explorateurs, à la recherche du Royaume des Cieux, à la recherche de la perle précieuse de l’Évangile.

Mais pourquoi rappeler toute cette histoire aujourd’hui? Parce que leur exemple peut nous inspirer, et nous aider beaucoup …
Le Carême est en effet une grande invitation lancée à tous chrétiens pour aller au désert, afin qu’eux aussi puissent tenter cette grande expérience: vivre de la foi.
Devons-nous pour cela quitter Toulouse, et aller en Orient dans l’un de ces déserts? Non, cela n’est pas nécessaire… car nous avons la liturgie. La liturgie, c’est le désert qui se déplace et qui vient à nous, à condition, bien sûr, que nous soyions volontaires, que nous désirions tenter l’expérience…

Entrons donc dans ce désert, celui-là même où Jésus jadis passa 40 jours, poussé par l’Esprit, afin de livrer le combat spirituel.
Pourquoi désirons-nous le désert, sinon parce que, inspirés par l’Esprit, nous sommes décidés à quitter notre pays, ce paysage trop connu de nos appétits, de nos intérêts, de nos habitudes, de nos affaires, de nos encombrements…

Nous entrons au désert car nous voulons prendre de la distance avec tout cela, de la distance avec ce monde, pour chercher Jésus-Christ, et le rejoindre coûte que coûte!
Trois moyens sont proposés: le jeûne, l’aumône, et la prière. Nous les connaissons par cœur, et pourtant avons toujours plaisir à les redécouvrir!
-* Le jeûne est la distance envers les appétits de la chair, tout ce que je consomme habituellement, avec négligence ou voracité. De quoi faut-il jeûner? De nourriture, c’est la tradition.
Mais tant d’autres jeûnes: de bruit, de paroles inutiles, de téléphone, de télévision, de distractions inutiles, de gaspillages… Huuum… tant de jeûnes qui plaisent à Dieu!
-* L’aumône est la distance à prendre envers mes petits intérêts, envers ces égoïsmes qui me collent à la peau, et qui me font ressembler au prêtre de la parabole, qui voyant un blessé sur la route, détourna le regard, et changea de trottoir, pour ne pas être dérangé.
-* La prière est la distance envers l’insignifiance qui plombe souvent notre existence. Prier, c’est rencontrer le Dieu vivant qui m’attend, à l’écart de l’agitation du monde. Certains sont tentés de s’accorder une dispense en pensant « pas la peine pour moi, car que pourrais-je donc donner à Dieu qui lui plaise? Rien… Dieu a déjà tout! »
_ Erreur: il y a une chose que Dieu n’a pas, une seule, car, depuis qu’Il nous l’a donnée, nous en sommes seuls maîtres. C’est notre temps… Prier, c’est passer du temps avec Dieu.
_ Dieu mérite qu’on passe du temps avec Lui, qu’on Lui offre de notre temps.

Pourquoi sommes-nous venus recevoir les Cendres?
Parce que nous voulons suivre Jésus, qui nous invite à monter avec lui à Jérusalem. Aujourd’hui encore, on peut faire ce chemin à pied, depuis Jéricho, dans la plaine, jusqu’à Jérusalem, en haut. Rude chemin, il passe à travers un véritable désert, et grimpe fort!
C’est sur ce chemin que le Christ nous appelle. C’est sur ce chemin que toute l’Église s’engage, aujourd’hui, enthousiaste, pour suivre l’Agneau de Dieu partout où il va.

Avançons donc, et recevons les Cendres comme un parfum, comme une faveur.
Alors, comme les chrétiens des premiers siècles, nous pourrons vivre ce Carême avec ferveur, avec joie, avec panache!

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