Homélie du 5 avril 2007 - La Cène du Seigneur
fr. Loïc-Marie Le Bot

L’heure est venue de la réalisation des promesses de Dieu. Le moment où les signes deviennent réalité est enfin arrivé. La Pâque est toute proche. L’heure de Jésus est venue, celle où nous allons voir sa gloire et où il va manifester son amour pour son Père et pour nous. Ouvrons nous yeux pour contempler sa Gloire et ouvrons notre cœur pour recevoir son amour et sa grâce.

Il y eut des noces à Cana de Galilée (Jn 2, 1-12). Jésus et ses disciples s’y retrouvèrent fort providentiellement car sans cette invitation de Jésus la fête aurait vite tourné court. Le vin manqua; la mère de Jésus intercéda auprès de lui pour qu’il fît quelque chose. Avant l’heure, il céda à cette intercession et changea l’eau en vin. Les serviteurs obéissant en cela à la Mère de Jésus «faites tout ce qu’il vous dira», servirent au chef du repas puis aux convives le vin nouveau. Ce fut là le premier des signes que Jésus fit dans lequel déjà il manifesta sa gloire. Ses disciples crurent en lui (Jn 2, 11).

A l’approche de la Pâque, une foule considérable, 5000 hommes, suivait Jésus à la vue des signes qu’il faisait (Jn 6, 1-2), il monta sur la montagne et il s’assit avec ses disciples. Voyant cette grande foule, Jésus interrogea ses disciple et leur demanda: «D’où nous procurerons-nous des pains pour que mangent ces gens?» André dit «il y a ici un enfant qui a cinq pains d’orge et deux poissons; mais qu’est cela pour tant de monde?» Jésus leur dit «Faites étendre les gens» ce que les disciples s’empressèrent de faire. Jésus prit les pains et ayant rendu grâces, il les distribua aux convives. Tout le monde se rassasia, les disciples ramassèrent douze couffins de reste. A la vue de ce signe, les gens disaient «c’est vraiment lui le prophète qui doit venir dans le monde» et il projetaient de le faire roi. Mais lui s’enfuit car ce n’était pas un sacre comme celui-là qu’il voulait recevoir.

«Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde il les aima jusqu’à la fin.» (Jn 13, 1) Au cours du repas, qu’il partage avec eux; il se lève, il dépose ses vêtements et prenant un linge il s’en ceint. Puis, il lave les pieds de ses disciples, malgré les protestations de quelques uns. Puis, il les interroge: «comprenez-vous ce que je vous ai fait?». «Vous m’appelez Maître et Seigneur et vous avez raison car je le suis. Voilà l’exemple que je vous laisse pour que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous.» (Jn 13, 15).

Ces trois signes convergent ce soir dans la célébration de la Cène et reçoivent de la passion, de la mort et de le Résurrection de Jésus leur réalisation. Ce soir Jésus convie ses disciples aux noces, ce soir il les convoque comme il les a convoqués sur la montagne. Il leur donne ce soir, une nourriture nouvelle: sa chair et son sang, le pain et le vin nouveaux. Il leur donne la nourriture qui demeure pour la vie éternelle (Jn 6, 27). Cette nourriture est celle que nous donne le Fils de l’homme, celui que le Père a marqué de l’onction. Comme il l’a dit ma chair est nourriture et mon sang est boisson (Jn 6, 55). Il leur donne ainsi de s’associer intiment à son offrande, à son sacrifice de nouvel agneau pascal. Il leur offre d’être associé à sa Passion, à sa Mort et à sa résurrection.

Mais ce serait trop peu dire, car Jésus ne veut pas seulement laver les pieds de 12, il veut purifier l’humanité entière; il ne veut pas seulement rassasier 5000 hommes mais l’humanité entière; il ne veut abreuver un banquet de noces du fin fond de la Galilée; il veut abreuver l’humanité entière. Ce don du Corps et du Sang du Christ s’accompagne d’un autre don. Déjà, au repas de Cana, comme dans le repas sur la montagne, les serviteurs et les disciples remplissent un grand rôle. Il leur commande de tirer le vin et de ramasser les pains. Jésus donne aussi ce soir ce don aux disciples d’être les serviteurs de son Corps et de son sang, d’être les serviteurs du repas des noces, d’être les serviteurs de leur frères et finalement de l’Église.

Voilà deux sacrements, des signes qui réalisent ce qu’ils signifient, que Jésus nous donne ce soir, celui de son Corps et de son Sang et celui du sacerdoce, du service de distribuer à la foule affamée des convives de la noce la nourriture qui donne la vie éternelle et qui permet au Seigneur de demeurer en nous et nous en lui. Ces dons doivent soulever en nous une immense joie et reconnaissance. Par la participation à ce banquet, par le ministère des prêtres: Jésus s’offre à nous, se donne à nous dans son Corps livré pour nous et dans son Sang versé pour nous. Nous sommes alors associés à lui, à sa vie éternelle. A vous mes frères prêtres, il nous faut rendre grâce, de ce don qui nous a été fait par l’ordination d’être configuré au Christ pour pouvoir consacrer le pain et le vin qui deviennent le corps et le sang du Seigneur. D’avoir la grâce de pouvoir dire chaque jour les paroles même que Jésus nous a laissées, de voir se réaliser ce grand mystère, et d’être associé à lui d’une manière si forte et si intime. Rendons grâce aussi de distribuer à ceux qui le demandent ce grand sacrement et de voir l’effet qu’il réalise en eux: construire l’Église dans la charité.

Cependant, deux tentations nous guettent. Comment ne pas avoir la tentation de la puissance, de faire sentir notre pouvoir, de prendre le contrôle des âmes? Regardons Jésus d’abord, il nous donne son exemple: si vous vous voulez être conformes à ce que le Seigneur attend de vous vous devez voir votre ministère comme s’il agissait de faire la tâche la plus humble qui soit, laver les pieds de ses frères. A l’inverse, comment ne pas trembler devant cette charge? Comment oser dire ces paroles à la place du Seigneur? A ce moment, rappelons-nous la parole que Marie adresse aux serviteurs de Cana «Faites tout ce qu’il vous dira». Écoutons cette parole et faisons la nôtre pour ce soir. Notre mission est toute finalisée par la Parole du Seigneur, nous sommes avec lui et faisons ce qu’il attend de nous. Car c’est lui qui agit à travers nous. Nous sommes des instruments de sa grâce. Nous sommes des serviteurs du Maître.

A vous frères et sœurs dans le Christ, ce soir il faut rendre grâce pour le don de l’Eucharistie et du ministère des prêtres pour vous. Participer chaque dimanche, jour peut-être à la messe, c’est le gage de vivre dans le Seigneur car quand nous le recevons il nous configure à lui profondément et sûrement. Voilà notre nourriture spirituelle quotidienne indissociablement liée à l’écoute de sa Parole. Peut-être aussi la tentation nous guette de recevoir la communion et d’en rester là. La recevoir comme une habitude, un passage obligé, un rite qui nous laisserait indemnes. Ouvrez votre cœur: regardez Jésus ce soir. Si donc je vous ai lavé les pieds les uns des autres, c’est pour vous donner un exemple. Le fruit de l’Eucharistie nous configure au Christ et nous envoie au service de nos frères dans la charité, n’appelle-t-on par l’Eucharistie, le sacramentum caritatis ? L’eucharistie nous pousse aussi dans le service des frères qui édifie l’Église.

Peut-être une autre tentation vous guette de ne pas participer régulièrement à cette rencontre, de laisser le dimanche à d’autres occupations. Après tout ce n’est pas si grave, toutes choses du même registre. Regardons la Vierge Marie à Cana, elle dit à son Fils «ils n’ont plus de vin», et sa prière fut exaucée par son Fils. Comment prier sans venir au repas de noce où le Seigneur nous invite? Comment oser lui demander quelque chose sans jamais recevoir ce qu’il nous donne? Pour nous aussi c’est au moment d’intimité avec le Seigneur que nous pouvons le prier dans l’assurance d’être exaucé.

Ce soir le Seigneur nous laisse les signes de son amour pour nous, car il nous a aimé jusqu’à la fin, jusqu’au point le plus intense. Il nous donne ces gestes divins pour entrer dans son mouvement d’amour et de vie vers le Père. Dans ce repas que, ce soir, nous célébrons sachons en rendre grâce et accueillir ses dons.

Ô repas saint dans lequel le Christ est pris en nourriture, est rappelé la mémoire de sa Passion, l’âme est remplie de grâce et le gage de la gloire prochaine nous est donné (S. Thomas d’Aquin).

«Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde il les aima jusqu’à la fin.»

Amen.

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