Homélie du 19 mars 2008 - Mercredi Saint
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Mon enfant, tes péchés sont remis. Ce serait donc aussi simple que cela? Il suffirait de présenter toutes nos misères au Seigneur pour en être délivré? Il suffirait que le Christ, ou l’un de ses ministres, dise ces mots: Mon enfant tes péchés te sont pardonnés pour que nos fautes, grandes ou petites disparaissent comme si elles n’avaient jamais existé? Trop facile, trop simple pour être vrai!

Trop simple vraiment? A la vérité, l’évangile de la guérison du paralytique montre que, pour en arriver à cette formule toute simple, il a fallu que ces hommes se livrent à une manœuvre aussi ingénieuse que compliquée: hisser le malade sur le toit de la maison, percer un trou dans sa toiture, et, finalement laisser glisser le malade pour qu’il arrive juste en face de Jésus. Quant à la formule toute simple: Mon enfant tes péchés sont remis, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle allait attirer sur Jésus bien des complications.

Il blasphème! Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul? Il blasphème. Pour nous, bien sûr, cette objection ne tient pas: Jésus est Dieu, il peut donc pardonner les péchés. Mais la vraie difficulté est ailleurs. Dire que Dieu pardonne, est-ce que cela a seulement un sens?

– Cela semble d’abord tellement contraire aux lois implacables qui régissent notre monde. Dans la vie, qui casse paie. Tu commets une faute professionnelle: tu es licencié! Une imprudence de trop et tu devras en payer les conséquences! La vie, ça ne pardonne pas.

– Et puis, pardonner: Dieu en a-t-il simplement le droit? Passe encore qu’il remette les fautes qui n’atteignent que lui. Mais qu’il pardonne les torts que nous avons infligés à d’autres que lui, voilà qui peut paraître scandaleux.

Mon enfant, tes péchés sont remis. La réaction est immédiate: cet homme blasphème. Et nous savons bien que cette accusation le conduira à la mort. Aussi sûrement que la résurrection de Lazare précipitait la mort de Jésus, le pardon qu’il accordait aux pécheurs allait mettre Jésus au rang des assassins. Oui, pour que nul ne conteste son droit de nous pardonner, Dieu, en son Fils, a réalisé ce double prodige: il s’est identifié à la victime , et il s’est identifié aux pécheurs.

Jésus s’est identifié aux victimes. De fait nous ne lui avons rien épargné: ni les grandes, ni les petites offenses. Ses bourreaux ne lui ont pas épargnés nos injures, notre cruauté, ou tout simplement notre mépris. Les faux témoins ne lui ont pas épargnés nos calomnies, les pharisiens nos médisances et nos jugements téméraires. Judas ne lui a pas épargné nos trahisons, Pilate ne lui a pas épargné notre lâcheté, et Pierre nos reniements. Ceux qui l’acclamaient le dimanche des rameaux, le vendredi saint ne lui ont pas épargné notre inconstance et notre versatilité.

Et puis, il y a les multiples petits manquements, comme autant de ruisseaux qui, si on ne les tarit pas régulièrement, finissent par former le vaste fleuve qui conduit Jésus à la mort. Le ruisseau de nos omissions: ces malades que nous n’avons pas visités, ces pauvres que nous n’avons pas assistés, ces malheureux que nous n’avons pas écoutés, tous ces manques de charité qui ont convergé dans les apôtres incapables de prier une heure avec Jésus en agonie.

Parmi les petits ruisseaux de nos manquements, il faudrait mentionner nos ambitions puériles, nos vanités, nos chamailleries qui ont conduit les apôtres à se quereller pour avoir la première place au moment même où Jésus leur prédisait sa mort: ne dirait-on as des héritiers se disputant avidement un héritage? Et comment ne pas reconnaître notre dureté de jugement en l’apôtre Jean, oui, S. Jean le disciple bien aimé, prêt à en appeler au feu du ciel pour anéantir le village qui refusait d’accueillir Jésus et les siens? Et n’est-ce pas notre propre sectarisme qui était à l’œuvre chez ce même S. Jean lorsqu’il courrait dénoncer à Jésus une personne dont le seul tort était de chasser des démons au nom de Jésus alors qu’il ne faisait pas partie du groupe des apôtres?

Jésus avait donc bien le droit de nous les pardonner, tous ces péchés, parce qu’il en fut lui-même la victime.

 

– Mais pour nous convaincre de son droit à nous pardonner, Jésus a fait plus encore. Nous ne pouvions concevoir d’autre moyen de remettre une dette que de la rembourser jusqu’au dernier sou? Eh bien, Jésus s’est identifié aux pécheurs au point de subir le supplice des assassins. Il l’a payée la dette, infiniment au-delà de ce que nous devions à Dieu et aux hommes.: lui la victime innocente a payé du prix de son sang le rachat de ses bourreaux; lui qui n’a jamais rien refusé à son Père a payé du prix de son amour souffrant toutes nos infidélités. Ce n’est certes pas Dieu qui le réclamait, c’était nous qui ne pouvions croire à la remise de nos péchés sans cela. Toute dette étant désormais acquittée, il est clair que Dieu ne propose rien d’autre au pécheur que sa miséricorde, que son pardon.

Comment y accéder? C’est très simple: comme le paralysé, il suffit de se laisser porter par l’Église. Elle dispose d’un ingénieux système, une sorte de monte-charge, de treuil si vous voulez que l’on appelle le sacrement de la réconciliation. Dans un premier temps, ce treuil vous élève pour vous aider à considérer la miséricorde infinie du Seigneur. Puis, dans un deuxième temps, ce treuil vous fait descendre pour vous introduire jusqu’au cœur de celui qui vous a tant aimé. Là, il vous suffira de confesser vos péchés. Et lorsqu’une voix vous dira enfin: mon enfant tes péchés sont pardonnés, soyez en sûrs: c’est Jésus, en personne qui vous le dira. Il en a le pouvoir, il en a acquis le droit et cela n’a pas été facile pour lui.