Homélie du 19 février 2012 - 7e DO

par

Avatar

«L’homme se leva, prit aussitôt son brancard, et sortit devant tout le monde. Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu, en disant: Nous n’avons jamais rien vu de pareil.» (Marc, 2, 12). Oui mes frères, La parole du Seigneur n’a jamais et n’aura jamais rien de pareil avec ce que nous vivons tous les jours: nos illusions et nos préjugés, nos peines et nos maladies, nos soucis et nos indifférences, nos trahisons et nos égoïsmes, nos médisances et nos calomnies, nos jalousies et nos amours, etc. La Parole du Seigneur n’a rien de pareil avec toutes ces situations grabataires qui font de nous des malheureux sous des lois de la chair. La Parole du Seigneur apporte la nouveauté, la lumière et la plénitude de vie dans la liberté des enfants de Dieu. Il nous l’a dit dans la première lecture: «Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé! Voici que je fais un monde nouveau, il germe déjà, ne le voyez-vous pas?» (Isaïe 43, 19).

Ce monde nouveau créé par la Parole du Christ, les quatre porteurs du paralytique dont il est question dans l’Évangile d’aujourd’hui l’ont vu, l’ont savouré, voilà pourquoi ils y conduisent leur frère. Ils n’hésitent pas, ils ne reculent face à rien ni personne, même pas face aux bonnes manières de ce monde. Du haut de la toiture de la maison où se trouve Jésus, ils font descendre leur frère malade parce qu’ils savent qu’il suffit pour celui-ci d’entrer en contact avec cette Parole pour qu’il soit libéré et guéri. «Et Jésus, voyant leur foi, dit au paralysé: Mon fils, tes péchés sont pardonnés» (Marc 2,5). La foi des porteurs vaut donc intercession pour le paralysé.

Très chers frères, rassemblés dans cette église, nous avons, pour ce qui nous concerne, peut-être déjà fait l’expérience de la puissance libératrice de cette Parole. Nous l’entendons d’ailleurs tous les dimanches, comme aujourd’hui si pas tous les jours de la semaine. Mais y croyons-nous vraiment à la manière de ces quatre hommes avec leur frère malade? Plus encore, croyons-nous au pouvoir de pardonner les péchés que le Christ a légué à son Église? Récitons-nous le confiteor au début de chaque célébration, comme celle d’aujourd’hui, avec foi et confiance en Dieu? Ou n’y voyons-nous pas au contraire, à l’instar des scribes et des pharisiens, qu’un simple rite inefficace comme tous les autres? Voilà tant des questions qui peuvent nourrir notre méditation sur cet évangile et qui peuvent par le fait même nous aider à nous lever et marcher à la suite du Christ.

Très chers frères, le Seigneur s’est revêtu de notre humanité essentiellement pour nous racheter du péché et de la mort. Ceci justifie sa première réaction face à la foi des porteurs et face au paralysé. Son diagnostic est immédiat et sans ambiguïté: ce qui te paralyse, ce sont tes péchés. Et le seul moyen de t’en libérer c’est te pardonner. C’est cela que Jésus veut nous dire aujourd’hui: qu’il a vaincu le monde, un monde qui était sous l’emprise du péché, ce péché qui paralyse toute la joie de vivre en l’homme et qui nécessite donc qu’on l’en libère. Telle est aussi d’ailleurs la mission de l’Église dans le monde: être le signe de la miséricorde de Dieu envers les hommes. L’Église n’est en rien le lieu d’exhibition des signes spectaculaires… Elle est le lieu de la réconciliation de l’homme avec Dieu. Jésus se voit obligé de donner un signe de guérison à ces scribes de l’évangile parce qu’ils ne croient pas à son pouvoir de pardonner les péchés. Mais rappelons-nous qu’aux pharisiens qui lui demandaient un signe après qu’il avait multiplication de pains, notre Seigneur n’en avait promis qu’un: le signe de Jonas. «De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits» (Matthieu 12, 40). Le Seigneur parlait ainsi de sa mort et de sa résurrection comme couronnement de sa mission sur terre et donc comme signe miraculeux par excellence parce que par lui, il rachète l’homme, l’arrachant au pouvoir de la mort pour le ramener à la vie sans fin de Dieu. On comprend dès lors que ce fut dans l’unique souci de vaincre le scepticisme des scribes et pharisiens (et peut- être aussi le nôtre) que Jésus procède à cette guérison instantanée du paralytique. Cette forme de guérison semble être la plus attendue par la plupart d’entre nous en venant dans cette Église. Mais pour notre Seigneur elle est secondaire. La vraie guérison étant celle qui nous affranchit de toutes ténèbres du péché pour nous rendre participant de la gloire divine.

Par ailleurs, comme les quatre porteurs du paralytique, nous avons peut-être des frères malades dans nos maisons, dans nos communautés, dans nos milieux universitaires et même dans nos lieux de travail! Malades biologiques pour certains, malades psychologiques pour d’autres et malades spirituels pour d’autres encore, qu’importe c’est tous des malades! Nous sommes peut-être nous-mêmes malades parce qu’habités par des questionnements de tout genre, le doute sur notre avenir ou sur notre vie de foi… Que faisons-nous de toutes ces indispositions face à ce que nous avons entendu ou que nous avons coutume d’entendre?

La réponse à cette question nous est donnée aujourd’hui par l’audace de ces quatre porteurs. Leur audace est soutenue par ce qu’ils ont vu et entendu auparavant de Jésus. Ils ne viennent peut-être pas à Jésus pour recevoir de lui le pardon de leurs péchés, peu importe, ils viennent tout de même parce qu’ils ont totalement cru en lui. Il est temps pour nous de revenir en nous-mêmes et de prendre la ferme résolution de les imiter. Imiter leur courage et leur audace, imiter leur foi. Ils ne se demandent pas s’ils sont dignes d’être présentés à Jésus. Ils savent simplement qu’il est capable de guérir leur frère. Cette conviction les poussent à Jésus sans faillir et apporte la guérison à leur frère, mieux le pardon de tous ses péchés. Que des hésitations pour nous approcher du Seigneur, que des doutes, d’incertitude et de désespoir! «Le Fils de Dieu, le Christ Jésus, que nous avons annoncé parmi vous, dit saint Paul dans la seconde lettre aux corinthiens que nous venons d’entendre, n’a pas été à la fois oui et non; il n’a jamais été que oui. Et toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur oui dans sa personne» (2 Corinthiens 1, 19-20).

Oui mes frères, c’est le Seigneur qui justifie. Il n’attend qu’une chose de notre part: la confiance, la constance et la droiture. Allons vers lui en toute confiance et nous trouverons le salut. «Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai» (Matthieu 11, 28). Et l’épitre de saint Jacques que nous avons médité toute la semaine écoulée nous a fait savoir que Dieu donne généreusement à nous tous, à condition que nous lui fassions nos demandes avec foi et sans récriminer. «…car celui qui hésite ressemble au flot de la mer que le vent soulève et agite. Qu’il ne s’imagine pas cet homme-là, recevoir quoi que ce soit du Seigneur: homme à l’âme partagée, inconstant dans toutes ses voies» (Jacques 1, 6-7). Apportons lui le fardeau de nos péchés, il le transformera en oreillette de grâces . Oui mes frères, ce n’est pas en vain que les théologiens évoquent l’eschatologie comme étant de l’ordre du déjà et du pas encore. Et saint Augustin ajoute à nos dépens que Dieu qui nous a créé sans nous ne peut nous sauver sans nous. Et le Christ lui-même nous exhorte à demander si nous voulons que quelque chose nous soit donné, à frapper si nous voulons que la porte nous soit ouverte… Ces quatre frères l’ont fait et ont été exhaussés.

Ce message de l’Évangile est accessible à nous tous, mais certainement plus accessible à ceux qui, face à la Parole de Jésus, sortent des sentiers battus que l’analyse rationnelle leur propose pour arriver à une adhésion au Christ par la foi. Tel à été le mobile qui a engendré l’agir de ces quatre porteurs.

Demandons au Seigneur au cours de cette eucharistie d’ augmenter notre foi, de faire de nous des hommes qui reconnaissent en lui seul la vraie et l’ultime réponse à la question de leur salut, le seul qui montre le vrai chemin à suivre face aux vicissitudes et nébulosités de cette vie. Quant à l’Église et à ceux qui annoncent la Parole, prions afin qu’ils demeurent fidèles à leur mission d’être des signes de la miséricorde de Dieu dans le monde et que ce mercredi déjà, mercredi des cendres, ils ouvrent les portes de cette miséricorde de Dieu aux hommes en leur annonçant un carême de pénitence, de prière et de partage pour le pardon des péchés. AMEN!

Avatar

par