Homélie du 1 avril 2012 - Dimanche des Rameaux
fr. Emmanuel Perrier

«Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font», dira bientôt le Christ sur la Croix.

Tous ces juifs qui l’entourent, ils ne savent pas ce qu’ils font. Tout cela les dépasse. Et nous avec eux.

Frères et sœurs, nous entrons dans des jours où tout nous dépasse. Et c’est tant mieux. Car si nous savions déjà, nous n’aurions rien à retirer de cette semaine, et ce ne serait même pas la peine de nous déplacer. Il faut donc que, dans une semaine, nous soyons différents de ce que nous sommes aujourd’hui.

Mais différents comment? Il ne s’agit certes pas de perdre du poids, de changer de travail ou de lunettes. C’est nécessairement plus profond que cela avec Dieu. Alors, différents comment? Je n’en sais rien, nous n’en savons rien, seul Dieu sait les grâces qu’il prépare pour chacun de nous.

Mais il y a une chose dont nous sommes certains: si nous suivons – nous qui ne savons pas ce qui nous attend – le Christ – qui, lui, sait où il va -, si nous suivons le Christ tout au long de ces jours saints, nous serons différents dimanche prochain. La preuve: le Christ ne sera pas le même dimanche prochain. La preuve? Les disciples du Christ ne furent plus les mêmes après la Pâque du Christ.

N’est-ce pas pour connaître une transformation semblable que nous allons revivre la Pâque du Christ dans les célébrations de cette semaine? N’est-ce pas pour connaître une transformation semblable que nous avons commencé ce matin à nous joindre à la foule des hébreux, aux portes de Jérusalem?

Ils ne savaient pas ce qui les attendait, comme nous ne savons pas ce qui nous attend. Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient, comme nous ne savons pas ce que nous faisons. Ils pensaient savoir, et nous pensons savoir ce qu’est la Pâque.

Les hébreux pensaient qu’ils acclamaient le Messie d’Israël, le nouveau roi de Jérusalem. Et ils chantaient ce refrain traditionnel tiré des Psaumes: «Hosanna, Seigneur», c’est-à-dire: «Seigneur, donne le salut». Ils chantaient: «Béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur». Et nous aussi nous l’avons chanté avec eux. Et ils ne savaient pas, et nous ne savons pas, combien c’est vrai: oui, le Christ allait donner le salut aux hommes; oui, le Christ allait devenir le Seigneur de tous les hommes.

Les hébreux agitaient leurs palmes et leurs rameaux, ils plaçaient leur manteau sur la route du Christ en signe de sa gloire royale. Et nous aussi nous l’avons fait. Mais ils ne savaient pas, et nous ne savons pas combien c’est vrai: oui le Christ allait être glorifié, d’une gloire divine et non d’une gloire humaine, pour son triomphe contre le mal, contre le péché, et contre la mort.

Les hébreux frappaient à la porte de Jérusalem pour que le Seigneur entre. Et nous avons frappé aux portes de notre église pour que le Seigneur entre. Une fois, deux fois, trois fois. Et ils ne savaient pas, et nous ne savons pas combien c’est vrai: au troisième coup, au troisième jour, les portes de la mort vont s’ouvrir pour le Seigneur de la Vie.

Les hébreux ont pénétré dans la ville avec leur Seigneur, dans l’allégresse d’une victoire. Et nous-mêmes, après que les vantaux se sont écartés, nous avons pénétré sur un parterre de verdure et d’aromates. Mais ils ne savaient pas, et nous ne savons pas combien c’est vrai: l’Église va naître du côté transpercé du Christ comme un fleuve d’eau vive, qui fait reverdir ce qui est desséché, qui est le Paradis nouveau, la Terre nouvelle de la vie de la grâce.

Mais il y a plus encore. Les hébreux pensaient que le Christ allait être leur Seigneur de la manière qui leur convenait: renverser les puissants de ce monde, libérer la Palestine de l’occupant romain, continuer les guérisons et les miracles. Et nous-mêmes, combien de fois nous demandons au Christ d’être notre Seigneur de la manière qui nous arrange. À notre mesure. Ils ne savaient pas ce qui les attendait, et nous ne savons pas quelles grâces nous attendent. Car notre cœur ne s’est pas assez élevé à la hauteur des desseins de Dieu pour nous.

Car la manière pour Dieu de répondre à nos attentes, c’est de les dépasser. Nos attentes sont humaines. Les projets de Dieu pour nos sont divins. Nos attentes sont pour cette vie. Les projets de Dieu sont pour que cette vie s’ouvre à la vie éternelle. Et pour cela, le Christ va entrer dans sa Passion. Oui, il sera roi, mais sur la Croix et au tombeau, pour briser le péché et détruire la mort. Oui, il sera Seigneur, mais pas pour un temps seulement, il est Seigneur de tous et pour toujours. Oui, il va connaître la gloire, mais pas nos gloires humaines, sa gloire divine.

Nous ne savons pas ce que nous faisons en suivant le Christ dans sa Pâque parce que nous n’avons pas idée des grâces que le Seigneur veut nous donner. Mais nous savons une chose: c’est en le suivant que nous les recevrons.