Homélie du 8 avril 2012 - Jour de Pâques
fr. Augustin Laffay

1. La Semaine sainte a culminé au Golgotha: cloué par amour sur le bois de la Croix, le Seigneur s’est offert pour notre salut. Lui, le Vivant, s’est laissé arracher sa vie. Il a glissé dans la mort.

Que prouve cette mort? À bien y réfléchir, elle prouve que Jésus nous a aimés passionnément et j’ai envie de dire: rien d’autre. À cause de cet amour, il a supporté l’injustice de son procès, les outrages et les crachats et cette torture effroyable qu’est la mort sur une croix. C’est beaucoup mais cela ne suffit pas pour qualifier l’originalité irréductible de son existence. En effet, dans la longue histoire des hommes, Jésus n’est pas seul à avoir consenti à sa mort. Encore aujourd’hui, certains choisissent de mourir pour l’amour d’une cause qu’ils estiment juste, à tort ou à raison. Pensez aux kamikazes. Pensez à ceux qui s’immolaient par le feu au Maghreb l’an dernier ou aux moines bouddhistes qui font de même au Tibet cette année. Que prouvent ces morts? Certainement pas que la cause est juste. Ces morts prouvent seulement que des hommes sont prêts à mourir pour leurs convictions. La mort du Christ elle-même ne témoigne pas en soi de la vérité de sa cause mais uniquement du fait qu’il croyait à la vérité de sa cause. La mort du Christ est le témoignage suprême de sa charité, mais pas de sa vérité.

S’il n’y avait que la mort du Christ, l’Évangile ne serait pas véritablement la Bonne nouvelle, la seule bonne nouvelle qui ait changé le cours des événements depuis la chute originelle. S’il n’y avait que la mort du Christ, nous serions les plus malheureux de tous les hommes. Nous serions en effet les disciples d’un Messie qui a donné sa vie par amour pour nous mais nous n’aurions pas la certitude de la vérité du message qu’il a apporté.

Heureusement, au cœur de cette nuit, les portes de la mort se sont ouvertes pour laisser passer le Christ. La voilà la Bonne nouvelle que nous attendions. Si la mort du Christ est le témoignage suprême de sa charité, le seul témoignage approprié de sa vérité est la résurrection. «La foi des chrétiens, dit saint Augustin, est la résurrection du Christ.» Il n’est pas difficile de croire que Jésus est mort; les païens et les agnostiques le croient eux aussi, tout le monde le croit. Seuls les chrétiens croient que Jésus est également ressuscité. On n’est pas chrétien si on ne le croit pas. En ressuscitant Jésus d’entre les morts, c’est comme si Dieu donnait son aval à l’œuvre du Christ, comme s’il y imprimait son sceau. Dieu a offert à tous une garantie en le ressuscitant des morts (cf. Ac 17, 31).

2. Notre foi en la résurrection repose en premier lieu sur le témoignage de quelques femmes. Dans l’évangile selon saint Jean, le premier témoin de la Résurrection c’est cette Marie de Magdala que Jésus avait guérie de ses démons et qui l’accompagnait au cours de son ministère itinérant en Galilée (cf. Lc 8, 1-3). Jadis, sur les routes de Galilée, Marie de Magdala a vu Jésus guérir lépreux et paralytiques. Elle a goûté le pain multiplié miraculeusement. Naguère, elle a croisé le regard de l’aveugle-né et assisté à la résurrection de Lazare. Tout au long du chemin parcouru avec le Messie, elle l’a entendu proclamer la loi nouvelle. Au pied de la Croix, elle a vu le Cœur transpercé de Jésus manifester l’amour de Dieu. Aujourd’hui, au matin de Pâques, elle sait la première que Jésus est la voie, la vérité et la vie. Il est le Fils de Dieu, éternellement vivant et veut transmettre sa vie, cette vie à tous les hommes. Aujourd’hui, Marie de Magdala accueille la vérité de l’Évangile.

Oui, la vérité éclate au matin de Pâques: elle irradie le monde à partir de cette visite au sépulcre qui déclenche la course de Pierre et du disciple bien aimé. Devant le signe du tombeau vide et des linges pliés, les témoins de la vie de Jésus virent et crurent. La résurrection du Christ manifeste bien la vérité de l’Évangile. Le Christ mort pour nos péchés selon les Écritures, mis au tombeau, ressuscité le troisième jour selon les Écritures, après être apparu aux femmes va apparaître à Pierre, puis aux Douze. Ensuite il va apparaitre à plus de cinq cents frères à la fois, puis à Jacques, puis à tous les apôtres, puis à Paul (cf. 1 Co 15, 3-8). Cette énumération des apparitions du Ressuscité dictée par l’Apôtre évoque bien la déflagration de la résurrection qui n’en finit pas, jusqu’à nous, de renouveler l’humanité. C’est comme une explosion d’une force inouïe imprimant au Corps du Christ un mouvement d’expansion qui dure encore aujourd’hui.

3. Deux mille ans plus tard, le Christ n’apparaît plus aux siens. Comment faire pour accueillir la vie du Christ, l’éternelle vérité de l’Évangile? La réponse est donnée par saint Paul: «Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts.» (Ro 6, 4). Le baptême est une seconde naissance, le commencement d’une autre vie, avec le ressuscité. Pour commencer cette autre vie, il faut mettre fin à la précédente. La mort intervient entre ces deux vies pour condamner la première et initier la seconde. C’est justement cette mort que réalise la plongée dans les eaux du baptême. Baptisés dans le Christ, nous demeurons mortels mais nous n’avons plus de raison d’avoir peur de la mort: ce qui est périssable et mauvais meurt en nous le jour de notre baptême, c’est l’homme ancien, esclave du péché; ce qui naît en nous le jour de notre baptême, c’est l’homme nouveau, affranchi du péché. La mort physique ne pourra rien y faire, avec le baptême nous recevons la promesse de la vie éternelle, de la vie avec un grand V. Comment redouter ce passage?

Quand on regarde un baptisé après son baptême, qu’il soit catéchumène adulte ou bébé potelé, on trouve que l’homme nouveau ressemble beaucoup au vieil homme. C’est qu’il nous faut encore tendre vers les réalités d’en haut. La vie nouvelle greffée en nous par le baptême est indestructible mais sa croissance exige du temps. Le jour de notre baptême, nous sommes revêtus d’un nouvel habit taillé par Dieu lui-même mais le changement de vêtements est un parcours qui dure toute la vie. Ce qui se produit au baptême est le début d’un processus qui embrasse toute notre existence et nous rend capable d’éternité, de sorte que, dans l’habit de lumière de Jésus Christ, nous pouvons apparaître devant Dieu et vivre avec Lui pour toujours. Pensez au chemin qu’il reste à parcourir à Pierre depuis le matin de Pâques jusqu’au jour de l’année 64 où il sera crucifié sur la colline romaine du Vatican!

Frères et sœurs, le Christ est ressuscité. Rien ne sera plus comme avant. Nous avons été plongés dans les eaux du baptême – deux enfant vont l’être dans un instant – notre vie en est transformée. Les obstacles à la vie divine ne manquent pas. De quoi aurions-nous peur? «La mort et la vie se s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le maître de la vie mourut; vivant, il règne à jamais.» Amen! Alleluia!

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