Homélie du 12 mai 2013 - 6e DP
fr. Arnaud Blunat

Comment se situer comme chrétiens dans le monde d’aujourd’hui? La difficulté qui est la nôtre était déjà celle des premiers chrétiens. Eux qui venaient du judaïsme, ils ont été rapidement confrontés au monde des païens. Or le message d’amour du Christ est un message universel. La Loi de Moïse trouve son accomplissement dans l’Évangile de Jésus. Les cultures humaines sont appelées à être purifiées par l’Amour de Dieu. Tout croyant doit vivre en se gardant de ce qui le coupe de cette source d’amour.

Les apôtres ont peu à peu découvert à quelle mission Jésus les appelait. Jésus les envoie vers le monde pour annoncer l’évangile du Royaume. Mais quand le moment approche de son départ, quand Jésus leur dit qu’il va être livré, ils s’inquiètent et questionnent Jésus. Ainsi le passage que nous venons d’entendre est précédé d’une question importante posée par Jude:

«Seigneur, pourquoi donc te manifestes-tu à nous et non pas au monde?»

Jésus ne répond pas directement à la question comme il le fait parfois, afin de nous aider à opérer un changement intérieur. Jésus va précisément approfondir le fait qu’il a voulu se manifester d’abord à ses disciples. C’est cela sa première mission: appeler des disciples pour en faire ensuite des apôtres. Il a pris le temps de leur parler de son Père, de sa relation personnelle avec Celui-ci, de les ouvrir au mystère de leur amour, de les instruire des réalités du Royaume à venir. Jésus est venu pour établir dans le cœur de ses apôtres sa demeure. Le Temple de Dieu que les hommes ont construit à Jérusalem un jour disparaîtra mais un Temple nouveau, non bâti de main d’homme surgira le troisième jour.

C’est donc cela que Jésus est en train d’édifier au milieu de ses apôtres. Le monde ne peut pas le saisir. Le monde refuse la lumière et rejette ce Dieu qui veut faire alliance avec les hommes en prenant chair de leur chair. Pour que les hommes acceptent que Dieu vienne demeurer en chacun d’eux et au milieu de tous, Jésus va lui-même donner sa vie avant de les envoyer ses apôtres à travers le monde: de toutes les nations, faites des disciples, conclut l’évangile de Saint Matthieu. Saint Jean insiste sur la présence d’intimité du Fils de Dieu dans le cœur de l’homme:

«Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui et nous ferons une demeure chez lui».

En effet les disciples ne deviendront vraiment apôtres et donc envoyés au monde que s’ils sont fermement et solidement enracinés dans le Christ, unis comme les sarments au cep de vigne, s’ils vivent du même amour que le Christ pour son Père, dans l’unité de l’Esprit, s’ils entrent dans leur mystère trois fois saint. La mission de l’évangile quand elle est insuffisamment fondée sur un amour indéfectible du Christ ne tient pas, elle s’effondre. C’est pourquoi Jésus dit à Pierre après la résurrection, par trois fois: m’aimes-tu? Sois le berger de mes brebis.

Jésus promet d’envoyer l’Esprit Saint sur ses apôtres, non seulement pour qu’ils se souviennent de ses paroles mais pour qu’ils en vivent et restent inébranlables dans la foi. Bon nombre de nos problèmes dans nos vies personnelles et dans notre Église s’expliquent par une absence de foi au Christ puisée dans une relation personnelle par la prière.

«Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix»: Le Christ veut que nous demeurions dans la paix, pas une paix de façade, de surface, mais une paix qui est le fruit d’un amour véritable et inconditionnel. Cette paix suscite en nous la joie de se savoir uni au Père par le Christ et dans l’Esprit. Si nous sommes ainsi unis à Dieu de la sorte, alors notre vie sera un témoignage qui interpellera et qui attirera les autres à Dieu. La vraie mission de l’évangile est le rayonnement de notre amour pour Dieu, le débordement de l’intensité de notre foi. Voilà pourquoi à partir du jour de la Pentecôte, l’évangile se répand dans les cœurs, non pas dans le monde, qui lui ne peut pas croire à l’amour qui se donne par grâce.

L’Église d’aujourd’hui vit un certain réveil spirituel et en même temps traverse une grave crise. C’est son attachement au Christ qui est passé au crible. A chacun de nous le Christ redit comme à Jude et aux autres apôtres: «si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole». «Pierre, m’aimes-tu? M’aimes-tu vraiment?» Alors, pourquoi avoir peur? Ce monde est appelé à passer, à disparaître, pour qu’advienne une nouvelle citée, où tous les hommes seront rassemblés autour du Christ victorieux de la mort, l’Agneau de Dieu. Il sera leur lumière et leur joie pour toujours. Frères et sœurs, osons croire qu’une vraie fraternité, peut unir tous les hommes. Pour cela vivons les uns les autres de l’amour du Christ. Parlons à tous ceux que nous côtoyons du Christ. Il nous conduit vers le Père, et nous invite à ramener à Lui tous nos frères qui sont loin. Pour cela vivons intensément du mystère de l’Eucharistie, de la prière et de la fréquentation quotidienne de l’évangile. Imprégnons-nous des paroles que nous lisons et entendons chaque jour. Qu’elles entrent dans nos conversations, nos échanges, nos discussions avec ceux qui croient mais aussi ceux qui ne croient pas. Aimons Dieu de tout notre être pour donner envie aux autres de l’aimer et de garder à leur tour sa parole. La tiédeur n’a jamais touché le cœur de personne. Seul le langage de l’évangile ramènera les hommes vers le Christ. L’Église sera vraiment crédible quand elle vivra de la parole qu’elle lit et entend dans les Écritures. Alors nous comprendrons que notre place et notre rôle est de joindre dans une unité parfaite ce à quoi notre cœur adhère et ce que nos lèvres disent, ce que notre intelligence saisit et ce dont nos actes témoignent.

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