Vous le savez, cette nuit, un enfant est né. L’évangile nous le montrait, seul avec ses parents dans une étable. Il y avait bien eu les anges, mais c’étaient les bergers qu’ils étaient allés voir, pas l’Enfant. Curieuse nuit ! Me souvenant de la prédication d’un frère qui disait que, le jour de Noël il y avait ceux qui allaient à la crèche et les autres, j’ai décidé d’y aller. J’y ai vu beaucoup de personnes, y compris les prophètes de l’Ancien Testament, tous se tenant avec une certaine gravité. Un détail a attiré mon regard. Joseph a retiré ses chaussures. Pas qu’il ait eu peur de salir l’étable. Il n’attend pas non plus qu’on y mette des cadeaux. Non, il a fait comme Moïse autrefois sur la terre sainte sanctifiée par le buisson ardent. Avec Marie, à genoux, ils adorent l’Enfant. Qui donc est-il cet enfant qui sanctifie la terre qu’il habite et que l’on adore ?
L’évangile nous le dit. Il est Dieu, né de Dieu, lumière né de la lumière. Il est la Parole de Dieu qui a créé le monde, qui nous donne la vie terrestre. Quoi ? Cet Enfant pauvre, faible et vulnérable serait notre créateur ? Oui, le Tout-Autre, dont la Parole est toute puissante se fait proche jusqu’à prendre notre condition humaine. Vous connaissez l’histoire de cet alpiniste qui accroché à un arbuste alors qu’il tombait s’écria : Mon Dieu, viens à mon aide. Et Dieu lui répondit : Je suis là mon enfant, ne crains pas. Lâche l’arbuste et je te prendrais pour te déposer sur le sol avec douceur. Alors l’homme répondit : Il n’y a pas quelqu’un d’autre ? C’est souvent ainsi que nous sommes vis-à-vis de Dieu, nous ne voyons que le Tout-Autre, très lointain. Pourtant, sa Parole n’est jamais une parole en l’air.
Alors le Verbe de Dieu par qui tout a été fait, le Tout-Autre et le Tout-Puissant, a pris notre nature. La Parole de Dieu s’est fait proche, s’est fait l’un de nous pour dire combien nous avions du prix à aux yeux du Père et nous dire, en paroles et en actes, le chemin du bonheur éternel. Cet enfant est Dieu. Et notre première attitude est de le reconnaître pour ce qu’Il est et donc de l’adorer. Il nous dit déjà de ne pas réduire Noël à une fête familiale, à un moment de convivialité. Il nous dit de ne pas passer à côté de l’essentiel. Car ce qui se joue, c’est notre destinée.
Notre créateur, Celui qui nous donne actuellement la vie, est là, devant nous. Il a créé sa Mère et elle lui donne la vie, le soigne. Il dépend de ses créatures pour tous ses besoins. Il est venu chez les siens et, nous dit l’évangile, ils ne l’ont pas accueilli. Nous sommes les siens : allons-nous l’accueillir ou le rejeter, allons-nous l’embrasser ou le conduire à la croix, sera-t-il le maître de notre vie ou fera-t-il juste partie du décor ? C’est un combat et l’évangile le dit : La lumière brille dans les ténèbres, elle vient éclairer tout homme en fait de péché.
Depuis deux jours, les journaux, faisant le jeu du Diviseur, rivalisent de titres sensationnels sur « la volée de bois vert » que le pape aurait adressée à la curie. Le pape rappelle simplement que Noël est le combat de Dieu contre le Mal, celui de l’Amour contre la haine et la discorde, de la vérité contre le mensonge, de la miséricorde contre la rancune, de la tendresse contre l’indifférence. Le pape sait que si on s’adresse à tout le monde, personne ne se sent concerné. Il sait aussi que l’exemple doit toujours venir d’en haut et que l’habit rouge des cardinaux rappelle qu’ils sont prêts à témoigner, à donner leur vie par charité, par amour, jusqu’au sang. Ils mènent comme nous le rude combat de la sainteté à quoi les appelle la venue de Dieu en notre chair. Ce sont des vœux de discernement spirituel. A travers l’image de la maladie, il parle comme un médecin des âmes et nomme les dangers spirituels qui nous guettent. Relisez les vœux du pape ou, si vous n’avez lu que la presse, lisez-les. Ne cherchez pas à quel cardinal cela s’adresse mais plutôt quelle maladie vous empêche de recevoir, d’accueillir l’enfant de la crèche comme mon Dieu et Créateur… C’est dans notre cœur que se situe d’abord l’enjeu.
Le Verbe naît dans la pauvreté d’une crèche pour nous dire que c’est dans la pauvreté de notre cœur marqué par le péché qu’il veut naître. Si nous l’accueillons pour ce qu’Il est, il nous donnera de devenir enfant de Dieu, héritiers de la vie éternelle, victorieux avec lui dans l’amour, la grâce et la vérité. Car c’est cela que nous sommes appelés à vivre. Vivre de la grâce, c’est-à-dire du pardon reçu et offert à l’infini et du relèvement du péché. Vivre de la grâce, c’est-à-dire de l’accueil inconditionnel de toute personne quoi qu’il puisse en coûter. Vivre de la vérité en tout, de la vérité de l’Évangile : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son propre Fils pour que, par lui, le monde soit sauvé » et « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » ou encore « Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés ». Ce n’est pas raisonnable ? Vous avez raison : C’est Noël, naissance de Dieu en notre chair, naissance de l’homme vivant ! Soyez fous, aimez comme jamais vous n’avez aimés. Ouvres les bras pour accueillir Celui qui est, qui était et qui vient ! Joyeux Noël !