Ce dimanche où nos frères célèbrent leur « première messe » puisqu’ordonnés prêtres hier, le texte de l’évangile nous donne des précisions sur l’appel à participer à la mission donnée à ses disciples.
Nul n’ignore que Luc a écrit son évangile en inscrivant les actes, les rencontres et les paroles de Jésus dans un mouvement présenté comme une unique montée à Jérusalem. Cette construction littéraire permet de souligner le sens de la vie de Jésus, qui est rapportée depuis les premiers commencements avec les pages consacrées à sa naissance, jusqu’à la Résurrection et le don de l’Esprit Saint. Cette présentation fait de la vie de Jésus comme un grand pèlerinage : entendons plus qu’une montée de Nazareth à Jérusalem, mais une montée de l’ici-bas à la gloire. Cette montée n’est pas une montée analogue au pèlerinage alors pratiqué par les juifs pieux : un aller à la ville sainte et ensuite un retour pour reprendre la vie quotidienne avec courage et dans l’espérance de la libération de la ville sainte. La montée de Jésus à Jérusalem est sans retour. Entendons bien : elle est sans retour parce que ce qui adviendra à Jérusalem est radicalement nouveau. Jésus souffrira la Passion et il entrera dans la gloire par la Résurrection, prémices de l’universelle résurrection à la fin des temps. Les deux propos rapportés dans la page d’évangile lue ce dimanche se comprennent dans cette perspective et seulement dans cette perspective.
Le premier épisode est une confrontation entre Jésus et ses disciples ; elle évoque un épisode de la vie du prophète Élie. Celui-ci avait vivement reproché au roi ses rapines et ses dévergondages. Il était menacé de mort. Les soldats du roi étaient sur le point de le prendre pour le mettre à mort ; alors, à sa prière, la foudre tomba sur la troupe et la réduisit en cendre (2 R 1, 9-12). Le récit était légendaire. Il explique pourquoi les disciples de Jésus demandent que la même chose arrive pour les opposants à Jésus qui lui refusent l’hospitalité. Jacques et Jean demandent que la foudre tombe sur leur village. Jésus dit non ! Pas question ! Jésus est artisan de paix et il assume les souffrances, les oppositions qui se dressent sur sa route. Il monte résolument à Jérusalem — quoi qu’il en coûte.
Le deuxième épisode concerne ce qui arriva au disciple d’Élie, Élisée (2 R 2, 9-14). Quand Élie fut enlevé au ciel, son disciple et successeur, Élisée, reçut l’Esprit de prophétie. Pour Jésus, ce don prophétise ce qui adviendra aux disciples de Jésus. Ils montent avec lui à Jérusalem. Jésus sera condamné, crucifié et ensuite glorifié. Une fois monté au ciel, il donnera part à l’Esprit qui l’habite pendant sa mission et qui fait de lui plus qu’un prophète, plus qu’un prêtre, plus qu’un roi : le commencement de la nouvelle création. Jésus demande à ses disciples de marcher avec lui sur ce chemin. Comme Élisée, ils doivent avancer résolument et ne pas regarder en arrière.
Les paroles de Jésus sont rudes. Elles valent pour tous les chrétiens qui doivent avancer résolument, car le temps qui nous est donné est court et notre chemin de vie mesuré. Le propos de Jésus n’est pas un appel à renier ses origines et ses racines, mais une manière de les considérer comme un point de départ pour un aller sans retour.
La rigueur de Jésus ne fait en aucun cas appel au mépris ou au rejet des Anciens. Jésus n’abolit pas le commandement qui demande que l’on honore ses parents et aime tous les membres de sa famille. Il demande que l’on réalise ce qu’est la vie : donnée pour être donnée. D’abord, honorer les parents car en donnant la vie, ils ont fait plus que prolonger leur lignage. Ils ont donné une vie qui comme le grain jeté en terre est appelée à se multiplier et à être source de vie pour bien d’autres que leur seul lignage. Ensuite, c’est honorer les parents en allant au-delà de ce qu’ils ont donné : avoir part à la vie éternelle — c’est devenu prioritaire.
Jésus, fils de David, monte à Jérusalem. Son désir est bien plus grand que d’être roi comme le furent ses ancêtres David et Salomon. Son désir est de rassembler toute l’humanité dans un même élan de fraternité : recevoir l’Esprit Saint qui fait de nous des enfants de Dieu et plus particulièrement répondre à l’urgence d’annoncer la vie dans un monde de tristesse et de violence.