Homélie du 26 mars 2000 - 3e DC

« A la rencontre du prochain »

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Frères et sœurs, nous venons d’entendre un long évangile, un peu moins long quand même que celui à venir prochainement de la Passion, où il a vous a sans doute tardé de vous asseoir. Peut-être n’en avez-vous donc pas mémorisé tous les éléments, surtout que, avouons-le, certains d’entre eux apparaissent assez exotiques, fort éloignés de nos préoccupations: que nous importe après tout Jacob et son puits, ou la montagne sur laquelle il faut adorer? Justement, je me propose d’en rester à la forme du texte plus qu’au fond, et de dégager trois points qui peuvent nous guider dans l’annonce de l’évangile à notre prochain.

Il s’agit donc de la rencontre de Jésus et d’une femme de Samarie, mais aussi à travers eux de la rencontre d’un Juif et d’une Samaritaine: autrement dit de deux personnes qui ne veulent avoir a priori, comme le rappelle d’ailleurs l’évangéliste, rien en commun. Surtout lorsque l’un est un homme et l’autre une femme: des règles de pureté se posent que la tradition interdit d’enfreindre. En d’autres termes, cette rencontre de Jésus et de la Samaritaine est bien la rencontre de deux étrangers. Mais en allant vers cette femme, Jésus brave plusieurs interdits et manifeste ainsi qu’il refuse de se laisser dicter sa conduite par des préjugés, ou par une tradition aussi respectable qu’elle soit. L’apôtre Paul dans cette ligne rappelle dans la première lettre aux Corinthiens qu’il s’est fait juif avec les juifs, païen avec les païens, sans loi avec les sans loi: n’hésitons-nous pas trop souvent à faire de même, ne remettons-nous pas de barrières là où Jésus a tout fait pour les abolir? L’évangile est pour tous sans distinction de race, de sexe ou d’éducation, et il doit être annoncé à tous.

Ce dialogue, a priori difficile, est long: mais comment pourrait-il en être autrement après des années de séparation et de mépris? Il faut laisser aux deux partenaires le temps de s’amadouer. Ce dialogue, Jésus l’entame de manière étonnante et fort instructive: il ne vient pas, du haut de sa supériorité juive, ressasser devant la Samaritaine toutes les impasses du dialogue judéo-samaritain, comme on dirait aujourd’hui, il vient simplement lui parler, mieux encore l’implorer. Jésus se tient sur le bord de la route et, comme dans la fameuse parabole de l’évangile de Luc, c’est à nouveau quelqu’un de Samarie qui se penche vers lui: à cette femme, il demande un service tout simple, fort loin de tout débat théologique, celui de lui donner à boire. Ce n’est pas une question d’habileté, mais de vérité: dans la chaleur ambiante, au beau milieu du jour, le désir de Jésus est bien de se désaltérer. Dès lors, ce n’est plus le dialogue d’une Samaritaine et d’un Juif, mais celui d’une femme avec Jésus, c’est la rencontre de deux personnes: au diable les catégories, au Seigneur les désirs vrais. Pour que cette femme puisse exprimer son désir, Jésus a commencé à dire le sien, en toute simplicité.

Dès lors, même si l’expression détonne, «la glace est rompue». Est-il donc maintenant venu le temps de la disputatio, de la controverse théologique avec ses échanges d’arguments de haute volée? La chose était sans doute difficile avec une femme du peuple toute simple, mais je ne suis pas sûr que Jésus l’aurait choisie en toute occurrence. Le point de départ va donc se situer ailleurs, dans le désir de cette femme dont Jésus, par ses questions, va préciser peu à peu la teneur: désir d’eau vive d’abord, puis désir de mieux connaître Dieu ensuite, désir de la venue du Messie enfin, comme réponse englobant toute l’attente jusqu’alors exprimée. La parole de Jésus ne part pas de réponses toutes faites et a priori, mais des besoins propres de cette femme qu’il met patiemment au jour; à ceux qu’elle rencontre, cette femme ne dira pas: «Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que je devais penser», mais: «Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait». La catéchèse y a sans doute gagné en profondeur.

Frères et sœurs, en relevant ces trois points, je ne cherche aucunement à nier l’importance d’une catéchèse, de son articulation, telle par exemple que nos catéchumènes ont entrepris de la recevoir. Mais il me semble que ce texte nous rappelle ce fait tout simple que la dite catéchèse ne peut se passer d’un préalable, celui d’une rencontre vraie, qui n’est pas celle d’un enseignant et un enseigné, mais de deux personnes qui se disent l’une à l’autre leur attente. Car c’est toujours au croisement de l’attente de chacun et de la rencontre avec d’autres que Jésus se donne et se dit.

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