Homélie du 20 décembre 2015 - 4e DA

À quatre jours…

par

fr. Joseph-Thomas Pini

Quatre jours ! Alors on compte, on recompte, on escompte, on emballe, on déballe, et tout s’emballe. Il est donc urgent de prendre du recul, pour considérer dignement le mystère de la Nativité que nous allons célébrer. Impératif de prendre du champ, comme devant un vaste paysage ou une grande chose, car Noël est en trois dimensions : la largeur de l’amour rédempteur de Dieu, la hauteur de Son mystère, la profondeur de Sa sagesse qui a disposé toutes choses. D’un dimanche d’Avent à l’autre, l’Église mère et maîtresse nous en a donné le rappel. Et, pour cette dernière étape, elle nous confie en quelque sorte à la maîtresse du silence et de la contemplation, la Vierge Marie, elle qui « retenait tous ces événements et les méditait en son cœur » du début à la fin de la vie terrestre du Christ, pour la grâce d’une lecture mariale de Noël, et donc aussi une attention particulière à la place, à l’attitude et au rôle de Marie, si étroitement liés à l’œuvre de salut de son Fils au-delà d’une maternité biologique et sociale. Dans sa présence constante, un trait frappe : l’éminence de Marie

Sans injure à l’humilité si sincère de la servante du Seigneur, et même par elle, pourrait-on dire, la Vierge Marie se trouve en position d’éminence, dans les trois dimensions de la venue de Dieu en nous et en ce monde, puisque les deux sont indissociables : celles des chemins préparés pour Lui que sont les vertus théologales. Regardons le tableau de la Visitation, de la rencontre de ces deux futures mères. L’espérance. Notre texte, tramé, parsemé, constellé de références bibliques et qui se fait l’écho des grandes figures féminines de l’histoire sainte, nous montre ces deux parentes qui, l’une vers l’autre, dans la joie de l’Esprit, illustrent au plus haut toute l’espérance d’Israël. L’espérance, c’est une attente confiante, ce sont aussi des préparatifs. Et en vue du grand jour, Dieu, au principe de l’espérance, a Lui aussi fait des préparatifs. En Élisabeth. Dans le désert de son sein, dans le cours de ses années qui s’étirent, Il a fait venir par grâce le plus beau fruit de l’arbre de la prophétie, Jean, la voix qui clame la réalisation du Jour du Seigneur. Mais il y a surtout Marie. La préparation insigne n’est-elle pas celle que Dieu a prévue pour elle, préservée depuis toujours du péché des origines pour être la vraie terre sainte, s’ajustant tout entière à la volonté du Seigneur ? Et c’est en elle, sommet de l’espérance, que se réalisent la plus grande des promesses et le plus merveilleux des signes.

La foi. Inséparablement de l’espérance, c’est par la foi que resplendissent ces deux flambeaux du peuple fidèle. Foi d’Israël en Élisabeth, la fille d’Aaron, qui a les promesses, la Loi, le culte, elle juste parmi les justes, et qui, remplie de l’Esprit Saint à la manière des grandes figures de son peuple, la fait fleurir à son terme quand elle prête sa voix à son enfant et aussi à son époux Zacharie incrédule et rendu muet : la voilà qui proclame, sous la plume de l’Évangéliste, rien moins que la divinité de l’enfant en Marie et la maternité divine de celle-ci en reconnaissant dans la « mère de son Seigneur » ! Foi d’Élisabeth, parce que Dieu a accompli une merveille en elle en la relevant de son humiliation. Mais au sommet, la foi de Marie, la « comblée de grâce » : en elle, c’est la foi qui, dans un plus grand saut, permet que la plus grande des merveilles s’accomplisse, « selon la Parole du Seigneur », pour tous les hommes, et que l’Esprit fasse Son œuvre et Sa demeure. Alors, oui, la voilà la « bénie entre les femmes », la gloire d’Israël, et pour elle, la grande béatitude peut résonner comme en écho, lancée par l’archange, clamée par Élisabeth, chantée par la Vierge quelques versets plus loin : bienheureuse à travers les âges celle qui a cru !

Enfin la charité. Une telle foi se déploie en celle qui a espéré et qui devient elle-même l’espérance, et qui, toute à son Seigneur, est le parfait miroir de l’amour de Dieu, l’objet de bonheur qui entraîne Élisabeth exultante vers elle, et fait tressaillir le Baptiste. Une charité diffusive, dans un mouvement empressé, dont l’élan est donné par Dieu fait homme qui descend vers les Siens, et donne mouvement à l’Église porteuse du salut, dont Marie est bien ici la figure : l’Église qui sort vers l’humanité fatiguée, où continue de fleurir la grâce, où souffle l’Esprit et où demeure la vive attente. Un mouvement, de sortie et de rencontre, le même depuis Abraham et jusqu’à Jésus dans Sa vie publique. Tout le monde bouge dans cette scène, à l’exception notable de Celui qui est immuable, qui attend doucement dans la chair de Marie : mais Lui, c’est Son Esprit qui « bouge » et met tout en mouvement.

Voilà Marie dans son éminence : la Fille de Sion, mais vraie Porte du ciel, porte des grâces et des prières, à une place capitale qui fait le lien du mystère de l’homme-Dieu. Un modèle insigne des vertus, mais la Mère de grâce qui vient les allumer en nous comme trois bougies de nos couronnes d’Avent, et ainsi nous enfante à Celui qu’elle met au monde.

Trois lumières disposées, éclairant cette scène d’aurore, le commencement du premier jour du monde nouveau, dont l’humble Vierge d’Israël est déjà la Reine. Quatrième Dimanche …. Où est la quatrième bougie de la couronne ? Sans doute celle de la joie, l’étrenne de Dieu confiée à Marie. Joie de la saisie du meilleur et du plus désiré des biens, joie du Précurseur, joie des anges, des bergers et des mages, des exilés ramenés, des captifs libérés, joie par-là la solitude, la maladie, les soucis et les épreuves. Ce don de Dieu que nous n’échangerons pas, que nous ne céderons pas, que Dieu ne reprendra pas, et que nous avons même le droit de déballer et d’utiliser avant le 25. La joie, l’allumette du brasier de la charité qui illuminera dans la foi et éclairera dans l’espérance ce monde éteint.

Famille des enfants de la Servante du Seigneur, en elle et avec elle, bénis le Seigneur, car Dieu S’est souvenu, et réjouis-toi, car Le voici qui vient.

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