Homélie du 18 juin 2023 - 11e Dimanche du T. O.

Accueillir une expérience unique : la bonté de Dieu

par

fr. Hugues-François Rovarino

L’heure est aux questions ! Au lendemain des temps liturgiques majeurs qui depuis des mois ont façonné notre temps, la vie profonde de l’Église et de chacun de ses fidèles, un dimanche dit « ordinaire » nous réunit. J’allais dire : enfin ! Mais voilà que la liturgie de la Parole qu’il nous offre nous interroge. Qu’y a-t-il de commun entre ces moments qu’elle relie, qui ont marqué les siècles, depuis le temps du désert avec Moïse à celui des Romains avec saint Paul ? Ou entre un Peuple qui fuit ou regimbe en son exode et ces Douze que Jésus appelle en Galilée ; ou encore entre l’attention du Seigneur, sa prévenance de jadis, et l’envoi des disciples à ce Peuple d’Israël, douze siècles plus tard ?

Si l’heure est aux questions, une réponse se profile. À la source de tout cela, rayonne la bonté de Dieu. Une bonté qui se laisse découvrir à qui la recherche et saura consentir à la reconnaître. Les merveilles de Dieu ont en effet irrigué ces textes, et nourri la tradition qui les a portés. Car si ces paroles viennent de loin, une réalité les unit : l’expérience de Dieu qui se révèle et qui se communique. Et si ces paroles viennent aujourd’hui frapper à nos oreilles, c’est pour que nous vivions une expérience semblable, aussi riche, aussi forte, nous révélant le visage du Seigneur, sa présence et sa bonté. Et cela nous permettra d’aller plus loin encore. Car cette expérience ambitionne que changent nos cœurs, qu’ils soient disponibles à la grâce du Sauveur pour que nous répondions vraiment — et comme un corps — à Celui qui nous convoque, nous édifie, nous sanctifie et nous envoie !
L’expérience de Dieu est celle de sa bonté. Si « voyant les foules, Jésus fut saisi aux entrailles (on pourrait dire “saisi aux tripes”) envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger », combien sera-t-il chrétien que nous soyons de même « saisis aux tripes » en ce monde, au nom même de Jésus, le Rédempteur, pour y offrir sa grâce, et manifester de multiples façons la charité qu’est Dieu et son espérance si actuelle ! N’est-ce pas d’une simplicité déconcertante !
Vivre l’expérience de la bonté de Dieu, voilà notre programme, un cadeau et un choix pour ces semaines.

Cependant, beaucoup vont en douter par avance, désespérant des hommes comme d’eux-mêmes ; d’autres vont l’affadir, faute de s’y consacrer vraiment ; ou le relativiser pour de multiples raisons, comme le malheur des temps, des expériences douloureuses, des épreuves trop cruelles.
Certains vont peut-être même redouter ce programme de vie, car, exigeant trop de nous, il nous mènerait sur des voies fatalement décourageantes, désespérantes — un comble !
Ces objections sont courantes et fortes. Et la charité ne les a jamais repoussées, la bonté les a toujours écoutées ; et, « saisie aux tripes », y a reconnu un cri quotidien de l’homme. Depuis le Calvaire, sur la Croix le Seigneur la rejoint « pour nous les hommes et pour notre salut ».

Aussi voilà notre chantier, comme une entreprise de relèvement et plus profondément de rédemption. Oui, vivre l’expérience de la bonté de Dieu et adopter les mœurs de Dieu, sa charité, pour aider le Seigneur à rejoindre chacun. Et ainsi faire de la terre un endroit familier du ciel.
C’est à cette profondeur là que nous sommes conviés, et que nous accédons à la vie en vrai. Nous y accédons comme disciples de celui qui disait à son Père : « Pour eux je me sanctifie sans cesse » (Jn 17). La profondeur de Dieu nous rejoint. « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs », nous redit saint Paul. Faisant l’expérience de cette bonté, une simplicité radicale peut jaillir du cœur. Elle peut nous rendre aptes à Dieu, grâce à Dieu ; « nous mettons notre fierté en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ, par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation ».
Sans doute, pour goûter cette bonté en plénitude, faudrait-il déjà être saint ! Mais il n’y a pas là de quoi se lamenter, ni désespérer, car Dieu nous enracinant en lui, est toujours venu fidèlement à notre secours rendant possible ce qui « pour les hommes est impossible » ; et en retour faire du ciel plus que notre horizon, notre unique espérance.

Voilà l’œuvre de Dieu, à laquelle apporter notre concours. N’est-ce pas ce que confia le Très-Haut à Moïse ? « Toute la terre m’appartient ; mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte » (Ex 19). Il les a appelés pour que ce peuple soit habité par le Seigneur ; ayant goûté jusque dans sa chair, dans sa vie, dans ses pas, un salut divin et vital. En tout désert, conduit à l’humilité, ce Peuple aura pu accueillir la grâce. « Vous avez reçu gratuitement, gracieusement. » Une réalité inoubliable et reconstituante.
Cette bonté reçue en partage oblige ! C’est une grâce, un privilège, une exigence, certes, mais aussi davantage ! « Votre mission, si toutefois vous l’acceptez… » ne sera pas impossible. Elle nous trouvera unis sous le regard de Notre-Dame du Rosaire, en ces lieux. C’est aussi en ce cœur que nous demeurerons en communion avec le fr. Timothée, dans l’action de grâce pour ses années toulousaines, dans l’espérance pour ses années bordelaises et celles au service de l’Hospitalité du Pèlerinage du Rosaire.
Vivre l’expérience de la bonté de Dieu, voilà notre programme. Rendons-le chaque jour plus concret !