Amour toujours


Évangile selon saint Jean: 13
31 Après le lavement des pieds, au cours du dernier repas, quand Judas fut sorti, Jésus dit: […].
33 Petits enfants, c’est pour peu de temps que je suis encore avec vous. […].
34 Je vous donne un commandement nouveau: vous aimer les uns les autres; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres.
35 À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour les uns pour les autres.
Un homme va vers sa mort. Il le sait. Il rassemble ses amis pour un dernier repas. À leur grande surprise, il commence par un geste: lui, le maître, lave les pieds de ses disciples, puis il leur demande de faire de même. Il poursuit par une parole que l’on peut considérer comme son testament. Il ne laisse ni or ni argent. Il ne laisse ni écrit, ni relique. Jésus laisse en héritage à ses disciples un commandement, exprimé par un impératif: aimer! Tel est son héritage et la mission qu’il donne. Il semblerait que le commandement donné par Jésus soit simple à accepter tant le désir d’aimer est inscrit dans notre cœur depuis l’enfance et se renouvelle à toutes les étapes de la vie. Force nous est de constater que ce n’est pas le cas et il me semble indispensable de nous demander pourquoi.
Il est clair qu’aimer est la chose la plus difficile qui soit, parce qu’aimer ce n’est pas seulement plaisir d’être ensemble et agrément de satisfaire ses désirs. Aimer est un acte qui s’adresse à un autre qui doit être reconnu comme autre, irréductiblement autre. Cette reconnaissance ne se fait pas sans qu’il faille déchirer la suffisance de son moi. Pour que se brise le cercle du moi où l’autre n’est que celui avec qui on partage des intérêts, il faut déchirer en soi plus que des habitudes et des égoïsmes. Pour que l’amour soit force il lui faut la présence au-delà des fonctions et des rôles sociaux. Il faut que tombent les masques pour que paraisse un visage. Aimer fait ainsi entrer dans la fragilité, car aimer c’est se rendre vulnérable.
Aimer ne va pas sans renoncement, ni déchirure et donc ne va pas sans souffrance. C’est un travail d’enfantement. Il me semble que c’est par peur de devoir accomplir cette métamorphose que beaucoup refusent d’aimer. Ils n’emploient le mot que comme un jeu qui n’engage pas. Aussi, faute de cet engagement, leurs plaisirs ne mènent qu’à l’indéfinie répétition qui lasse un cœur fait pour aimer en vérité.
Quand le jour de Pâques, Jésus retrouve ses disciples, ils peuvent voir sur son corps la marque de sa passion, celle d’un homme qui est allé au plus extrême de l’amour en donnant sa vie pour la gloire de son Père et pour ses frères en humanité. Il peut leur donner une fois encore le commandement d’aimer et dire «aimez-vous comme je vous ai aimés», dans la certitude qu’en le mettant en pratique ils participeront à la vraie vie qui est communion avec Dieu.
La parole entendue ce jour ne se limite pas au cercle des disciples. Il leur fixe une mission: donner au monde le témoignage de l’amour. La parole quitte le domaine de la sentimentalité pour désigner une responsabilité et une mission qui repose sur la justice et sur la rigueur de vie.
Telle est notre commune vocation, celle qui fait l’Église sainte. Pour cela, il faut quitter ses peurs, ses ignorances, ses préjugés, ses raideurs dogmatiques, ses égoïsmes et ses avantages. Il ne s’agit pas ici de valoriser la souffrance, mais bien de reconnaître que le maître mot de la création est l’amour.

